En prévention cardio-vasculaire, doit-on encore prescrire des suppléments vitaminiques ou antioxydants ? La question peut se poser au vu des pratiques largement répandues dans certains pays, tels que les Etats-Unis, où le petit déjeuner ressemble à une distribution de pilules en tout genre. Les études d'intervention ont largement remis en cause l'hypothèse des antioxydants, qui devraient être utilisés avec parcimonie.
LES ANTIOXYDANTS sont largement présents dans l'alimentation. Les agrumes sont riches en vitamines antioxydantes. Les caroténoïdes sont présents dans les fruits jaunes, rouges et, en particulier le bêta-carotène dans les carottes, les abricots et les mangues, le lycopène dans les tomates et les pastèques. La vitamine E, liposoluble, est surtout présente dans les huiles végétales. Le sélénium et le zinc, autres antioxydants, sont présents dans les poissons, les céréales complètes et la viande pour le zinc. Les polyphénols se rencontrent dans le café, le thé vert, le vin et les fruits et les légumes.
Tous ces antioxydants, y compris la vitamine E, n'ont pas d'effet direct sur le taux de cholestérol, mais permettent de réduire l'oxydation du LDL, d'environ 50 % pour la vitamine E, de 15 % pour la vitamine C et de 78 % lorsque les deux sont associées, comme le montrent les études prospectives ou cas-témoins.
Lorsque l'on analyse les études observationnelles, il y a moins de risque de mortalité ou de cardiopathie chez les personnes ayant les apports alimentaires les plus importants en antioxydants, ce qui suggère une relation, mais sans montrer de lien de causalité.
Des résultats décevants.
Les essais randomisés, les seuls capables de montrer éventuellement un lien de causalité, sont plutôt négatifs. Les premières études historiques, telle que l'étude CARET chez 18 000 fumeurs supplémentés en bêta- carotène ou en vitamine A, a mis en évidence une augmentation du nombre de cancers du poumon chez les personnes supplémentées et une augmentation non significative des maladies cardio-vasculaires.
Dans l'étude finlandaise ATCBC suivant 29 000 personnes, les supplémentations en vitamine E et en bêta-carotène, comparées au placebo, sont associées à une augmentation de risque de cancers, une diminution de risque d'infarctus avec la vitamine E et une augmentation avec le bêta-carotène.
Dans l'étude Suvimax, menée chez 13 000 personnes suivies pendant huit ans, il n'y a rien de significatif en termes de protection contre les cardiopathies ischémiques.
Pour le Pr Serge Hercberg, les suppléments en antioxydants n'ont pas d'effets sur la prévention des maladies cardio-vasculaires. Dans certaines études, la supplémentation est associée à une augmentation du nombre de plaques carotidiennes, une amélioration de la vitesse d'ondes pulsées artérielles et pas d'effet sur l'épaisseur intima-média carotidienne.
Tous ces résultats remettent en cause l'hypothèse antioxydante et, aujourd'hui, pour le Pr Hercberg, il n'y a aucune justification à proposer des suppléments en vitamines antioxydantes, tant en prévention primaire que secondaire. Au contraire, il existe même une légère surmortalité dans les groupes ayant reçu des suppléments en antioxydants et ce d'autant plus que les doses sont élevées.
Des habitudes qui n'ont pas fait leurs preuves.
Pour lui, de manière très pratique, il convient d'éliminer les produits de supplémentation ou enrichis n'ayant aucune référence quant à leurs dosages en vitamines et toujours rester en dessous des apports journaliers recommandés.
De tels produits qui, malgré tout, continuent à être très consommés par les patients ne devraient être pris que sous forme de cure et pas au long cours.
Les fruits et les légumes ne contiennent pas uniquement des antioxydants, mais également des folates, des polyphénols et de nombreuses autres substances qui pourraient expliquer leur rôle très bénéfique observé dans la plupart des études.
En ce qui concerne les oméga 3, ceux à chaîne courte, présents entre autres dans l'huile de colza, ils pourraient avoir un effet favorable en termes de prévention cardio-vasculaire, comme l'a suggéré la LYON HEART Study. Pour le Pr Philippe Moulin, l'acide alphalinolénique (C18 : 2 n-3) mis en avant dans l'étude pourrait avoir un intérêt, mais cela reste à prouver, car, dans cette étude, il n'y avait pas uniquement des apports augmentés en acide alphalinolénique, mais également une diététique variée avec augmentation de la consommation de fruits et de légumes, de poissons et modération des graisses animales...
Pour les acides oméga 3 à longue chaîne (EPA et DHA), les études GISSI et DART mettent en évidence une diminution de la mortalité par infarctus du myocarde.
Ces études montrent qu'une supplémentation en oméga 3 à longue chaîne permet de réduire le nombre d'infarctus fatals, mais ne modifie pas le nombre d'infarctus non fatals.
On observe également dans d'autres études, telle que JELIS réalisée avec de l'EPA chez 18 000 Japonais, une diminution de 19 % des événements, tant en prévention primaire que secondaire.
Les acides gras n-3 à longue chaîne se trouvent dans les poissons, mais pas uniquement ceux des mers froides : daurades, turbots, bars, saumons, sardines, maquereaux... En cas de supplémentation, elle doit être prise en milieu de repas pour en faciliter la tolérance.
Pour le Pr Hercberg, il n'y a actuellement pas d'arguments pour donner des folates en prévention cardio-vasculaire primaire ou secondaire, les études d'intervention étant plutôt négatives pour l'instant. Mais de nombreux résultats devant être publiés dans les années à venir, il convient de rester vigilant. Cela n'enlève pas l'effet protecteur et bénéfique des folates sur la prévention des anomalies du tube neural chez les femmes désirant un enfant.
Communication de Philippe Moulin (Lyon) et Serge Hercberg (Paris).
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