L'ARRESTATION, au Tchad, de six membres de l'association l'Arche de Zoé, alors qu'ils tentaient d'emmener clandestinement en France 103 enfants, pose à nouveau la question de l'adoption internationale et du respect de ses règles quand surviennent des événements dramatiques. Dans un tout autre contexte, elle s'était déjà posée après le tsunami du 26 décembre 2004, en Asie du Sud-Est.
L'UNICEF avait avancé le chiffre de 35 000 enfants ayant perdu leurs parents dans la catastrophe. Aussitôt, les appels à l'adoption internationale s'étaient multipliés. Invitée de TF1, soeur Emmanuelle interpellait le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, en lui demandant de mettre en place une cellule pour aider les familles françaises à adopter plus rapidement des enfants. Amplifiées par cette exhortation, encore que la religieuse n'avait évoqué cette modalité que comme un dernier recours, les demandes d'adoption explosèrent.
Mais les autorités choisirent de couper court à cet élan, pour généreux et massif qu'il était. Le ministre des Solidarités et de la Santé de l'époque, Philippe Douste-Blazy, réunissait d'urgence des associations connues pour leur engagement en faveur des enfants en difficulté. Et le 6 janvier 2005 naissait le collectif Asie-Enfants isolés (CAEI) ; son objectif était de favoriser la création, dans les pays sinistrés, de centres pour enfants séparés de leur famille afin, dans un premier temps, de les protéger des trafics, de retrouver leurs proches, de les rescolariser, en privilégiant le parrainage collectif comme moyen de soutien de la part des donateurs potentiels.
«En quelques semaines, explique le président du CAEI, le Pr Marc Gentilini, nous nous sommes mis en ordre de marche avec une vingtaine d'associations, élaborant une procédure de sélection de projets, avec une grille de critères qui étendait la notion d'enfants isolés au-delà de celle d'orphelins et favorisait une approche de développement, même en situation d'urgence.»
Sur l'année 2005, un million et demi d'euros étaient répartis sur 16 projets, conçus pour des interventions dans l'urgence, ou sur le plus long terme.
L'adoption a des règles strictes.
«Pour aucun d'entre eux, il n'a jamais été question que ni le collectif ni aucune de ses associations ne se prêtent à des procédures d'adoption, souligne l'ancien président de la Croix-Rouge française ; sauf à être assimilée à un rapt d'enfants, l'adoption nécessite en effet le respect de plusieurs règles strictes: une autorisation délivrée en France par la DDASS, une autre accordée par les autorités du pays de l'enfant, la vérification de sa situation d'orphelin, en l'absence de toute réclamation de la part des parents. C'est du reste ce que stipule expressément la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée en 1989 par l'ONU.»
Dans le cas des 103 enfants que l'association l'Arche de Zoé a tenté d'emmener en France depuis l'Est tchadien, rien ne prouve, note l'UNICEF, que l'on ait affaire à des orphelins. Pour le président de la section française de l'organisme onusien, Jacques Hintzy, de toute manière «rien n'autorise à proposer à l'adoption internationale un enfant, du moins tant qu'il n'est pas établi de manière indiscutable qu'il n'a aucun parent, membre de sa famille proche ou de sa communauté qui soit en mesure de s'occuper de lui et qui le souhaite. Dans cette optique, nous continuons à rechercher les membres de sa famille pendant au moins deux ans».
Interrogée sur les vérifications effectuées par son association pour établir que les enfants étaient réellement orphelins, l'une des membres des familles d'accueil françaises, Rachel Sanchez, a affirmé à l'AFP qu'elles avaient duré en tout et pour tout six semaines.
Hâtive, la démarche de l'Arche de Zoé est également isolée dans le monde des ONG spécialisées dans l'aide à l'enfance. Bien que disposant d'un agrément pour l'adoption internationale, SOS Enfants sans frontières, par exemple, qui intervient notamment au Cameroun, se consacre à des prises en charge locales de soins et d'éducation, en développant des opérations de parrainage pour les financer : «La priorité, explique-t-on à l'association, c'est de faire grandir les enfants chez eux plutôt que de les déraciner.»
Un Enfant par la main poursuit la même stratégie, avec des programmes dans la région de Koulikoro, au Mali, également en faisant appel au parrainage des enfants.
Même ASMAE, l'association de soeur Emmanuelle, bannit l'adoption et privilégie les programmes de développement locaux dans les domaines de l'éducation et de la santé, au Burkina, en Egypte et au Soudan, notamment, avec des financements appuyés sur des opérations de parrainage.
Est-ce à dire que, même réalisées dans le strict respect des règles de droit, les adoptions internationales ne seraient plus humanitairement correctes ? Sans aller jusqu'à l'affirmer, l'UNICEF constate que, « à trop mettre en avant cette solution de la dernière chance, on oublierait que, pour les 143millions d'orphelins que compte notre monde, ce sont avant tout les proches, la famille, les voisins qui viennent en aide à ces enfants en détresse».
Avantage au parrainage
«Engagement solidaire dans la durée, le parrainage apparaît aujourd'hui comme une des meilleures solutions», selon le collectif Asie-Enfants isolés, qui en détaille les principaux avantages :
– il permet de travailler avec et au sein des communautés, dans leur environnement ;
– il respecte l'enfant et sa famille et leur donne les moyens de ses développer et de vivre seuls à terme ;
– il est un lien inter- et intracommunautaire qui redonne confiance à des populations traumatisées, grâce à l'échange avec les parrains et marraines dans d'autres pays ;
– il protège les enfants et leur permet d'entrevoir l'avenir avec espoir.
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