Par le Pr Jean- Pierre BRONOWICKI*
Ces échecs thérapeutiques peuvent être dus à deux situations bien différentes qui conditionnent la stratégie thérapeutique future pour le patient. Soit il existe une véritable résistance virologique (environ 12 % des patients), soit il y a eu échec en raison d'un traitement insuffisant (comorbidités, traitement insuffisant, réductions des doses, arrêt prématuré…).
La bithérapie pégylée doit-elle être reprise en cas de rechute ?
Les taux de réponse virologique soutenue (RVS) après une nouvelle bithérapie pégylée chez les rechuteurs et les non-répondeurs à une bithérapie pégylée sont de 33 et 7 %, respectivement. Il ne paraît donc pas pertinent de reprendre chez les non-répondeurs le même traitement, sauf si le premier n'était pas optimal en raison d'une méconnaissance des comorbidités, d'une mauvaise gestion des effets secondaires ou d'un traitement insuffisant. Si une reprise du traitement est décidée, les chances de RVS sont d'environ 50 % si l'ARN du VHC est indétectable à la 12e semaine de traitement et quasi nulles dans le cas contraire. Un traitement de 72 semaines permettrait de doubler les chances de RVS par rapport à un traitement de 48 semaines (16 % contre 8 %).
Traitement suspensif : des résultats décevants.
Le traitement suspensif a pour objectif, chez les patients en échec virologique, de prévenir l'aggravation de la fibrose et la survenue des complications chez les patients cirrhotiques. L'interféron semblait être la molécule antifibrosante la plus prometteuse. Plusieurs grandes études multicentriques ont testé le traitement d'entretien par interféron pégylé à faible dose.
L'étude COPILOT randomisée prospective a inclus 600 patients atteints d' une hépatite chronique C n'ayant pas répondu à un traitement à base d'interféron (1). Tous les malades avaient une fibrose sévère. Ils étaient randomisés pour recevoir soit un traitement par peginterféron a-2b (0,5 µg/kg/semaine), soit par colchicine (2 x 0,6 mg/jour). Le critère principal de jugement était la survenue de l'une des complications suivantes : décès, transplantation hépatique, CHC, rupture de VO, aggravation de deux points du score de Child-Pugh. à l'issue des quatre années de l'étude, il n'y a pas eu de différence entre les deux groupes en termes de survenue d'événements indésirables (décès, transplantation, aggravation de deux points du score de Child-Pugh, hémorragie digestive ou CHC) en ITT. En perprotocole, chez les patients ayant initialement une hypertension portale, le traitement par interféron a réduit significativement la survenue d'événements (p = 0,0038). Au total, 49 % des patients ont arrêté le traitement avant la quatrième année, ce qui pose le problème de la tolérance au long cours du traitement de maintenance.
HALT-C est une étude randomisée, multicentrique, contrôlée ouverte (2). Plus de 1 000 patients non répondeurs après 20 semaines de retraitement par peginterféron a-2a (180 µg/semaine) plus ribavirine étaient randomisés en deux groupes. Parmi ces patients qui avaient une fibrose sévère, 517 recevaient un traitement par peg-IFNa-2a (90 µg/semaine) et 533 étaient simplement suivis sans traitement. Le traitement a été mené sur 3,5 ans. L'événement clinique était défini par la décompensation de la maladie hépatique (ascite, encéphalopathie, hémorragie, infection du liquide d'ascite), un score de Child-Pugh ≥ 7, la survenue d'un carcinome hépatocellulaire ou une augmentation de deux points du score de fibrose. Au terme du suivi, les malades traités avaient une charge virale, une activité des transaminases plus basse et un score d'inflammation moindre sur la biopsie hépatique par rapport aux malades non traités. En revanche, les scores de fibrose étaient similaires dans les deux groupes. De la même manière, la survenue des événements cliniques étaient identique entre les deux groupes de patients (risque cumulé : 34,1 % et 33,8 %), et cela même chez les malades cirrhotiques. Il ne paraît actuellement plus licite de proposer ces traitements d'entretien à nos malades hors protocole.
Antiviraux spécifiques : de l'espoir et quelques inquiétudes…
Différents antiviraux spécifiques du VHC sont actuellement en cours de développement chez les patients naïfs infectés par un génotype 1. Des antiprotéases comme le telaprevir et le boceprevir qui sont testés en association avec la bithérapie pégylée. Le telaprevir est actuellement évalué chez les patients non répondeurs et rechuteurs après une bithérapie pégylée. Des résultats préliminaires de cette étude ont été dévoilés récemment. Les taux de réponses virologiques 12 semaines après l'arrêt d'un traitement associant peginterféron a-2a + ribavirine + telaprevir pendant 12 semaines suivi de 12 semaines de peginterféron a-2a + ribavirine étaient respectivement de 73 % chez les rechuteurs et de 41 % chez les non-répondeurs. Dans ces populations, le risque de sélectionner une souche de VHC multirésistante doit être pris en compte et évalué de façon rigoureuse, surtout chez les vrais non-répondeurs à une bithérapie pégylée chez qui le risque paraît maximal. Ainsi, parmi les patients non répondeurs à une bithérapie pégylée, deux patients ont présenté un échappement après deux semaines de trithérapie. Le séquençage des souches virales chez ces deux malades a montré les variants de résistance sévère au moment de l'échappement.
* Hépato-gastro-entérologie, INSERM U724, CHU de Nancy, 54500 Vandoeuvre-lès-Nancy.
(1) Curry M et coll. J Hepatol 2005;42;S40.
(2) Everson GT et coll. Halt C trial Group. Hepatology 2006;44:1675-84.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature