De notre correspondante
Les généralistes de Marseille et de ses environs, qui soignent de nombreux patients maghrébins, sont souvent confrontés à des interférences entre culture et santé. Pendant le ramadan, les diabétiques ne boivent pas de la journée et mangent chaque soir une nourriture mal adaptée. Il en va de même pour les problèmes des adolescents et adolescentes d'origine maghrébine. D'où l'intérêt de nouer des liens, par-dessus la Méditerranée, avec des médecins confrontés aux mêmes contextes.
L'UREMEC travaillait déjà depuis 1990 avec la Tunisie pour organiser des formations à la pédagogie en direction des médecins appelés à faire eux-mêmes de la formation continue auprès de leurs confrères. Comme le constate le Dr Henri-Michel Porte, président de l'UREMEC, ces séminaires regroupaient surtout, jusqu'à présent, les médecins de santé publique, plus nombreux et disposant de plus de temps de formation que les libéraux. L'UREMEC veut désormais approfondir les liens avec les médecins « de libre pratique » et a envisagé de traiter avec eux les sujets qui les préoccupent le plus, à savoir les urgences (qui seront sans doute le thème du prochain séminaire) et la prise en charge des adolescents.
En Tunisie
Quarante-cinq médecins tunisiens et six généralistes marseillais ont débattu à Tunis de ce dernier sujet, en compagnie de deux experts pédopsychiatres, l'un français, l'autre tunisien.
Si les risques encourus par les adolescents d'ici et de là-bas sont souvent les mêmes, leur environnement modifie parfois la donne. Le suicide arrive en tête des causes de mortalité des jeunes Français mais en deuxième position en Tunisie, précédé par les accidents de la route (conduite à risque, d'ailleurs elle aussi suicidaire). En matière de drogue, les jeunes d'origine maghrébine vivant en France sont beaucoup plus touchés que ceux qui sont restés au pays : là-bas, la famille et l'autorité du père pèsent encore de tout leur poids, permettant le repérage et la répression rapide de toute dérive. L'omniprésence de la famille ayant aussi ses inconvénients, les médecins tunisiens constatent que peu de jeunes viennent consulter au cabinet sur des sujets liés à la sexualité, et notamment à la contraception.
D'où l'organisation de ces prises en charge par les autorités sanitaires à l'intérieur même des établissements scolaires : collèges et lycées disposent de cellules d'écoute et de la présence d'une infirmière et d'un médecin, voire d'un gynécologue, permettant de répondre aux différentes demandes des jeunes.
Les échanges avec les médecins tunisiens ont permis de constater l'importance de la santé publique dans l'organisation du système tunisien. Non seulement les médecins scolaires et de PMI sont nombreux et bien organisés, mais les médecins libéraux sont aussi beaucoup plus impliqués qu'en France : ils participent aux campagnes de prévention et beaucoup ont des responsabilités dans des organismes d'Etat. Le généraliste est donc moins isolé et les échanges sont plus faciles entre les professionnels ayant des modes d'exercice différents. Enfin, les repérages et prises en charge précoces des problèmes des adolescents sont améliorés. Médecins français et tunisiens ont insisté sur la nécessaire vigilance et la communication de tous pour enrayer le plus tôt possible la spirale « absentéisme scolaire-drogue-petit vol-délinquance ». A noter toutefois qu'en Tunisie les informations ne circulent pas seulement entre médecins : ils sont contraints par la loi de signaler les consommateurs de drogues même douces et la déontologie médicale est bien obligée de suivre. Ce qui risque de limiter la confiance des jeunes dans le médecin et de faire perdre autant de chances de repérage, comme le pensent la plupart des médecins français.
Parallèlement à ces échanges avec les Tunisiens, l'UREMEC poursuit son ouverture sur d'autres pays : dans le cadre de la même convention avec le conseil général, elle va organiser des séminaires aux Comores (Marseille est la première ville d'accueil des Comoriens, et ces populations nécessitent parfois une prise en charge particulière), elle poursuit ses actions au Vietnam pour des formations de plus en plus pointues en médecine d'urgence et y organise l'ouverture d'une bibliothèque médicale informatique francophone.
La Communauté économique européenne vient par ailleurs d'accepter de financer un projet de l'UREMEC pour une aide au dépistage et à la sensibilisation des populations au VIH dans une région de l'Est de la Russie. Ce qui n'empêche pas cet organisme de FMC de proposer son savoir-faire dans les nombreuses réunions et séminaires organisés à Marseille, Gap ou Toulon pour des échanges franco-français.
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