A la veille de la mise en place du suivi socio-judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles, notamment lorsque celui-ci comprend une injonction de soins (loi du 17 juin 1998), les professionnels de la santé se mobilisent.
Chaque année, quelque 20 000 agressions sexuelles font l'objet de procès verbaux de la police ou de la gendarmerie. Le huitième de la population carcérale est concernée, sans compter les agresseurs qui ne sont pas signalés à l'autorité judiciaire mais peuvent se retrouver dans le cabinet d'un médecin à la demande de leur famille ou de l'entourage. Or, face à ces hommes à problèmes et dangereux, il n'y a guère plus de « 50 à 100 praticiens, pour répondre à l'exigence de soins qu'ils nécessitent », dit au « Quotidien » le Dr Jean-Michel Thurin, psychiatre libéral, président du Comité d'organisation de la conférence de consensus « Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d'agression sexuelle », qui se déroulera à l'hôpital parisien de la Salpêtrière, jeudi et vendredi. « Il faudrait au moins 1 500 thérapeutes, qui, chaque année, suivraient chacun 10 personnes », estime-t-il.
Une formation ad hoc
La conférence de consensus définira les bases d'une formation ad hoc, que labellisera l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). En premier lieu, un « terrain sémantique commun » aux spécialistes médicaux et judiciaires sera délimité. Pour l'inceste, par exemple, il n'existe pas de vocabulaire, tant en psychiatrie qu'en droit. Et tandis que le juriste parle de troubles de conduite sexuelle en termes d' attentat à la pudeur et d' atteinte à la dignité de la personne, le thérapeute, invoque la paraphilie ou la pédophilie.
En outre, poursuit le psychiatre parisien, qui compte dans sa clientèle 5 % de patients présentant des troubles de la conduite sexuelle, il convient, « en faisant un détour par la psychopathologie, d'inventorier les causes des comportements ; un violeur n'est pas un pédophile intra- ou extra-familial, un adolescent agresseur individuel se différencie d'un agresseur en bande ». Comprendre et connaître avant de soigner entraîne une distinction entre un agresseur sexuel, « au développement psychologique incomplet, qui, dans sa relation avec sa victime, recherche un sentiment identitaire », et un « monstre atteint d'une pathologie dégénérative ».
Quant aux thérapeutiques possibles, médicamenteuses ou non, individuelles ou de groupe, là encore, tout est fonction du profil du patient et de la situation qui le conduit à passer à l'acte ou non. Un groupe de travail interministériel, auquel participe le Dr Thurin, devrait rendre au début de l'année prochaine ses recommandations sur l'injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. L'organisation du système de prise en charge s'appuie actuellement sur la nomination de 100 médecins coordonnateurs, nommés par la Chancellerie et qui s'occupent chacun de 15 condamnés. Ils constituent « l'interface entre le médecin traitant, librement choisi par le patient, et le juge d'application des peines ».
* Tél. 01.48.04.73.41.
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