« INSÉCURITÉ à l'hôpital, quelles solutions ? » : la 25e Journée nationale de l'Afmha* vient de faire le point sur la question.
Le modèle des Hauts-de-Seine a été largement évoqué. Dans ce département, le préfet, Michel Delpuech, avait pris le problème à bras-le-corps en décembre 2004, juste après le double homicide de Pau. A chaud. Son plan d'action comprend trois phases : diagnostic, amélioration de la sécurité, évaluation. Une année s'est écoulée depuis la première réunion entre hospitaliers et forces de l'ordre, sous la houlette de la préfecture des Hauts-de-Seine. Et les premiers résultats sont là.
Bousculades, menaces de mort.
Dix des dix-neuf établissements de santé du département ont signé une convention de coopération avec les services de police. Avec une idée phare, la proximité. L'objectif est de répartir les responsabilités en cas d'agression ; la convention prévoit le recensement des actes de violence, des réunions trimestrielles, des rondes de nuit. « Le bilan ? Un rapprochement important et bienvenu entre la police et les hôpitaux, observe Michel Delpuech. Même s'il ne s'agit pas vraiment du même monde, il faut se connaître, se parler. »
Le ministère de la Santé avoue s'être largement inspiré du modèle des Hauts-de-Seine pour cadrer les choses au plan national. Les hospitaliers parlent régulièrement d'une recrudescence de la violence, mais aucun chiffre ne l'atteste précisément.
Un observatoire national des violences hospitalières a donc été mis sur pied pour poser un diagnostic fiable. Ses résultats seront présentés en décembre. Mais on sait déjà que, durant les trois premiers mois, les hospitaliers ont signalé 374 événements, dont 56 très graves comme des bousculades ou des menaces de mort. Une plainte n'a été déposée que dans un cas sur cinq, par peur des représailles ou par culpabilité envers le patient. Autre enseignement : aucun service hospitalier n'est épargné, même s'il est vrai que les urgences et la psychiatrie sont le plus souvent touchées.
Les causes de la violence sont d'abord l'attente et le manque de dialogue. A Paris, une brigade de police a été spécialement chargée de traiter les violences urbaines frappant des établissements hospitaliers.
Sensibilisation et prévention.
Les actes recensés restent « relativement isolés au regard des millions de passages à l'hôpital », modère Jean Castex, le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos). Des mesures de protection et d'adaptation s'imposent néanmoins pour améliorer les conditions de travail à l'hôpital, mais aussi parce que la violence a un coût - arrêts de travail, réparation des dégâts -, qu'il convient de réduire.
Les pouvoirs publics ont donc décidé de se lancer dans « la sécurisation des activités hospitalières ». Le vocabulaire est aseptisé à dessein. Les mentalités doivent évoluer progressivement. Mais plutôt que de sortir un texte imposant la tolérance « zéro agression » dans les hôpitaux, la Dhos privilégie depuis plusieurs années les actions de sensibilisation et de prévention dans les établissements. Les formations sécurité s'intensifient ; cent psychologues ont été recrutés aux urgences ; depuis peu, les établissements sont incités à établir des protocoles contractualisés avec les forces de l'ordre ; une fiche de signalement systématique d'incident violent est à la disposition des établissements depuis août, ce qui doit permettre une remontée de l'information jusqu'à la Dhos « en moins de douze heures » ; et un guide de recommandations sera prochainement diffusé.
Omerta.
Toutes ces mesures sont en cours d'évaluation. « L'année 2005 sert de galop d'essai, 2006 sera l'année de la vérité, a précisé Patrice Vayne, chargé de mission à la Dhos, lors du congrès de l'Afmha. Fin 2006, on devrait pouvoir annoncer un recul net, et pas seulement symbolique, des agressions du personnel. »
Pour être efficace, cette nouvelle politique devra convaincre les hospitaliers. Les directeurs en premier lieu, qui ne savent plus s'ils doivent fermer les structures ou les laisser ouvertes pour faciliter l'accès en cas d'incendie. Mais également les soignants, rares à déposer plainte au commissariat.
Trop souvent en cas d'agression, la loi de l'omerta s'impose. « C'est très difficile pour le personnel de se plaindre, fait remarquer le Dr Claude-François Degos. Certains pensent que, si on laisse évoluer la culture de la plainte, il y a aura, comme dans les autobus, des répercussions syndicales et des grèves, et donc des difficultés à maintenir la permanence des soins. »
D'autres soignants, en revanche, sont déjà tout acquis à la cause de la « sécurisation des activités hospitalières ». C'est le cas de ce médecin nantais qui assiste impuissant à la vente de drogues dans son centre de rééducation, et pour qui la police devrait être autorisée à faire des rondes dans l'enceinte même de l'établissement. Démanteler les réseaux, « ce n'est pas notre métier, a lancé ce praticien, cela nécessite une stratégie ».
* Afmha : Association nationale pour la formation continue du personnel médical des hôpitaux publics en administration et gestion.
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