On sait que les maladies à prions sont des maladies neurodégénératives caractérisées par une perte neuronale massive, des modifications spongiformes et l'accumulation de PrPsc (pour Proteine Prion scrapie), l'isoforme anormale d'une protéine prion normale (PrPc) encodée par l'hôte.
Toutefois, on ne sait pas avec précision ce qui provoque la mort neuronale. D'ailleurs, chez la souris infectée, les taux cérébraux de PrPsc peuvent ne pas être corrélés avec les symptômes ; il existe aussi des cas humains où la PrPsc est indétectable ; la PrPsc elle-même n'est pas toxique pour le tissu cérébral dépourvu de PrPc. Mieux : les molécules capables de réduire l'accumulation de PrPsc dans des cultures infectées n'ont que de modestes effets pendant la période d'incubation chez la souris infectée, et ce uniquement lorsqu'elles sont administrées en même temps que l'inoculum, ou juste après.
La conversion de PrPc en PrPsc
Aucun traitement n'est efficace chez l'animal après le début des signes cliniques et aucun agent n'empêche la progression de la maladie pendant la phase préclinique asymptomatique, période où une intervention devrait avoir le plus grand potentiel.
Au coeur du processus pathologique des maladies à prions se situe la conversion de PrPc en PrPsc : les souris dépourvues en PrPc (Prnp 0/0) sont résistantes à l'infection et ne propagent pas la maladie.
Ainsi, cibler la PrPc plutôt que la PrPsc dans l'infection établie à prion reviendrait à priver le PrPsc d'un substrat pour sa conversion et sa réplication et pourrait être plus efficace qu'une réduction de l'accumulation de PrPsc.
Chez des souris ayant une scrapie neuro-invasive établie, l'équipe de John Collinge a testé les effets d'une déplétion neuronale en PrPc sur le cours de la maladie et les modifications neuropathologiques (elle avait déjà montré que la déplétion en PrPc est sans effet néfaste chez la souris adulte).
Schématiquement, les chercheurs ont utilisé deux types de souris doublement transgéniques : des souris MloxP chez lesquelles l'expression de PrPc peut être supprimée par l'action de l'enzyme Cre recombinase ; des souris NFH-Cre, qui expriment Cre à 10-12 semaines. Ainsi, les souris doublement transgéniques NFH-Cre/MloxP expriment PrPc dans les neurones et les cellules non neuronales jusqu'à l'âge d'environ 12 semaines ; à ce moment, il se produit spontanément, sous l'effet de Cre, une déplétion neuronale de PrPc.
Régression des lésions spongiformes
Des souris NFH-Cre/MloxP , à 3-4 semaines, ont été inoculées avec du prion de la scrapie ; d'où une réplication du prion et une infection du système nerveux central, avec, notamment, une dégénérescence spongiforme.
Puis, on a observé un effet bénéfique de la déplétion « spontanée » en PrPc : chez les animaux ayant une scrapie établie, on a observé une régression des lésions spongiformes et de la perte neuronale ; il n'y a pas eu de progression vers une maladie à prion clinique et la survie à long terme a été bonne.
Ces résultats, estiment les auteurs, incitent à cibler la PrPc dans le traitement des maladies à prions, ce qui pourrait empêcher la progression vers la maladie clinique chez les individus infectés par la prion (ou avec une mutation de Prnp) au stade asymptomatique.
« Science » du 31 octobre 2003, pp. 871-874.
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