L'existence de mutations protectrices vis-à-vis des maladies à prions était prévisible. Le mode de réplication de l'information pathogène est en effet fondé sur l'imposition, par la Prp-sc, de sa propre conformation anormale, à la protéine prion Prp normalement synthétisée dans la cellule. Ce mode d'action supposant, de la part de la Prp normale, la double aptitude à interagir avec la Prp-sc, d'une part, à adopter la conformation pathogène, d'autre part, il est évident que la conformation initiale de la protéine synthétisée joue un rôle crucial. L'existence, chez l'homme, de mutations aboutissant à de rarissimes maladies à prions héréditaires est d'ailleurs un autre élément en faveur de l'importance du gène Prp de l'hôte dans le développement de ces maladies.
Des mutations protectrices
Des mutations protectrices ont donc été recherchées et identifiées dans différentes espèces, qu'il s'agisse de mutations naturelles ou de mutations provoquées artificiellement dans des gènes Prp transférés et exprimés dans des lignées de neuroblastomes. Il faut noter que ces mutations agissent de manière dominante, c'est-à-dire que l'expression à l'état hétérozygote, soit d'un transgène muté, soit de l'allèle naturel muté, empêche la transformation de la Prp normale, codée par le gène non muté.
Des souris transgéniques
Un mécanisme est même proposé pour cet effet dominant. Quelle que soit l'espèce animale considérée, les acides aminés « sensibles » sont impliqués, côté C-terminal de la Prp, dans une structure qui paraît être un épitope. Sur cet épitope se fixerait une protéine X, non encore identifiée, mais apparemment nécessaire à la reconformation d'une Prp en Prp-sc. L'épitope des Prp mutées se caractérisant par une très forte affinité pour la protéine X, l'expression de Prp mutées dans la cellule se solderait par la séquestration du cofacteur indispensable à la transformation des protéines normales.
Ce modèle, déduit d'un certain nombre d'expériences, a été vérifié pour la première fois in vivo par l'équipe américaine.
Concrètement, des souris transgéniques ont été obtenues, exprimant un transgène Prp portant l'une ou l'autre des deux mutations protectrices identifiées dans la Prp murine (Q167R et Q218K). Les animaux pouvaient, en outre, exprimer ou non le gène prp normal.
En ce qui concerne les animaux exprimant l'une ou l'autre mutation, mais non la Prp normale, aucune affection n'a été constatée cinq cent cinquante jours après une infection d'épreuve. La Prp-sc n'a, par ailleurs, pas pu être mise en évidence dans le cerveau, qui ne présentait aucune anomalie. Les protéines mutantes sont donc bien, par elles-mêmes, résistantes à la reconformation.
En ce qui concerne l'effet protecteur exercé par une Prp mutée sur une protéine Prp normale, les résultats obtenus chez des souris exprimant les deux protéines montrent que les animaux n'ont développé aucun symptôme à 300 jours. Chez les animaux exprimant la mutation Q167R, de nombreuses vacuoles et une astrogliose ont toutefois été constatées, ainsi qu'un faible taux de Prp-sc. Les souris Q218K étaient, elles, parfaitement indemnes 300 jours après l'infection.
Dans l'immédiat, ces résultats valent principalement comme confirmation de l'effet dominant des mutations étudiées. Plus généralement, ce type de travail, qui consiste à faire jouer entre elles différentes conformations de Prp, peut apporter d'importantes informations sur le mécanisme de la maladie.
Côté applications, l'existence de mutations naturelles de résistance pourrait être utile contre les encéphalopathies spongiformes. A condition de pouvoir s'assurer, premièrement, qu'une mutation est protectrice vis-à-vis de tous les variants de Prp-sc qu'un animal est susceptible de rencontrer, deuxièmement, qu'il n'existe pas, dans le polymorphisme, d'autres mutations annulant l'effet de la première, il est tout à fait envisageable de favoriser la reproduction de cette mutation dans les troupeaux par des croisements appropriés.
La manuvre serait simple, et on est d'autant plus surpris de voir les auteurs n'envisager rien de moins que des troupeaux entièrement transgéniques, exprimant un transgène Prp muté. Qui plus est, la proposition est justifiée par la sécurité biologique et l'acceptabilité par le consommateur. Il est vrai que la mutation exprimée serait naturelle. Mais, enfin, la manipulation génétique, elle, ne l'est pas. Et c'est d'ailleurs ce qui fait la rupture radicale entre la sélection opérée depuis des millénaires par les cultivateurs et les éleveurs, et les OGM, quoi qu'en disent leurs promoteurs. Il y a, dans la proposition américaine, au mieux de la naïveté. Il est avéré, hélas, que la santé du bétail élevé dans des conditions industrielles pouvait réserver quelques mauvaises surprises. S'imaginer que, dans des conditions encore plus artificielles, on contrôlera mieux la santé de troupeaux transgéniques, c'est prendre la fuite en avant pour une solution.
V. Perrier et coll. «Proc Natl Acad Sci USA », édition on line avancée.
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