D ES l'apparition des premiers cas de nouveau variant de maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ), en 1996 en Grande-Bretagne, la question du risque transfusionnel s'est posée. En une cinquantaine d'années, aucune contamination de cette sorte n'a été rapportée pour les formes sporadiques de MCJ. En revanche, la malheureuse expérience a été faite, à la fin des années quatre-vingt, de la contamination par l'hormone de croissance extractive. Il est donc clair - et de multiples expériences animales l'ont confirmé - que la voie sanguine est une voie d'administration, même si c'est une voie moins efficace que l'injection intracérébrale. Reste à savoir si certains composants du sang sont eux-mêmes contaminants.
L'exemple du mouton
Théoriquement, au moins, la réponse est oui. Le prion absorbé au niveau intestinal, passe très vraisemblablement par le sang, avant de gagner le système neveux central par les nerfs sympathique et parasympathique. On discute encore du type cellulaire dans lequel la protéine prion passe par une première phase de réplication et d'accumulation périphérique ; il pourrait s'agir des cellules B et/ou des cellules folliculaires dendritiques. Mais, en toute hypothèse, la présence de l'agent du nouveau variant dans certains organes lymphoïdes signe l'existence d'un risque sanguin.
Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi aucune contamination transfusionnelle n'a été rapportée pour les formes sporadiques. C'est qu'en fait le risque transfusionnel pourrait être une particularité du nouveau variant. Dès l'apparition de la maladie chez l'homme, les experts sont tombés d'accord pour considérer que l'absence de risque transfusionnel constaté pour les formes sporadiques, ne pouvait pas être extrapolé à la forme émergente. Et c'est une notion que confirment un certain nombre d'expériences menées chez l'animal, montrant par exemple qu'un mouton infecté par l'agent de l'ESB peut contaminer un autre mouton par transfusion. Chez l'animal, au moins, le sang est donc bien un vecteur de contamination par le nouveau variant.
Même si aucun cas n'a été rapporté chez l'homme, tout est mis en place pour l'identifier s'il devait se produire. Dès 1996, les Britanniques ont connecté entre elles différentes bases de données, à la recherche d'une histoire transfusionnelle des victimes du nvMCJ. Parmi eux, trois receveurs ont été identifiés, sans que rien, toutefois, ne suggère que l'un des 116 donneurs identifiés en amont ait pu être la source contaminante.
Des malades britanniques ayant donné leur sang
Huit malades ont par ailleurs été reconnus comme donneurs, certains quelques mois seulement avant l'apparition des symptômes de nvMCJ ; 48 produits ont été fabriqués à partir de ce sang et administrés à 22 receveurs. Parmi eux, certains, âgés de moins de 40 ans, auraient a priori le temps de développer la maladie. Il faut donc les suivre - en croisant les doigts.
Face au risque théorique, la sécurité passe par un test de masse, applicable au dépistage des dons de sang. L'enjeu est considérable, puisqu'il s'agit aussi bien de la sécurité transfusionnelle - plus exactement, du principe de précaution, tant que le risque n'est pas avéré - que de chiffrer la prévalence réelle de la contamination dans la population. Toutes les équipes engagées dans la recherche sur le prion ainsi qu'un certain nombre d'industriels travaillent aujourd'hui sur un tel test.
D'après une session du 7e Congrès de la Société internationale de transfusion sanguine, consacrée au prion, et présidée par Dominique Dormont et Larisa Cervenakova (Etats-Unis).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature