De notre correspondante
à New York
Les maladies à prion, comme la scrapie du mouton, la maladie de la vache folle, et le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme sont des maladies neurodégénératives fatales, qui peuvent apparaître sous des formes sporadiques, héréditaires ou transmissibles.
Malgré des décennies de recherche, on ignore toujours le mécanisme pathologique de ces maladies. On sait néanmoins que la protéine prion PrP joue un rôle essentiel. Il semble aussi que, dans les formes transmissibles de la maladie, l'agent infectieux (ou un composant majeur de l'agent infectieux) est la protéine PrPsc, une forme rare de la protéine PrP, de conformation altérée et résistante aux protéases, et capable de convertir les autres protéines PrP normales en PrPsc. Mais plusieurs arguments suggèrent que la forme PrPsc n'est pas elle-même neurotoxique.
Dès lors, deux questions se posent. Quel est le mécanisme qui déclenche la transformation de PrP en PrPsc ? Et quelle est l'origine de la neurotoxicité ?
Une équipe, dirigée par le Dr Susan Lindquist, du Whitehead Institute for Biomedical Research (au MIT de Cambridge, Massachusetts), publie maintenant deux articles dans « Science » (sciencexpress) qui répondent à ces questions.
Le protéasome : un complexe d'éboueurs
La protéine prion PrP est une protéine membranaire. Comme beaucoup de protéines construites dans le réticulum endoplasmique de la cellule, une fraction des protéines PrP ne se plie pas de la bonne manière (par hasard ou du fait d'une mutation) et ces protéines mal pliées sont retournées alors vers le cytoplasme où elles sont immédiatement dégradées par les protéasomes, un complexe d'enzymes qui représente en quelque sorte les éboueurs de la cellule. Habituellement, ces protéines PrP ne sont pas détectées dans le cytoplasme, car elles sont dégradées très rapidement. Toutefois, si l'activité du protéasome est compromise, ce qui peut survenir naturellement avec le stress ou le vieillissement, la protéine PrP pourrait s'accumuler dans le cytoplasme.
Jiyan Ma, Susan Lindquist et coll. ont inhibé l'activité du protéasome par trois inhibiteurs du protéasome et ont étudié l'effet sur des cellules transfectées avec le gène PrP de la souris. Ils ont constaté que chaque inhibiteur du protéasome provoque une accumulation de protéine PrP dans le cytoplasme de la cellule, sous la forme d'agrégats amorphes ainsi que sous la forme de PrPsc. Plus l'apparition de PrP dans le cytoplasme est rapide, plus grandes sont les chances de conversion de PrP en PrPsc. Ils ont aussi observé qu'une fois que la PrPsc est apparue dans le cytoplasme la conversion de PrP en PrPsc se poursuit même si l'activité du protéasome est restaurée. Ainsi, démontrent les chercheurs, PrP possède une capacité intrinsèque à promouvoir sa propre transformation en PrPsc qui s'autopropage.
Toxicité : la PrP soluble accumulée
Dans une seconde étude, Ma, Lindquist et coll. ont découvert que même de petites quantités de PrP solubles accumulées dans le cytoplasme de la cellule sont fortement toxiques contre les neurones, en culture et chez les souris transgéniques. Les souris développent alors une ataxie sévère, une dégénérescence cérébelleuse et une gliose.
« C'est une vue entièrement nouvelle des espèces toxiques », commente dans un communiqué le Dr Lindquist. « Nous pensons que cette toxicité n'a pas été découverte auparavant, simplement parce que de tels taux faibles de PrP soluble dans le cytoplasme sont passés inaperçus à côté des autres formes de la protéine qui sont présentes en plus grandes concentrations. »
« Cela établit un mécanisme pour convertir la PrP sauvage en une espèce extrêmement neurotoxique, laquelle est distincte de l'isoforme PrPsc qui s'autopropage », estiment les chercheurs. Ainsi, pour les maladies du prion en apparence aussi diverses, « il existe un mécanisme commun sous-jacent à la toxicité : les mutations de PrP augmentent le mauvais pliage de PrP, les PrP mal pliées sont reconnues par les systèmes cellulaires contrôlant la qualité et sont transportées vers le cytoplasme », notent-ils. « Un tel mécanisme pourrait même expliquer la pathogenèse dans les maladies du prion infectieuses si PrPsc induit des perturbations dans le pliage et le transport des PrP endogènes », ajoutent-ils.
Des implications pour les inhibiteurs du protéasome
« Puisque de petites quantités de PrP cytoplasmique peuvent causer une neurodégénérescence sévère, et puisque l'interférence avec la dégradation par le protéasome entraîne l'accumulation de PrP cytoplasmique, les inhibiteurs du protéasome devraient être utilisés avec prudence », soulignent les chercheurs. Plusieurs inhibiteurs du protéasome (à ne pas confondre avec les inhibiteurs de la protéase utilisés dans l'infection par le VIH) sont évalués en clinique contre le cancer. Toutefois, puisqu'ils ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique, leur pouvoir néfaste pourrait être grandement réduit.
Enfin, cette découverte suggère aussi des stratégies thérapeutiques potentielles, concluent les chercheurs.
Sciencexpress.org, 17 octobre 2002.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature