BARACK OBAMA est incontestablement en tête de la course. Sur la foi des chiffres, il a gagné. Il devance sa rivale en nombre de voix de délégués, en nombre de superdélégués, en nombre de voix populaires. Cependant, il a tiré profit de deux éléments de procédure : le scrutin à la proportionnelle qui lui a permis de se maintenir malgré ses défaites dans les grands États peuplés ; le refus du Parti démocrate de tenir compte des primaires de Floride et du Michigan, gagnées par Hillary Clinton, sous le prétexte que ces deux États ont avancé la date de leurs primaires contre l'avis de la direction du parti.
Un vote majoritaire aurait assuré la victoire de Mme Clinton. Les démocrates ont abandonné le système du winner take all qu'ils jugeaient injuste, ce qui a provoqué la confusion de cette année. Il ne s'agit pas, ici, de refaire le monde, ni de soutenir jusqu'au bout la sénatrice de New York, mais de noter que ce choix des démocrates a des conséquences plutôt désastreuses.
Les Reagan democrats.
Contrairement à ce que semblent nous dire les journaux américains et les autres, le soutien à Mme Clinton est aussi fervent, aussi joyeux, aussi engagé que le soutien à M. Obama. Mme Clinton peut annoncer, au début du mois de juin, qu'elle a perdu la bataille et se ranger avec discipline derrière M. Obama. Elle peut aussi réclamer que les votes de Floride et du Michigan soient inclus dans le décompte des voix de délégués, et demander aux superdélégués de miser sur elle, parce que, dit-elle, elle a plus de chances de l'emporter contre John McCain. En réalité ni Mme Clinton ni M. Obama ne sont, à l'heure qu'il est, suffisamment forts pour battre le candidat républicain : celui des deux qui sera désigné par le parti ne devra pas seulement bénéficier du soutien de l'autre, il faut aussi qu'il convainque l'électorat démocrate du candidat battu de rester dans son propre camp.
OBAMA EST LE VAINQUEUR INCONTESTABLE MAIS IL N'A AVEC LUI QUE LA MOITIE DE SON CAMP
Or, loin d'être monolithique, l'électorat démocrate est versatile. M. McCain ne va pas se référer à George W. Bush pendant la campagne présidentielle, mais à Ronald Reagan, l'homme qui a rendu sa dignité à l'Amérique après la guerre du Vietnam et qui, par une folle surenchère aux armements, a achevé un bloc soviétique moribond. Ce qui est extrêmement ennuyeux pour les chefs du Parti démocrate, c'est que les électeurs de Clinton n'aiment pas Obama et que les électeurs d'Obama détestent Clinton. La scission des démocrates risque donc de reconstituer un camp qui a assuré l'élection de Reagan en 1980 et sa réélection en 1984, les Reagan democrats. Vous pouvez être certains que la stratégie de McCain reposera sur cette idée simple, mais fondamentale.
L'opposition démocrate se trouve donc dans une situation rare, celle d'avoir eu le choix entre deux candidats extrêmement brillants qui se sont réciproquement neutralisés, mais de n'avoir pas vraiment choisi ; celle de gâcher la chance historique de mettre un terme au néoconservatisme et de créer une alternance crédible à une politique qui aura été désastreuse pendant huit ans. Bien entendu, M. Obama, qui a en lui-même une confiance illimitée, sa candidature précoce en témoigne, peut surmonter les obstacles : obtenir non seulement le concours de Mme Clinton mais un message d'elle pour que son électorat se porte vers lui. Il peut convaincre le parti qu'il est en mesure de vaincre McCain et surtout qu'il apparaîtra, aux yeux de beaucoup d'Américains et du monde entier, comme la rédemption d'une nation coupable de multiples péchés. Bref, il a énormément d'atouts. Ce qu'il n'a pas, en revanche, c'est l'adéquation d'une forte majorité à tout ce qu'il représente. Il est assurément ce qu'il faut à l'Amérique, il n'est pas nécessairement ce qu'elle veut. Notre avis est qu'il s'est mépris sur l'aptitude du peuple à le suivre massivement et il a été encouragé dans cette méprise par un sentiment de culpabilité des démocrates blancs qui les a conduits à l'acclamer au début des primaires et a assuré ensuite son succès avec l'aide unanime des Noirs. Il nous semble qu'il s'est présenté quatre ans trop tôt.
Un seul remède.
À la scission apparente des démocrates, il existe un remède : si l'on admet dès aujourd'hui que Barack Obama devance Hillary Clinton, il appartient à Obama de lui offrir le poste de vice-présidente ; encore faut-il qu'elle accepte une telle proposition et qu'elle ait la garantie de jouer un rôle vraiment exécutif ; encore faut-il qu'un tel « ticket » convienne aux électeurs de Hillary ; encore faut-il que le camp républicain n'en fasse pas une réserve illimitée de sarcasmes : Clinton et Obama se sont déchirés pendant la campagne et ils ne travailleront ensemble qu'à contrecoeur. Bref, John McCain doit être très content.
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