En adoptant en première lecture le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, les sénateurs ont modifié son article 32 sur le déremboursement de tous les actes et prestations sans justification médicale, notamment les certificats médicaux pour la pratique d'un sport ou l'autorisation de conduire au-delà d'un certain âge.
Sur proposition du groupe centriste, ils ont en effet rétabli la prise en charge de l'assurance-maladie pour « les certificats de constatation de coups et blessures ou de sévices », afin de favoriser « la lutte contre l'incivisme et la maltraitance ». Surtout, ils ont adopté un amendement du gouvernement prévoyant un remboursement des certificats dès lors qu'ils « s'inscrivent dans une démarche de prévention » et « dans le cadre des contrats de santé publique signés entre les médecins et les caisses d'assurance-maladie ».
Un pas en arrière
Avec cet amendement au PLFSS, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, fait un pas en arrière, alors que la mesure approuvée par les députés, et censée économiser « 20 millions d'euros » (« le Quotidien » du 7 novembre), suscite un flot de critiques et beaucoup de perplexité dans le milieu médical. Devant le Sénat, le ministre de la Famille, Christian Jacob, a précisé, au nom de Jean-François Mattei, que, « lorsque les certificats médicaux délivrés pour la pratique d'un sport s'inscrivent effectivement dans une logique de prévention qui implique un examen approfondi de la part du médecin et un dialogue avec le patient, la délivrance de ces certificats est remboursée dans le cadre des contrats de santé publique signés entre les médecins et les caisses ».
Ces contrats, négociés collectivement par les syndicats et les caisses et souscrits individuellement par les médecins sur la base du volontariat, « définiront les conditions de cette prise en charge en prévoyant une rémunération forfaitaire des médecins pour leur participation à des actions de prévention », a ajouté Christian Jacob. Son homologue aux Sports, Jean-François Lamour, s'est félicité de la modification apportée au texte, compte tenu du « rôle du sport dans la prévention d'un certain nombre de risques sanitaires et (de) la nécessité d'en développer la pratique sans aucune discrimination financière ».
Contrats de santé publique
A la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), qui devra négocier ces fameux contrats de santé publique avec les médecins (déjà utilisés pour les soins palliatifs), on confirme que « l'assurance-maladie a pour mission de prendre en charge l'ensemble des soins, des soins préventifs aux soins palliatifs ». Mais la CNAM ne se prononce pas sur les clauses des contrats de santé publique (CSP) qu'elle devra négocier avec les médecins. « Ce qui nous importe, c'est la définition du contenu de l'acte médical, indique-t-on à la caisse nationale, et cela relève du chantier de la CCAM [classification commune des actes médicaux, NDLR] clinique », prévue pour le 1er janvier 2005.
Chez les médecins, la modification de l'article 32 du PLFSS est diversement appréciée. « C'est très bien », commente le Dr Denis Barrault, président du Syndicat national des médecins du sport. Si « tout certificat est toujours précédé d'un examen approfondi », il estime que « c'est une bonne chose » de le reconnaître comme acte de prévention et de le rembourser. Les certificats sportifs concernent « une population jeune qui ne vient jamais voir le médecin », explique le Dr Barrault, si bien qu'ils donnent « l'occasion de mettre à jour les vaccinations, de parler de sevrage tabagique, de drogue... ».
A l'UNOF-CSMF, premier syndicat de médecins de famille, le Dr Michel Combier approuve la mesure « demandée depuis très longtemps » par son syndicat. Les CSP permettront, selon le président de l'UNOF, de « cibler une tranche d'âge de la population ou un problème », et, par conséquent, de tenir compte de « la différence entre le petit jeune de banlieue qui fait du foot et l'adulte qui part faire le marathon de New York et peut donc se payer son certificat ».
En revanche, à MG-France, le Dr Claude Leicher trouve l'amendement adopté au Sénat « ridicule », « à contre-courant de la réalité de terrain » et « bien compliqué pour une économie de bouts de chandelle ». « On cherche à couper l'activité des médecins en rondelles en dissociant les soins de la prévention », déclare le Dr Leicher. Or, relève-t-il, « les parents s'arrangent en général pour coupler la demande d'un certificat pour un enfant avec des soins ». Quant à la négociation sur la rémunération forfaitaire liée aux futurs CSP, il considère qu'elle « va peut-être coûter plus d'argent que ne rapporte » le déremboursement des certificats sans justification médicale.
Tel que l'amendement est écrit, le président du Syndicat des médecins libéraux (SML) se demande si la rémunération de la rédaction du certificat sera toujours à l'acte ou seulement forfaitaire, via les CSP. « Si l'examen devient une consultation, cela doit être remboursé comme une consultation. Point. L'amendement était censé clarifier le texte mais cela ne fait que le compliquer », regrette le Dr Dinorino Cabrera.
« Malgré sa forte coloration libérale, le gouvernement aggrave encore la rigidité du système soviéto-stalinien de la Sécurité sociale française, on est vraiment les rois des usines à gaz », lâche le Dr Jean-Marc Rehby, à la tête de la branche généraliste de la Fédération des médecins de France (FMF). « Je n'ai pas d'opinion tranchée sur le remboursement ou non des certificats de sport, mais l'expérience montre que c'est souvent un acte de prévention associé à un acte de soin », poursuit le Dr Rehby. La mesure, même modifiée, ne sert donc « à rien » et aurait dû tout bonnement « être supprimée » car « tout le monde peut se tromper », en particulier « les technocrates qui ne savent pas ce qu'est l'activité d'un médecin ».
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