LE QUOTIDIEN - Encore une fois, une enquête de l'Institut de veille sanitaire (voir encadré) met en évidence, à travers la recrudescence des MST, une reprise des comportements sexuels à risques. Quelle est la stratégie du gouvernement ?
Pr LUCIEN ABENHAIM - Nous nous inquiétons de cette situation depuis un bon bout de temps déjà. C'est la raison pour laquelle j'avais réuni, au printemps dernier, un groupe de travail composé des associations. Ce groupe a rendu son rapport avant l'été. Il s'agissait d'identifier, ensemble, des groupes ciblés pour des actions de prévention de l'infection VIH/SIDA. Ce n'est pas forcément facile. Il y a toujours eu des réticences à identifier des groupes ciblés en santé publique. Mais on ne peut nier l'évidence : il y a une reprise de la syphilis, des MST en général. La syphilis est d'ailleurs un bon indicateur : c'est la pointe de l'iceberg. Il faut redéfinir la prévention. C'est l'objet de notre stratégie pour les quatre années à venir. Des programmes spécifiques et intensifs seront menés auprès de groupes prioritaires : les homosexuels, les migrants, la population des DOM et les détenus.
La campagne d'alerte menée par le ministère en 2000 n'a donc pas été efficace ?
Nous n'avons jamais relâché nos efforts, mais il y a eu une démobilisation générale autour du VIH/SIDA. Le ministère, pour sa part, a dépensé autant d'argent cette année que les années précédentes pour lutter contre le SIDA. Cependant, on parle du SIDA depuis vingt ans. Certaines personnes sont séropositives depuis des années. Dans ce contexte, il n'est pas facile de rester préventif dans ses pratiques. Dans le cadre de la prévention, il faut rappeler que les traitements ne sont pas la panacée.
Quelles actions comptez-vous mener ?
Nous avons prévu des actions, des affiches, divers documents. Par exemple, 200 000 cartes postales sont éditées à l'intention des homosexuels. Mais le plus important concerne une circulaire que Bernard Kouchner, ministre de la Santé, doit signer dans les jours qui viennent. Elle porte sur une réorganisation et une redistribution des moyens affectés à la prévention du VIH/SIDA. Aujourd'hui, 40 % de la population séropositive et seulement 20 % des moyens sont réunis en région parisienne.
Actions locales et campagnes nationales
Pourquoi un tel décalage ?
On donnait des moyens à tout le monde, mais cette stratégie n'est plus justifiée. Dans certains endroits, les actions locales seront diminuées au profit des campagnes d'envergure nationale. Néanmoins, ce n'est pas parce que 40 % des séropositifs sont à Paris qu'il faut allouer 40 % des moyens à Paris. Beaucoup de gens se sont infectés en province, puis sont venus à Paris. Il faut garder des moyens de prévention, dans la Creuse par exemple.
La syphilis doit faire l'objet d'un programme d'action spécifique. Lequel ?
Un programme d'action sera diffusé dans les prochains jours. Nous travaillons avec le Conseil national de l'Ordre des médecins afin de mobiliser rapidement les médecins. Il faut éviter le retard au diagnostic et au traitement de cette pathologie.
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