Q UELQUE 33 000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués en France chaque année, pour un risque moyen de 10 %. La mortalité est importante, 11 000 décès par an, avec un taux de mortalité qui augmente en fonction de l'âge : de 80/100 000 à 65 ans, il est multiplié par 2 au-delà de 80 ans (150/100 000). Dans la lutte contre la maladie, la prévention et le dépistage se révèlent essentiels. La politique globale et les mesures réglementaires prises par le gouvernement vont dans le bon sens. Seules l'information et la participation du public pourront toutefois garantir une bonne acceptation du dépistage. C'est à cet effet que, soutenu par Christian Poncelet (président du Sénat), Bernard Kouchner (ministre délégué à la Santé) et Lucien Neuwirth (sénateur, rapporteur de la mission sénatoriale d'information sur la lutte contre le cancer), le Comité féminin de Paris, présidé par Josette Rousselet-Blanc, a organisé son deuxième colloque intitulé « Les combats de la prévention ».
25 % des cancers surviennent avant 50 ans
S'appuyant sur les résultats d'un sondage Louis Harris, réalisé en juin 2001 sur un échantillon national de 632 femmes âgées de 40 ans et plus, les membres du conseil scientifique, réunis autour du Pr Claude Jasmin (cancérologue, hôpital Paul-Brousse, Villejuif), ont tenté de définir les nouveaux axes autour desquels devraient s'articuler la prévention. Il ressort des données de ce sondage effectué par téléphone que la plupart des femmes interrogées s'estiment bien suivies par leur gynécologue, leur généraliste ou leur radiologue. Si 88 % d'entre elles se disent très bien ou assez bien informées, leur perception du risque et leur comportement ne correspondent pas aux normes du dépistage préconisé : 81 % déclarent avoir passé une mammographie, mais moins de 39 % ont respecté la périodicité d'une au moins tous les deux ans. Les plus de 60 ans sont les plus touchées par ce déficit de surveillance (23 % d'entre elles n'ont jamais eu de mammographie). Or leur risque est élevé puisque 50 % des nouveaux cas de cancers du sein sont dépistés chez les plus de 65 ans. Des facteurs psychologiques et sociaux expliquent cette attitude. L'âge, la solitude et la retraite sont en effet des facteurs de risque de mauvais dépistage dans cette tranche d'âge peu touchée par les campagnes de prévention. Le rôle du médecin généraliste, pour cette population, est très important.
Par ailleurs, le sondage pose la question des limites d'âge fixées pour le dépistage, avant 50 ans et après 74 ans. Même si elles ne bénéficient pas du dépistage systématique gratuit, les femmes de moins de 50 ans ont souvent déjà eu une mammographie : 74 % des 40-44 ans, 88 % des 45-49 ans. De plus, 73 % des femmes interrogées estiment que le dépistage devrait commencer avant 50 ans. « Je suis persuadé que ce sont les femmes qui ont raison, dit le Pr Claude Jasmin, car 25 % des cancers surviennent avant 50 ans. » Les données actuelles semblent confirmer qu'une réduction de la mortalité de 63 % pourrait être attendue d'un dépistage entre 40 et 69 ans* (le bénéfice espéré pour le dépistage actuel est de 30 %). Quant à la limite supérieure de 74 ans, « elle n'a aucun sens », estime le Pr François Piette (cancérologue). Selon lui, et contrairement à l'opinion de beaucoup de médecins, dépister précocement un cancer au-delà de 80 ans aide à préserver une espérance de vie de dix ans tout en maintenant une bonne qualité de vie.
Les formes familiales héréditaires de cancer du sein posent, elles aussi, des problèmes de prévention. Dues à une mutation des gènes de prédisposition au cancer du sein, BRCA1 et BRCA2, qui ont défrayé la chronique en raison du monopole détenu sur les tests diagnostiques par la société Myriad Genetics (« le Quotidien » du 6 septembre), elles correspondent de 5 à 10 % des cancers du sein, soit 1 500 à 3 000 cas chaque année en France. De 50 à 60 % des femmes porteuses de l'anomalie génétique développeront un cancer du sein ou de l'ovaire. L'attitude choisie en France est de proposer une surveillance étroite, avec une mammographie tous les deux ans et un examen clinique tous les six mois. L'alternative peut être un modulateur spécifique des récepteurs aux estrogènes du tissu mammaire ou une mastectomie prophylactique. Dans ces cas, le dialogue avec le patient et la prise en charge psychosomatique peuvent être primordiaux.
Améliorer la prise en charge psychosomatique
Cette prise en charge psychosomatique des patients atteints de cancer a d'ailleurs constitué un des thèmes majeurs de ce colloque. Le Dr Claude Smadja (psychosomaticien, Institut psychosomatique de Paris) affirme qu'au-delà des controverses anciennes sur l'importance respective des facteurs psychiques et biologiques : « Pour un malade donné, dans son individualité propre, il n'y a pas de différence entre biologie et psychologie. Il est malade et tout contribue à son vécu de malade. C'est pourquoi il est nécessaire de lui offrir des structures qui lui permettent d'aborder des soins généraux aussi bien du point de vue somatique que du point de vue psychique. » Le malade est surtout en quête de sens et « redonner ce sens favorise peut-être une amélioration clinique et une meilleure efficacité des traitements », ajoute le Pr Claude Jasmin. Il s'agit de le démontrer. C'est l'un des objectifs du réseau de recherche psychosomatique qu'il souhaite développer. La mise en place d'un enseignement de psycho-oncologie, ouvert aux médecins et au personnel soignant, devrait susciter la sensibilisation nécessaire à cette recherche qu'il appelle de ses vux.
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