T OUS confrontés au même problème (avec une intensité variable), les pays industrialisés ont intérêt à échanger leurs expériences, bonnes ou moins réussies, dans le domaine de la prévention de l'obésité de l'enfant. Dans ce contexte, le Pr Benjamin Caballero (Johns Hopkins, Etats-Unis) est venu à Paris présenter les résultats d'un travail très récent mené dans des communautés indiennes défavorisées.
L'étude PATHWAY concerne un programme d'éducation et de surveillance conduit en milieu scolaire durant trois années consécutives chez des enfants de sept à dix ans. Diverses actions étaient menées : cours sur les rudiments de l'hygiène et de l'équilibre alimentaires ; modification de la composition et de la présentation aux enfants des repas de la cantine ; programme d'exercice physique ; formation des enseignants et des personnels de cantines ; tentatives d'implication des familles.
Les cours aux élèves étaient programmés sur douze semaines, à raison de deux fois quarante minutes hebdomadaires. Les programmes scolaires incluaient trois fois trente minutes d'exercice physique par semaine et de brefs arrêts de deux à cinq minutes pour se détendre et bouger à plusieurs reprises au cours de la journée.
L'exemple de la cantine
La prise en charge nutritionnelle s'est traduite, au niveau des repas servis à l'école, par une diminution des graisses saturées et des boissons sucrées et par une augmentation des fruits et légumes proposés. La composition des repas devait respecter un niveau calorique en adéquation avec l'âge des enfants et un équilibre satisfaisant en micronutriments. Quatre-vingt-quinze pour cent des enfants mangeaient à la cantine ; pour beaucoup, c'était le seul repas équilibré de la journée. Des packs d'information étaient proposés aux familles.
Les résultats obtenus dans ces écoles ont été comparés à ceux observés dans d'autres établissements ne bénéficiant pas d'un tel programme. Premier constat : une amélioration a été observée au fil des mois dans les consommations prises à la cantine, avec une réduction calorique, une diminution des lipides, notamment des graisses saturées, et une augmentation des apports calciques. Au fil des trois années, le pourcentage d'enfants consommant du lait écrémé augmentait. Il y avait de moins en moins souvent de beurre sur la table et moins de matières grasses dans les préparations. Quatre-vingt-quatorze pour cent des enfants suivaient les trois séances minimales hebdomadaires d'exercice physique, 56,5 % suivaient cinq leçons par semaine.
Un résultat mitigé
Les enquêtes menées auprès des enfants ont montré que l'éducation n'avait guère modifié leur choix au moment d'acheter des produits alimentaires ; en revanche, ils savaient mieux dire ce qui était bon ou moins bon pour la santé. La notion du bienfait de l'exercice physique était, elle aussi, bien passée dans l'esprit des élèves.
En revanche, concernant les mesures anthropométriques, aucune différence n'a été retrouvée entre le groupe éduqué et les enfants témoins. Une des explications est que le bénéfice d'une action scolaire ne peut être apparent (effectif) que s'il est relayé par un changement des conduites en milieu extrascolaire. Le caractère défavorisé de la population étudiée n'a pas permis ce relais efficace.
Il semble néanmoins qu'il y ait eu une progression légèrement moins rapide de l'obésité chez les enfants éduqués que chez les contrôles (11 % sont devenus obèses dans le premier groupe et 13 % dans le second) et qu'il y ait eu davantage d'enfants obèses qui ont maigri (7,7 % contre 5 %). Toutefois, la très forte proportion d'obèses au début de l'étude (40 %) doit être prise en compte dans l'analyse de ces résultats.
Les nombreux acteurs concernés
« Il est possible également qu'il faille commencer l'éducation des enfants plus tôt (dès la maternelle), en associant bien entendu les familles et en faisant la promotion de messages positifs », a estimé le Dr Marie-Claude Romano (DESCO, ministère de l'Education nationale). Position que partage le Pr Michel Vidailhet (pédiatre, CHU Nancy) : « Il faut se préoccuper tôt de l'obésité de l'enfant ; cela implique, entre autres, de suivre la courbe de BMI (Body Mass Index) sur le carnet de santé. L'idéal serait que les enfants soient pesés et mesurés régulièrement à l'école et qu'on suive l'évolution de leur BMI dans ce contexte. »
En dehors des professionnels de l'éducation et de la santé, beaucoup d'autres acteurs sont impliqués dans la prévention de l'obésité de l'enfant. Le CFES (Comité français d'éducation pour la santé) et la DGS (direction générale de la Santé) ont un rôle d'information : campagne pour les fruits et légumes, promotion de l'allaitement maternel, incitation à l'activité physique. Les sociétés de restauration collective et l'industrie agroalimentaire ont aussi une responsabilité à assumer. Des sociétés comme Sodexho ou Lu mènent des actions depuis longtemps dans ce sens.
Enfin, Michel Cantal-Dupart a donné le point de vue de l'urbaniste en soulignant les lacunes de l'aménagement du territoire pour développer l'activité physique chez les enfants, élément essentiel de la prévention de l'obésité chez les jeunes.
« La prévention de l'obésité infantile », colloque sous le patronage de l'INSERM.
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