LE QUOTIDIEN
Etes-vous aussi enthousiaste sur les résultats de l'étude RAVEL que l'était l'ensemble de la salle à l'annonce d'aucune resténose à six mois de la pose d'un stent enrobé de sirolimus ?
Dr NICOLAS DANCHIN
Les résultats obtenus dans l'étude RAVEL, c'est-à-dire aucune resténose à J210 étaient attendus depuis vingt-quatre ans, date de la naissance de l'angioplastie (le 16 septembre 1977). Car, depuis cette date, les cardiologues étaient confrontés au problème de la resténose. La resténose, processus de cicatrisation excessif, était et est pour eux un véritable échec de la technique ; jusque-là, toutes nos tentatives avaient échoué, excepté avec les stents avec lesquels le taux de resténose avait été réduit de moitié par rapport à l'angioplastie conventionnelle : il restait, selon les cas, entre 15 et 25 % de resténose.
Même si les patients de l'étude RAVEL présentaient des lésions "simples" (natives), ce résultat, dans la grande majorité des cas, devrait être extrapolable aux situations plus complexes (lésions multiples). Cette conviction est renforcée par le fait que dans RAVEL, 16 % des patients étaient diabétiques, aucune resténose n'est apparue alors que l'on sait que le diabète est un facteur de risque important de resténose.
Véritablement spectaculaire
Avec l'étude RAVEL, c'est la toute première fois que l'on a une suppression totale de la resténose et c'est véritablement, extraordinairement, spectaculaire. Car il n'y a aucune différence entre le contrôle réalisé immédiatement après l'angioplastie et le contrôle effectué six mois plus tard.
On a aujourd'hui un recul de six mois où il ne se passe rien de plus. Dans l'étude de cohorte (FIM pour First In Man) menée au Brésil et aux Pays-Bas où 45 patients ont été inclus, on est à dix-huit mois de suivi, aucun événement tardif lié à la lésion dilatée n'est survenu pour le moment.
Il semble qu'effectivement on inhibe totalement la resténose sans s'opposer au processus de réendothélialisation du stent. C'est un point fondamental parce que cela veut dire que, au bout de deux mois, on peut interrompre la bithérapie antiplaquettaire par clopidogrel et aspirine sans risque de thrombose tardive.
Que pouvons-nous craindre à long terme ?
A mon avis, pas grand-chose, parce que le sirolimus est éliminé entre quatre et six semaines ; donc, on peut estimer qu'il a bloqué le processus de réaction à l'agression que représentaient la dilatation et la mise en place du stent.
On aurait pu craindre une toxicité systémique du sirolimus si plusieurs stents étaient posés. Or, au moment de la pose du stent de 18 mm, on observe des taux circulants inférieurs au dixième des taux circulants mesurés chez des patients traités par le sirolimus après greffe rénale. Cela laisse de la marge !
Un point d'interrogation : la réendothélialisation
L'élément d'incertitude principal est le problème de l'endothélialisation du stent car la couche de réendothélialisation, fine, pourrait être fragilisée par la suite et provoquer la mise à nue du stent. Cet événement peut provoquer un phénomène d'agrégation plaquettaire ou déclencher un processus allergique (le stent étant de l'acier). Mais cette crainte est purement spéculative car pour l'instant aucun élément ne permet de l'envisager. Les données disponibles sont tout à fait rassurantes. Néanmoins, comme avec toute nouvelle technique, il convient de suivre au long cours ces patients comme ce qui est prévu dans l'étude RAVEL.
Dans ce contexte, quel est l'avenir de la brachythérapie ?
Si l'on compare les nouvelles données de l'étude RAVEL avec celles de la brachythérapie, cette dernière n'annihilait pas le taux de resténose, le risque était diminué mais on n'a jamais approché ce taux de 0 %, on approchait des taux de 20 % dans des circonstances au cours desquelles le taux de resténoses atteignait de 40 à 50 %.
Dans les toutes premières études sur la brachythérapie, on recensait davantage d'accidents graves (décès et infarctus du myocarde), les patients étaient insuffisamment traités par les antiagrégants plaquettaires et, de fait, on observait des thromboses tardives.
Enfin, la radiothérapie peut donner des cicatrices rétractiles qui évoluent à long terme et il est difficile de savoir aujourd'hui quel sera le devenir à long terme des patients traités par brachythérapie.
Au point de vue technique, il s'agit d'une méthode plus lourde que la simple pose d'un stent ; pour les rayonnements gamma - non autorisés sur le sol français - des mesures de radioprotection doivent être prises. En ce qui concerne les rayonnements bêta, la dosimétrie est plus difficile à obtenir.
Face aux résultats de l'étude RAVEL, l'avenir de la brachythérapie risque donc d'être compromis.
D'après un entretien avec le Dr Nicolas Danchin, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
* RAVEL : RAndomised Study With Sirolimus
-Eluting Velocity Balloon Expendable Stent in the Treatment of Patients With de Novo Native Coronary Artery Lesions.
Rétrospective de la revascularisation coronarienne percutanée
- 1977 : angioplastie par ballonnet.
- 1994 : stent intracoronarien en cas de lésions simples (STRESS, BENESTENT I).
- 1996 : stent pour occlusions chroniques coronaires (SICCO).
- 1997 : traitement de la resténose intrastent. Gamma brachythérapie.
- 1998 : traitement adjuvant par aspirine ou ticlopidine dans les occlusions totales, les infarctus du myocarde aigus. Stents enrobés d'héparine (BENESTENT II).
- 1999 : stenting des lésions situées au niveau des bifurcations, stenting direct (STENT-PAMI).
- 2000 : coût/efficacité des stents (ARTS).
- 2001 : stent libérant du sirolimus (RAVEL, VELVET).
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