« "One Health" est un concept et un programme au service de la santé humaine, animale et environnementale qui nécessite une communication et une collaboration interdisciplinaires pour aborder les questions complexes de santé, notamment les zoonoses émergentes, les impacts du changement climatique et le lien Homme-animal », a indiqué le Pr Marc Eloit (docteur vétérinaire, responsable du laboratoire de découverte de pathogènes à l’Institut Pasteur et professeur de virologie à l’École nationale vétérinaire d’Alfort). L’objectif, grâce à la stratégie « One Health », approche intégrée de la santé élaborée par l’OMS*, l’OIE** et la FAO***, est de mieux comprendre, dépister, prévenir et combattre ces risques infectieux. C’est pourquoi le laboratoire MSD a réuni médecins et vétérinaires pour échanger sur la complexité des maladies vectorielles à tiques comme les piroplasmoses animales et les maladies à tiques en santé humaine. « L’augmentation des facteurs d’exposition des animaux domestiques et des Hommes à des réservoirs sauvages liée aux déplacements facilités, aux changements climatiques, à l’augmentation des réservoirs… peut permettre à certains pathogènes de franchir la barrière d’espèce. Soixante-dix pour cent des maladies émergentes sont d’origine animale », a-t-il rappelé.
Pour une meilleure connaissance de la biologie des piroplasmoses
Olivier Plantard (directeur de recherche à l’INRA) a expliqué que « les piroplasmoses, transmis par les tiques, restent une problématique vétérinaire même si certains pathogènes peuvent être transmis à l’Homme ». Une meilleure connaissance de la biologie de ces parasites, de leurs vecteurs et de leurs hôtes permet de mieux comprendre l’épidémiologie de ces maladies et ainsi proposer des méthodes de lutte contre ces infections. Olivier Plantard met en garde contre les pressions de sélection exercées par l’utilisation massive d’acarides en cas de piroplasmoses bovines (en particulier en région tropicale), avec l’apparition de résistance chez les tiques. Toutefois, il a indiqué que l’utilisation de molécules antiparasitaires contre les piroplasmoses bovines en zone tempérée donne des résultats satisfaisants.
Mieux définir le rôle des réservoirs des parasites
Oleg Mediannikov (docteur en médecine, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement) a décrit la fièvre boutonneuse méditerranéenne, maladie infectieuse zoonotique due à Rickettsia conorii conorii, vectorisée par la tique brune du chien. « Bien que parfois considérée comme bénigne, un taux de létalité de 2 à 5 % est décrit ainsi que des formes sévères de 6 à 7 % avec défaillance multiviscérale », a affirmé Oleg Mediannikov. Même si le chien joue un rôle épidémiologique de propagateur de l’infection aux côtés d’autres animaux, des études sont nécessaires pour confirmer le rôle de réservoir joué par ces vertébrés.
Proposer des actions cohérentes et coordonnées
Dans ce contexte, quelles sont les actions cohérentes proposées par le programme « One Health » ? Ce programme s’appuie sur une politique de santé publique qui commence sur les bancs de l’école. Un des axes de cette éducation à la santé est la maîtrise de l’antibiorésistance en santé humaine, animale, environnementale. « One Health » promeut également au niveau international l’adoption de mesures de contrôle de bon usage des antibiotiques. Car le constat est là : il existe une corrélation nette entre consommation d’antibiotiques et antibiorésistance ; « À l’horizon 2050, 10 millions de morts/an seraient liés à l’antibiorésistance », a affirmé le Pr Pierre Dellamonica (docteur en médecine au CHU de Nice et membre du Comité restreint du Plan Antibiotiques). Il faut parallèlement assurer une surveillance coordonnée des principaux pathogènes observés en médecine vétérinaire.
Le projet OHTicks est un projet pluridisciplinaire financé par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) afin de mieux caractériser dans une approche « One Health » les maladies transmises par les tiques responsables de syndromes inexpliqués chez l’Homme et les animaux domestiques. « Il s’agit dans un premier temps de détecter, d’identifier et d’isoler les micro-organismes nouveaux, puis d’évaluer la compétence des tiques à transmettre ces agents et, enfin, d’améliorer la gestion des maladies à tiques », a précisé le Pr Muriel Vayssier-Taussat (docteur en microbiologie et directrice de recherche à l’INRA). « La “tique de forêt” est capable de parasiter des hôtes très divers, dont l’Homme », a souligné le Pr Jacques Guillot (professeur de parasitologie à l’École nationale vétérinaire d’Alfort).
Privilégier la prévention et la surveillance
Il faut privilégier la prévention et la surveillance et sans cesse évaluer les plans d’actions mis en place face à une épidémiologie complexe sans cesse « en mouvement ». « Il faut mettre en place des stratégies innovantes basées sur la progression des connaissances basée sur une recherche tant cognitive que de terrain », a conclu le Pr Nadia Haddad (docteur vétérinaire et directrice de l’UMR BIPAR [ENVA-Anses-INRA]).
* Organisation Mondiale de la Santé.
** Organisation Mondiale de la Santé Animale.
*** Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
La borréliose de Lyme
- « La borréliose de Lyme est une anthropozoonose transmise par piqûre de tiques, causée par des bactéries spiralées du complexe B. burgdorferi sensu lato. Son incidence en France est stable : 29 000 nouveaux cas/an », a indiqué le Pr Sylvie De Martino (docteur en médecine, maître de conférences des universités et praticien hospitalier à Strasbourg).
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Le diagnostic est basé sur un faisceau d’arguments clinico-biologiques :
1 Avoir été exposé, 2 Avoir des signes compatibles, 3 Arguments biologiques : les tests sérologiques (une positivité isolée de ce test n’est pas un argument suffisant pour confirmer le diagnostic). - Des réactions croisées peuvent être causées par d’autres pathologies infectieuses ou désordres dysimmunitaires.
- Les anticorps spécifiques ne protègent pas contre une nouvelle infection à B. burgdorferi sensu lato et toute nouvelle piqûre de tique infectée peut potentiellement transmettre une nouvelle infection. En conséquence, la prévention primaire par le port de vêtements couvrants et de répulsifs lors de l’exposition aux tiques prend tout son sens.
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