« Soigner la douleur c’est notre objectif, la prévenir c’est mieux ! », a souligné le Dr Nadine Attal (Boulogne- Billancourt) lors du 11 ° congrès de la Société française d’étude et de traitement de la douleur. Les chirurgiens ont été les premiers à s’intéresser à la douleur post-opératoire puisque le geste opératoire crée une douleur qui n’existait pas auparavant. « C’est un modèle unique pour identifier les mécanismes pathogènes et éprouver les stratégies de traitement », a noté le Dr Henrik Kehlet (Copenhague, Danemark), auteur de plus de 700 articles sur ce thème. Beaucoup de facteurs sont impliqués : l’intensité, le contexte psychologique, le type de chirurgie, l’atteinte des nerfs, la pathologie sous-jacente, la thérapeutique adjuvante comme la chimio et la radiothérapie et la composante génétique qui interviennent dans le processus de chronicisation.
La douleur après thoracotomie est fréquente puisqu’elle affecte 30 à 40 % des patients opérés. Des examens neurophysiologiques ont démontré que les lésions nerveuses créent des douleurs neuropathiques. Elles ne répondent pas ou peu aux antalgiques classiques tels que le paracétamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les opioïdes. Mais, il faut noter qu’un tiers des patients douloureux ont une hypersensibilité périphérique et développent une hyperesthésie à la suite de l’intervention. L’épargne des nerfs a-t-elle un effet préventif sachant que la douleur chronique a tendance à s’amender spontanément au bout de cinq ans? Cinq études de cohorte sur les suites après intervention sur hernie montrent que l’identification et la dissection soigneuse des nerfs a un effet préventif.
En post-mastectomie où la douleur persistante concerne 50 % des patientes, il est peu concluant d’épargner les nerfs. La thoracotomie qui sectionne les nerfs intercostaux est une grande pourvoyeuse de douleurs neuropathiques. « On a un espoir avec la chirurgie mini-invasive » a ajouté le Dr Kehlet. Dans les amputations de jambe, l’incidence des douleurs neuropathiques au cours de la première année post-opératoire atteint 70 %. La ligature nerveuse durant l’intervention est très discutée car l’expérimentation utilise paradoxalement la ligature pour créer des douleurs neuropathiques. Une étude danoise montre que 31 % des chirurgiens ayant une expérience de plus de 2 ans la pratique mais il n’y a pas de consensus sur la question.
Estimation individuelle
Côté prévention médicamenteuse, une étude sur la gabapentine après amputation sur 46 patients n’est pas très convaincante. Débuté au premier jour post-opératoire et poursuivie durant 30 jours, elle ne réduit pas l’incidence ni l’intensité de la douleur post-amputation. En revanche, la prégababline se montre efficace sur les douleurs neuropathiques après mise en place de prothèse totale de genou. Sur les 240 patients randomisés entre prégabaline à la dose de 300 mg par jour et placebo durant deux semaines, aucun ne souffre de douleurs neuropathiques dans le groupe prégabaline contre 8,7 % dans le groupe placebo à trois mois. Après cure de hernie, une étude prospective sur 442 patients identifie des facteurs prédisposant à la chronicisation. Sur les 12,4 % de patients qui souffraient de douleurs persistantes qualifiées de « modérées / sévères » à 6 mois, quatre facteurs se dégagent : le score pré-opératoire de douleur, l’intensité de la réponse pré-opératoire à un stimulus standardisé de 47 °, l’intensité de la douleur post-opératoire à 30 jours et les dysesthésies au niveau de l’incision. « Chez les patients qui souffrent de douleurs chroniques avant la chirurgie, le risque est quatre fois plus élevé d’avoir une douleur post-opératoire chronique, la laparoscopie permet alors de réduire ce risque de 50 % », a précisé le Dr Kehlet.
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