9e CONGRES DE PNEUMOLOGIE DE LANGUE FRANCAISE 4-7 FEVRIER 2005, Lille

Prévenir et contourner les résistances

Publié le 03/02/2005
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Stratégies antibiotiques

LA PATHOLOGIE, le terrain et l'épidémiologie des germes sont les trois données essentielles de la prescription antibiotique. Théoriquement, la bronchite aiguë ne nécessite pas la prise d'antibiotiques, la pneumonie aiguë relève toujours d'une antibiothérapie et l'exacerbation de Bpco parfois. Quant au terrain, «  il y a des situations, souligne le Pr Charles Mayaud, où l'on peut envisager de ne pas couvrir l'ensemble des germes. Par exemple, devant une pneumonie sans signes de gravité chez un adulte sain ou une exacerbation chez un bronchopathe avec un trouble ventilatoire obstructif modéré ». Question épidémiologie, en ville, les germes les plus fréquemment impliqués sont le pneumocoque, les germes à développement intracellulaire (Legionella, Mycoplasma et Chlamydia) et, notamment chez le bronchopathe chronique, Haemophilus influenzae. Les autres germes nécrosants, comme le staphylococcoque, les bacilles Gram négatif et les anaérobies s'observent sur des terrains affaiblis sur le plan immunitaire.
Des résistances naturelles aux antibiotiques existent. Ainsi, les bactéries atypiques sont naturellement résistantes aux bêtalactamines.
En ce qui concerne les résistances acquises, on sait que, in vitro, 40 à 50 % des pneumocoques sont de sensibilité diminuée ou résistants à la pénicilline et 30 à 40 % des souches d'haemophilus sont résistantes aux bêtalactamines par sécrétion de bêtalactamases. En outre, depuis une vingtaine d'années, la résistance des pneumocoques aux macrolides est passée de 5 à 50 %.
« In vivo , précise C. Mayaud, sur 15 000 décès consécutifs à une pneumonie, moins de 1 000 sont dus à un germe atypique, 13 000 à 14 000 à un pneumocoque. Et même si les bêtalactamines sont toujours en échec in vivo sur les germes atypiques, ces chiffres témoignent de l'enjeu évident de traiter prioritairement le pneumocoque. Actuellement, devant une pneumonie, la prescription d'amoxicilline (1 g 3 fois par jour) préserve pratiquement de tout échec clinique. Ce n'est pas le cas des macrolides, avec lesquels on observe de réels échecs cliniques.  »

Pneumopathie aiguë.
Devant une pneumopathie aiguë, le souci du médecin est d'être efficace tout en contournant les résistances. S'il soupçonne le pneumocoque, il doit prescrire l'amoxicilline à raison de 1 g trois fois par jour. S'il pense à un germe atypique, il peut prescrire un macrolide.
En cas d'allergie ou de situation douteuse, on dispose aujourd'hui de deux autres armes thérapeutiques : la télithromycine et la pristinamycine, efficaces sur les germes atypiques et le pneumocoque, y compris de sensibilité diminuée à la pénicilline et aux macrolides.
Pourquoi alors ne pas donner ces molécules à spectre plus étendu dans tous les cas ? « Pour l'instant, répond C. Mayaud, l'expérience clinique dont on dispose avec ces molécules est encore modeste, notamment dans les pneumonies à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline. C'est pourquoi les recommandations ont conservé clairement l'amoxicilline comme traitement de première intention sur le pneumocoque.  »
Comme il s'agit d'un traitement probabiliste, la règle de la réévaluation à 48-72 heures reste impérative. En cas d'échec, il faut soit remplacer l'amoxicilline par un macrolide ou l'inverse, soit associer les deux antibiotiques, soit encore changer pour un antibiotique de spectre plus large (passage de l'amoxicilline ou d'un macrolide à la télithromycine ou à la pristinamycine, ou encore à une fluoroquinolone).
Autre question fréquemment soulevée : pourquoi les nouvelles fluoroquinolones, qui possèdent un spectre plus large que la télithromycine et la pristinamycine, ne sont-elles pas recommandées en première intention ? « Probablement, répond C. Mayaud, parce que les auteurs des recommandations ont désiré conserver un antibiotique très efficace en deuxième ligne ou le réserver en première intention sur les terrains à risque. Le potentiel inducteur de résistances des fluoroquinolones est important in vitro  ; inutile5 donc de tuer la poule aux œufs d'or en galvaudant ces antibiotiques in vivo.  »

Bronchopathie.
« En cas de bronchite aiguë ou d'exacerbation de bronchite chronique, qui représentent, à ce jour, le gros motif de prescription des 29 millions d'antibiothérapies annuelles pour infection respiratoire, la priorité est, souligne C. Mayaud, non pas de contourner les résistances mais de les prévenir.  » L'antibiothérapie n'est donc pas indiquée en cas de bronchite aiguë ou lors d'une exacerbation de bronchite chronique sans trouble ventilatoire obstructif. En revanche, elle l'est en cas d'exacerbation de bronchique chronique avec trouble ventilatoire obstructif (Bpco). Les recommandations, et notamment celles de la Splf, sont d'utiliser chez les patients atteints de Bpco et ayant un Vems > 3 0% les antibiotiques dont le spectre est adapté au pneumocoque, à Haemophilus et à Branhamella catharralis, comme la télithromycine ou la pristinamycine et, chez les malades ayant un Vems < 30%, des antibiotiques actifs sur les staphylocoques et les bacilles Gram négatif, comme l'association amoxicilline-acide clavulanique, une nouvelle fluoroquinolone ou une céphalosporine de troisième génération.

D'après un entretien avec le Pr Charles Mayaud, Hôpital Tenon, Paris.

&gt;Dr BRIGITTE MARTIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7681