«LA POLITIQUE vaccinale évolue rapidement car elle doit s'adapter en permanence aux résultats des nouvelles études, au suivi épidémiologique des maladies, à la vaccinovigilance et à l'apparition de nouveaux vaccins», souligne le président du Comité technique des vaccinations (CTV, rattaché au Haut Conseil de la santé publique-Hcsp), le Pr Christian Perronne*, dans l'éditorial du « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (24 juillet, n° 31-32) consacré au calendrier vaccinal 2007. Parmi les exemples les plus récents figurent deux des nouvelles recommandations du calendrier vaccinal 2007 : la vaccination contre les infections à papillomavirus humains 6, 11, 16, 18 pour les adolescentes de 14 ans, avec un rattrapage possible de 15 à 23 ans, afin de prévenir le cancer du col de l'utérus ; et le remplacement de l'obligation du BCG pour tous par une recommandation pour les seuls enfants à risque élevé de tuberculose, dès les premiers mois de la vie (« le Quotidien » du 12 juillet).
Varicelle : prudence.
Pour le BCG, ce sont les données épidémiologiques récentes qui ont conduit le Hcsp à restreindre l'utilisation du vaccin, dans le cas de la varicelle, elles l'incitent à ne pas recommander la vaccination généralisée des enfants à partir de 12 mois. L'expérience américaine – la vaccination a été introduite en 1996 – conduit à la prudence dans une perspective de santé publique. L'incidence de la maladie a en effet diminué de 90 % entre 1997 et 2004, mais la baisse a ensuite cessé et le nombre de cas a même augmenté entre 1 an et 12 ans, laissant penser que le schéma vaccinal d'une dose à 1 an est insuffisant. Plus grave, selon une étude réalisée dans le Massachusetts entre 1999 et 2003, l'incidence du zona a augmenté de 90 %, la hausse touchant particulièrement les 25-44 ans et les plus de 65 ans ; une situation non surprenante puisque les adultes qui vivent au contact d'enfants sont exposés, si ces derniers ne sont pas tous vaccinés, à des contacts avec le virus de la varicelle ont un risque diminué de présenter un zona.
Pour laisser circuler le virus de la varicelle et du zona (VZV) sauvage dans la population, la vaccination généralisée des nourrissons à partir de 12 mois n'est donc pas recommandée, et le Hcsp déconseille donc le remplacement du vaccin trivalent rougeole-rubéole-oreillons par le quadrivalent rougeole-rubéole-oreillons-varicelle. En revanche, pour ceux qui seront vaccinés, un schéma à deux doses à au moins un mois d'intervalle est conseillé. La vaccination est en outre recommandée, pour des personnes à risque n'ayant pas d'antécédent clinique de varicelle ou dont l'histoire est douteuse : les 12-18 ans ; les femmes en âge de procréer ; les femmes dans les suites d'une première grossesse ; les professionnels en contact avec la petite enfance ; les professionnels de santé en formation, à l'embauche ou en poste dans les services accueillant des sujets à risque de varicelle grave ; les personnes en contact étroit avec des personnes immunodéprimées ; les adultes immunocompétents dans les trois jours suivant l'exposition à un patient avec éruption. Quant à la généralisation du vaccin contre le zona, elle n'est pas recommandée dans l'état actuel des connaissances, une position qui sera reconsidérée dès que des données seront disponibles sur son efficacité à long terme et l'intérêt d'un éventuel rappel vaccinal.
Confirmations épidémiologiques.
Les données épidémiologiques confirment aussi le bien-fondé de décisions d'élargissement ou de renforcement de l'indication de certains vaccins. C'est le cas, souligne le Pr Perronne, du vaccin pneumococcique conjugué heptavalent, destiné à prévenir les septicémies et les méningites du nourrisson, et dont l'effet préventif sur les otites moyennes aiguës à pneumocoque de l'enfant et sur les pneumonies des personnes âgées a été démontré par des études récentes. Son utilisation, associée à la politique de bon usage des antibiotiques, contribue en outre à la baisse observée de la résistance du pneumocoque aux antibiotiques. C'est pourquoi, en 2006, le vaccin antipneumococcique a été recommandé à l'ensemble des nourrissons dès l'âge de 2 mois.
Autre confirmation des dernières études épidémiologiques, françaises, dans le cas précis : la bonne tolérance du vaccin contre l'hépatite B chez l'enfant. «Cela doit inciter à relancer avec énergie cette vaccination qui est recommandée pour l'ensemble des nourrissons, des enfants et des préadolescents», écrit le Pr Perronne.
Mieux prendre en charge les diarrhées aiguës.
Depuis la parution du calendrier 2006, les experts se sont aussi penchés sur l'infection à rotavirus, responsable chaque année de quelque 300 000 épisodes de diarrhée aiguë chez les moins de 5 ans et d'un coût de 28 millions d'euros pour le système de santé. Plusieurs arguments les conduisent à différer pour le moment la recommandation d'une vaccination systématique chez les nourrissons de moins de 6 mois, contrairement à ce que demandent entre autres deux sociétés savantes européennes (« le Quotidien » du 21 mai) : les gastro-entérites aiguës à rotavirus ne constituent qu'une partie des gastro- entérites aiguës virales en France ; les moyens de lutte contre les gastro-entérites à rotavirus s'améliorent ; le lait maternel protège le nourrisson pendant la durée d'un allaitement intégral (encore que, en France, le taux et la durée d'allaitement ne soient pas très importants**) ; la létalité des gastro-entérites à rotavirus est estimée à 13-14 décès en moyenne par an ; aucun décès dû à une infection fulminante et potentiellement évitable par la vaccination n'a été mis en évidence ; l'évaluation coût-efficacité n'est pas en faveur d'un programme de vaccination par les nouveaux vaccins, qui, pourtant, aurait un «impact important» sur la morbidité liée au rotavirus ; le vaccin, efficace à titre individuel, n'apportera pas d'immunité de groupe. «La priorité doit être donnée à une prise en charge adéquate des diarrhées avec utilisation beaucoup plus large des solutés de réhydratation orale», résume Christian Perronne. L'avis devrait être revu dans deux ans après évaluation des mesures prises en ce sens et examen des effets de la vaccination de masse entreprise par certains pays, comme les Etats-Unis et l'Autriche.
«L'augmentation du nombre de vaccins traduit le dynamisme de la recherche vaccinale, dont il faut se réjouir, mais implique de la complexité qui rend indispensable un effort d'information, conclut le Pr Perronne, en soulignant que la communication vers les généralistes et les pédiatres, mais aussi vers le public, doit être renforcée. Les premiers pourront se référer au « Guide des vaccinations actualisés » disponible sur les sites du ministère de la Santé et de l'Inpes***. La prescription d'un vaccin devient de plus en plus une décision individuelle. Les médecins s'en plaindront-ils ?
* Egalement président de la commission spécialisée sécurité sanitaire du Haut Conseil de la santé publique.
** Si les chiffres de la France étaient ceux de la Norvège, avec 40 % des enfants allaités à l'âge de 9 mois, on pourrait éviter 8 000 cas de diarrhées à rotavirus et 1 000 hospitalisations par an.
*** www.sante.gouv.fr et www.inpes.sante.fr.
Les principales recommandations
• Nouvelles recommandations
– Infections à papillomavirus : vaccination contre les HPV 6, 11, 16, 18, à 14 ans (et rattrapage de 15 à 23 ans).
– Tuberculose : suspension de l'obligation du BCG et forte recommandation de vaccination pour les enfants à risque.
– Varicelle : pas de vaccination généralisée pour les nourrissons, schéma à deux doses pour la vaccination à 1 an, recommandations de vaccination pour certaines catégories à risque.
• Recommandations générales
– Coqueluche : rappel entre 11 et 13 ans en même temps que le DTP, avec un vaccin coquelucheux acellulaire ; rappel chez les adultes qui sont ou vont être au contact de nouveau-nés non encore vaccinés ; le vaccin quadrivalent diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP)-coqueluche peut être réalisé deux ans après un vaccin DTP sans attendre les dix ans habituels entre deux rappels).
– Infections à pneumocoques : vaccination recommandée pour tous les nourrissons dès 2 mois.
– Infections à rotavirus : pas de généralisation de la vaccination aux nourrissons, avis qui sera revu dans deux ans.
– Rougeole, oreillons, rubéole : deux doses avant 24 mois, rappel de la deuxième dose pour les enfants entre 24 mois et 15 ans en 2007, vaccination des 16-27 ans non immunisés contre la rougeole, vaccination des femmes nées avant 1980 contre la rubéole.
– Hépatite B : vaccination de tous les enfants, dès 2 mois et avant 13 ans, et des groupes à risques ; schéma en trois injections. Pour les nourrissons, le vaccin hexavalent (DTC-polio-infections à Haemophilus influenzae b-hépatite B) peut être utilisé.
Les vaccins des professionnels de santé
• Vaccinations obligatoires
– Diphtérie, tétanos, polio, avec rappel tous les dix ans avec un vaccin contenant une dose réduite d'anatoxine diphtérique.
– Hépatite B : trois injections avec un intervalle d'au moins un mois entre la première et la deuxième et de cinq à douze mois entre la deuxième et la troisième. Deux arrêtés publiés en mars précisent les filières des professions de santé qui imposent la vaccination des étudiants et les cas dans lesquels une personne peut être considérée comme immunisée.
– Typhoïde : une injection puis revaccination tous les trois ans pour les personnels de laboratoires d'analyses exposés (essentiellement ceux qui manipulent des selles).
– Tuberculose : une IDR à 5 unités de tuberculine liquide est obligatoire à l'entrée dans la profession, le résultat servant de test de référence ; une vaccination par le BCG, même ancienne, est exigée à l'embauche.
• Vaccinations recommandées
– Coqueluche, pour les professionnels en contact avec des nourrissons trop jeunes pour avoir reçu trois doses de vaccin. Pour les étudiants, la vaccination est recommandée à l'occasion d'un rappel décennal de DTP avec un vaccin quadrivalent.
– Grippe : pour se protéger et protéger les patients fragiles dont ils ont la charge.
– Hépatite A.
– Rougeole et varicelle : professions de santé en formation, à l'embauche ou en poste en priorité dans les services accueillant des sujets à risque de forme grave de la maladie.
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