AVENUE PIERRE-DE-COUBERTIN, adossé au stade Charlety (Paris 13e), avec ses structures futuristes en alu, le siège du CNOSF ressemble ces jours-ci à un entrepôt du tri postal, avec ses magasiniers qui s'affairent dans le grand hall d'accueil autour des containers en partance pour Pékin. Le matériel des 310 sélectionnés et des 160 membres du staff comprend notamment 11 cantines de médicaments et plus de 3 tonnes de matériels divers : vingt tables de massage, des ECG, échographes, matériels d'électrothérapie et de petite chirurgie, etc. Au quatrième étage, le Dr Maurice Vrillac brandit des listings informatiques : sur une douzaine de feuillets, par classes thérapeutiques, se suivent les références de toutes les spécialités nécessaires pour faire face à toutes les situations.
En 2000, pour les Jeux de Sydney, « Libération » avait publié le détail de cette «stupéfiante pharmacie», qui comptait alors 560 médicaments, dont 18 figuraient sur la liste des produits interdits. Traité de «médecin dopeur», le Dr Vrillac avait dû expliquer lors d'une conférence de presse que cette trousse était destinée aux seules urgences et en aucun cas bien sûr aux sportifs. Cette fois, le souci vient de Pékin. «Les douanes, fulmine-t-il, nous ont demandé de produire un listing avec toutes les appellations en anglais. Et maintenant que nous l'avons établi, il leur faut le prix de chacun des médicaments. De la folie pure!»
En quarante ans passés à la commission médicale du CNOSF, avec dix olympiades à son actif depuis Mexico en 1968, l'ex-médecin militaire (il a rang de général) jure qu'il n'a jamais connu de telles chicanes administratives et réglementaires de la part d'aucun comité organisateur. On bat les records de complexité de procédure. Et les nerfs de tous les membres de la commission sont mis à rude épreuve, confie ce médecin, qui en a pourtant connu d'autres. Avant de partager son temps entre la médecine militaire et l'administration de la Jeunesse et des Sports, avec un statut personnel hybride, il a passé six ans en opération en Algérie.
La Chine, le Dr Vrillac la connaît de longue date. En 1980, au titre de l'académie internationale militaire, il débarquait à Pékin. «C'était l'époque où on y respirait avec des vélos plein les rues et très peu de voitures. Je n'aurais jamais imaginé alors que des Jeux seraient organisés un jour dans un pays à ce point coupé du monde!»
Près de trois décennies plus tard, après le temps des vélos, c'est donc celui des embouteillages monstrueux et de la pollution. «Fin mai, nous avons mis deux heures et demie pour parcourir 4km de périphérique, s'exclame-t-il. Dans le nuage chargé de particules soufrées, j'ai même dû traiter un entraîneur qui se trouvait mal. Mais il paraît que tout va s'arranger pour l'ouverture des Jeux.»
Stase veineuse et jet lag.
Ce sont les médecins des fédérations et des équipes nationales qui ont réalisé les bilans des sportifs. La commission médicale, elle, va les prendre en charge dès l'embarquement. Les champions voyagent pour la plupart en classe touriste, ce qui n'est pas idéal pour les grands gabarits. En dix ans, la moyenne des tailles des sélectionnés a progressé de 6 cm. Pour prévenir la stase veineuse, ils porteront des bas de contention, avec des dispositifs Veino Plus dotés de 2 électrodes aux mollets pour provoquer des contractions et accélérer le retour veineux. Pour réduire l'effet jet lag (six heures de décalage horaire), les sportifs seront invités à se reprogrammer, en se réveillant chaque jour trois quarts d'heure plus tôt que la veille pendant la semaine précédant le vol, un vol qui devra être effectué de nuit pour pouvoir bénéficier de l'ensoleillement à l'arrivée. À défaut, des casques de luminothérapie (de 1 000 à 2 000 lux) seront proposés.
La commission médicale a aussi planché sur les conditions météo. Des températures élevées sont prévues, entre 25 et 35 degrés, avec une hygrométrie élevée, de 70 à 90 %. C'est pour en combattre les effets que, sous la houlette du CNOSF, a été mise au point la Cryo Vest, veste réfrigérante de longue durée qu'enfileront les sélectionnés français avant les épreuves d'endurance. Cette option a été retenue de préférence au précooling que pratiquent d'autres pays, qui plongent leurs athlètes dans des eaux glacées.
Si, sur le plan diététique, la restauration du village olympique ne pose aucun souci, la question de l'hydratation fait l'objet d'une attention particulière : les densités urinaires seront analysées régulièrement avec des bandelettes, la masse liquidienne du corps sera mesurée. Les eaux en bouteille chinoises préoccupent les Français, car elles sont totalement déminéralisées. Des solutions ont dû être trouvées avec deux marques françaises pour fournir un minimum de sodium et de magnésium aux sélectionnés.
Un autre souci concerne le fonctionnement de la polyclinique française. La délégation médicale comprend une vingtaine de médecins et quarante kinés. Mais un tiers seulement de ses 60 membres séjourneront à l'intérieur du village olympique, les autres, en résidence à l'extérieur, devront s'échanger une vingtaine de laissez-passer pour pouvoir accéder au site, avec obligation de quitter les lieux passé 21 heures. «Dans ces conditions, instaurer un tour de garde pour être opérationnel 24 heures sur 24 constitue une gageure», souligne le Dr Vrillac. D'autant plus que la prise en charge, au-delà des seuls sélectionnés, devra s'étendre à leurs staffs, aux invités, sponsors et politiques, sans oublier l'assistance habituelle que les Français ne manquent pas de fournir aux équipes africaines francophones.
«Nous ne nous sommes jamais posé autant de questions, confie le président du comité médical, sur l'attitude qui sera celle des organisateurs en cas d'incident. Lors de notre dernier voyage de repérage, nous avons noté qu'ils ne faisaient guère de zèle pour nous faire visiter les installations. Et comme ils sont très nombreux, nous n'avons jamais pu traiter deux fois avec le même interlocuteur.»
Après les incidents autour de la flamme, les membres de la délégation française ont été reçus plus fraîchement à Pékin que lors de leur premier voyage, en décembre. La semaine dernière, un container médical destiné au site de Quingdao, où vont se jouer les épreuves de voile, a été bloqué sans raison officielle par les douanes. «Pourvu que, pendant les Jeux, les sportifs n'aient que le sport en tête...», murmure le Dr Vrillac.
Repères
Dates : du 8 au 24 août. Ouverture du village olympique le 27 juillet.
28 sports, 302 épreuves, près de 10 700 athlètes.
37 sites : 31 à Pékin, Tianjin, Shenyang, Shanghai et Qinhuangdao pour le football (dès le 6 août), Qingdao pour la voile et Hong Kong pour l'équitation.
Plus de 4 550 contrôles antidopage prévus, dont 1 300 précompétition.
150 000 membres des forces de l'ordre.
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