LA CAISSE nationale d'assurance-maladie (CNAM) s'est enorgueillie, il y a quelques jours, d'avoir déjà engrangé au mois de janvier «69millions d'euros» d'économies au titre des nouvelles franchises (« le Quotidien » du 21 février). Mais, au sein même de la CNAM, les partenaires sociaux et les représentants des usagers qui siègent dans ses instances (et s'étaient opposés en vain à la mise en place de ces franchises) pensent plutôt qu'il n'y a pas de quoi pavoiser ni verser dans l'autosatisfaction.
«Il n'est absolument pas prouvé que les 69millions d'euros seront au rendez-vous», dénonce pour sa part André Hoguet, président CFTC de la Commission de suivi des dépenses de santé (CSDS) de la CNAM. Ce syndicaliste fait remarquer qu'il existe un décalage dans le temps entre la date des soins ou traitements soumis aux franchises (voir encadré) et la récupération effective de ces dernières par les caisses. Les franchises ne sont ainsi pas payées par l'assuré dans les pharmacies qui lui délivrent des médicaments en tiers payant, si bien que la Sécu déduit les franchises dues sur des remboursements ultérieurs (comme elle le fait déjà pour le forfait de 1 euro).
« Bouteille à l'encre ».
Lors de sa dernière réunion fin février dans l'enceinte de la CNAM, la CSDS a d'ailleurs soulevé le problème de la tuyauterie compliquée des franchises. Les représentants du patronat, des syndicats de salariés et des usagers de cette commission se sont mis d'accord pour réclamer au patron de la CNAM, Frédéric Van Roekeghem, une communication à la fois plus claire et plus précise auprès des assurés sociaux sur les modalités de prélèvement des nouvelles franchises. «On a souhaité un débat là-dessus au conseil de la CNAM du 6mars, explique le délégué de la CGT Georges Simoni. Le forfait de 1euro, c'est déjà compliqué, alors, si l'on ajoute les franchises, cela risque d'être la bouteille à l'encre. On demande à la direction de la CNAM quelles mesures prendre pour que l'assuré s'y retrouve dans son décompte et qu'il n'y ait pas de contestation.» François Joliclerc de l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) attend aussi du directeur de l'assurance-maladie «des informations et des engagements» en la matière. Les franchises, explique-t-il, «sont déjà une mesure impopulaire et vont poser des difficultés supplémentaires si, en plus, elles paraissent complètement opaques» aux assurés.
Jusqu'à présent, la déléguée de l'UNAF (Union nationale des associations familiales) constate qu'une bonne partie des patients s'illusionnent encore sur l'entrée en vigueur des franchises.
Compréhension.
«Quotidiennement, des gens nous font la réflexion qu'elles ne sont pas mises en place puisqu'ils continuent à bénéficier du tiers payant, constate Valérie Tellier. Il y a un réel problème de compréhension des gens par rapport à leurs remboursements. C'est une source de confusion énorme.»
Cette «source de confusion» avait du reste été pointée dès le 1er janvier par MG France. Dans un communiqué, le syndicat de médecins généralistes soulignait que «la récupération des franchises médicales sur le remboursement des actes des médecins généralistes (allaient) faire croire que, au final, ce sont les actes des médecins généralistes qui sont moins remboursés». MG France y voyait «un mauvais signal donné aux Français, par le moindre remboursement, de moins utiliser la médecine générale». A la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), le Dr Michel Chassang a regretté aussi cet «effet pervers» des franchises qui les conduits à «influer sur le remboursement des honoraires médicaux» alors qu'elles n'ont pas d'impact immédiat sur la prise en charge des médicaments.
A la CNAM, on se défend toutefois de n'avoir rien expliqué aux assurés sociaux. D'une part, fait valoir la caisse, le dispositif est décrit dans le dernier numéro de « la Lettre aux assurés » (n° 30 de janvier-février), adressée à «12millions de personnes en moyenne». Et, d'autre part, l'assurance-maladie rappelle qu'elle a mis en ligne sur son portail Internet (www.ameli.fr) un topo sur les franchises avec des questions-réponses, dans la rubrique «ce qui est à votre charge».
Quoi qu'il en soit, le sujet devrait revenir sur la table au conseil de la CNAM après-demain. Le président de la caisse lui-même, Michel Régereau (CFDT), souhaite «des clarifications», ne serait-ce que pour prévenir toute confusion entre les différents plafonds de reste à charge...
Chiffres clés
Les franchises, entrées en vigueur au 1er janvier 2008, s'appliquent sur les médicaments (50 centimes par boîte), les actes paramédicaux (50 centimes par acte d'infirmier, de kiné, d'orthoptiste, d'orthophoniste, de pédicure) et les transports sanitaires (2 euros par trajet en ambulance, VSL ou taxi). Sont exonérés des franchises : les bénéficiaires de la CMU, les enfants de moins de 18 ans et les femmes enceintes.
Le montant cumulé des franchises est plafonné à 50 euros par an. Il y a aussi un plafond journalier pour les actes paramédicaux (franchise de 2 euros au maximum pour des actes effectués chez le même praticien dans la journée) et pour les transports sanitaires (4 euros/jour), mais pas pour les médicaments.
Selon la CNAM, les franchises lui auraient permis d'économiser 69 millions d'euros en janvier, bien que leur rendement ait été atténué par le remboursement de soins et traitements datant de fin 2007 (et donc non soumis aux franchises). A ce rythme, la CNAM pense donc atteindre en fin d'année l'objectif de 850 millions d'euros de rendement (prévu par la loi de financement de la Sécu pour 2008).
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