«MÊME SI la perte de cheveux dont se plaint une jeune femme paraît minime et liée aux changements saisonniers, au stress ou à une grossesse, il est important de ne pas passer à côté du diagnostic d'alopécie androgénique débutante», conseille le Dr Corinne Jouanique, dermatologue à l'hôpital Saint-Louis. Pourquoi tant de précaution ? L'alopécie androgénique progresse inéluctablement vers le dégarnissement plus ou moins complet de la région frontale. Il est important de traiter tôt car, même si le traitement est efficace, la femme ne retrouve jamais tout à fait sa chevelure d'origine. Il est plus facile en effet de préserver le capital capillaire que de faire repousser les cheveux. Près d'un tiers des femmes sont touchées à l'âge de 40 ans. Et si l'alopécie androgénique survient fréquemment à la périménopause, elle touche également de très jeunes femmes, parfois même dès la puberté.
Un tour d'élastique en moins.
Le diagnostic n'est pas pour autant facile à poser au stade de début. Ne pas hésiter à s'entourer d'un avis spécialisé. La chute de cheveux ressemble à s'y méprendre à de banales pertes de cheveux épisodiques (saison, grossesse, stress). Mais les épisodes reviennent un peu trop régulièrement, la repousse est moins dense et les cheveux sont plus fins. Des antécédents familiaux sont retrouvés le plus souvent. A noter que la calvitie masculine, à tort négligée à l'interrogatoire, car « naturelle », compte aussi dans le patrimoine héréditaire. Certains petits signes cliniques peuvent orienter : la pousse trompeuse de cheveux fins, comme du duvet autour du front, qui signe non pas l'amorce d'une repousse après la chute, mais bien l'installation de l'alopécie ; le signe « de l'arbre de Noël », retrouvé quand, répartis par une raie au milieu, les cheveux denses sur le haut du crâne deviennent épars vers le front ; quand une femme aux cheveux longs rapporte qu'elle fait un tour d'élastique en moins pour les attacher.
L'alopécie androgénique peut révéler une hyperandrogénie. S'il est de bon ton de rechercher systématiquement une carence martiale (ferritine) et une hypothyroïdie (TSH), un bilan hormonal n'est légitime qu'en cas de signes cliniques évocateurs d'hyperandrogénie associée à l'alopécie (troubles des règles, acné, hirsutisme, hypofertilité). Il convient, en revanche, chez toutes les femmes, même en l'absence d'hyperandrogénie patente, d'adapter la contraception orale, en préférant les pilules de troisième génération non androgéniques ou, mieux, antiandrogéniques, et, à la ménopause, de discuter avec le gynécologue l'opportunité d'un traitement hormonal substitutif en cas d'alopécie évoluée.
Confiance et ténacité.
Le traitement médical repose essentiellement sur l'utilisation du minoxidil. Le traitement hormonal est indiqué en cas d'hyperandrogénie associée, le principal antiandrogène étant l'acétate de cyprotérone. Les compléments alimentaires et les vitamines, s'ils peuvent être prescrits en association, notamment en appoint lors des chutes saisonnières à l'automne, ne doivent pas se substituer au traitement de fond. Il est conseillé également de traiter un état pelliculaire associé.
Le minoxidil à 2 % est indiqué en application quotidienne dès l'éclaircissement de la chevelure. Le traitement permet d'interrompre la chute dans les deux tiers des cas et, en cas d'efficacité, la repousse s'observe chez 50 % des femmes. Il faut attendre trois mois de traitement pour stopper la chute et six mois avant d'observer une repousse. Dans les six premières semaines de traitement, une aggravation transitoire de la chute est possible. La patiente doit être confiante et tenace, d'autant que le traitement n'est que suspensif.
Suivi médical.
Il est important que le médecin informe, encourage et soutienne la patiente en consultation. Il est observé que, même si le produit est en vente libre, l'absence de suivi médical est responsable d'échec par inobservance.
En cas de repousse incomplète dans les formes évoluées, on peut proposer les microgreffes capillaires. Plusieurs techniques existent, avec des résultats très satisfaisants. La limitation principale en est le coût élevé, environ 3 000 euros, à la charge de la patiente. Les implants capillaires ne dispensent en aucun cas de poursuivre le traitement médical, afin d'éviter la chute des cheveux alentour.
Informer les patientes du déroulement normal de la microgreffe de cheveux est capital. En effet, les cheveux greffés tombent dans un premier temps, avant de repousser.
Dans les formes sévères d'alopécie, on peut conseiller le port de perruques ou de compléments capillaires, maintenant très au point, qui permet à la femme malgré son handicap de restaurer une image positive d'elle-même. Ce n'est après tout qu'une barrière culturelle, les femmes africaines ayant compris bien avant nous la liberté de jouer avec les postiches.
D'après une interview avec le Dr Corinne Jouanique, dermatologue à l'hôpital Saint-Louis.
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