«PARMI LES ATTEINTES de l'environnement, celles qui touchent à la santé humaine sont les plus inacceptables et les plus scandaleuses, a déclaré Nelly Olin, ministre de l'Ecologie et du Développement durable. Dans la société moderne où tout est sous contrôle et qui dispose des moyens de connaître et d'anticiper les risques, comment accepter de pouvoir être victime d'une gestion parfois imprudente des problèmes environnementaux?» «Trop souvent, on ne se préoccupe des répercussions de l'environnement sur la santé que quand les choses vont mal», a renchéri le Dr Gérard Kouchner, président-directeur général du « Quotidien », qui a créé le prix Epidaure en 1993, précisément pour mieux cerner les conséquences sur la santé des altérations de l'environnement. «Les médecins doivent s'engager pour cette cause, a-t-il ajouté. Ils doivent être mieux formés et mieux informés sur les questions environnementales. C'est l'une des missions que s'est données “le Quotidien”, qui anime des clubs Santé Environnement (en partenariat avec Veolia Environnement) et qui organise les prix de recherche Epidaure.»
Observation sur le terrain.
Comme l'a souligné le Dr Bruno de Buzonnière (directeur santé de Veolia Environnement, qui dote le volet recherche en médecine praticienne du prix Epidaure), les observations des médecins sur le terrain sont très utiles ; elles permettent d'étayer les résultats issus d'une recherche plus académique, elle aussi, bien sûr, nécessaire. Le travail du Dr Jean-Bernard Henrotin, lauréat 2006 du prix Epidaure de recherche en médecine praticienne, en est l'illustration. En comparant la fréquence des AVC (à partir des données du registre de la ville de Dijon sur une période de dix ans) et les taux de pollution atmosphérique (d'après les données de l'association agréée de surveillance de la qualité de l'air de Bourgogne Centre-Nord, Atmosf'Air BC), ce médecin de santé publique a cherché à établir une relation entre la survenue d'un accident ischémique et les taux de polluants peu de temps auparavant. Et, en effet, ce travail exemplaire a mis en évidence un lien significatif entre la survenue d'un AVC ischémique chez les hommes de plus de 40 ans et le niveau d'exposition à l'ozone le jour précédant l'accident ; plus le taux d'ozone est élevé, plus le risque est important. «Ce résultat, qui concerne une pathologie très fréquente, montre l'importance des données d'observation –registre des maladies, mesure systématique des niveaux de pollution sur le long terme, a indiqué Nelly Olin. Cela représente un coût important pour la collectivité, mais cet effort est indispensable pour traquer efficacement les risques et pouvoir les prédire.»
Comme l'a rappelé Jocelyne Boudot, représentante du ministre de la Santé, la qualité de l'air est un des objectifs prioritaires fixés par le plan national Environnement Santé ; la lutte contre les infections à Legionella en est un deuxième. «Dans ce domaine, les connaissances sont encore trop lacunaires, notamment concernant la dose infectante», a-t-elle dit en se félicitant que le prix Epidaure du jeune chercheur ait été attribué au Dr Magali Deloge-Abarkan, dont la thèse portait sur cette question. «Le travail du DrDeloge-Abarkan est remarquable par l'étendue de son analyse, a souligné le Dr Fabien Squinazi (membre du jury et rapporteur du dossier). Cette postdoctorante s'est intéressée à la fois aux questions posées par la microbiologie environnementale et à l'épidémiologie d'une forme mal connue d'infection à légionelles, la fièvre de Pontiac.»
La relation dose-effet.
Le Dr Deloge-Abarkan a étudié la présence de Legionella dans les douches des maisons de retraite de la région Lorraine ; elle a évalué les moyens de collecte et d'analyse de ces aérosols d'eau chaude et elle a mené une étude épidémiologique pour caractériser les facteurs de risque de survenue d'une fièvre de Pontiac chez les résidents âgés de ces maisons. «Le DrDeloge-Abarkan s'est attaquée à un problème difficile de la relation entre les doses d'exposition aux légionelles et les effets sur la santé, relation qu'il importe de connaître avec précision pour évaluer les risques d'infection et fonder une politique de prévention, a souligné la ministre de l'Ecologie. Son travail a montré que la réglementation qui limite à mille le nombre de légionelles par litre d'eau, déterminée de façon empirique, est adaptée à la prévention de ce risque. Ainsi, le seuil que nous avions adopté par principe de précaution n'est pas à remettre en cause; mais si tel n'avait pas été le cas, nous aurions immédiatement changé la réglementation. C'est le rôle des politiques de se tenir informés en permanence des évolutions de la recherche pour agir avant que les dégâts ne se produisent.» « C'est aussi l'une des missions du “Quotidien du médecin”», a conclu le Dr Kouchner, qui a remercié la Fondation recherche médicale de parrainer le prix Epidaure depuis sa création.
Les lauréats 2006
– Le Dr Jean-Bernard Henrotin (registre dijonnais des AVC) a reçu le prix de recherche en médecine praticienne pour son travail « Relation à court terme entre accidents vasculaires cérébraux et pollution atmosphérique à l'ozone ». Le prix est doté par Veolia Environnement.
– Le Dr Magali Deloge-Abarkan (université Henri-Poincaré/Nancy-I) a reçu le prix jeune chercheur, pour son travail « Caractérisation de l'exposition à Legionella aéroportée : aspects métrologiques et approche épidémiologique du risque de fièvre de Pontiac ». Le prix est doté par « le Quotidien du Médecin ».
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