L’obligation de prescrire en DCI pourrait devenir obligatoire… lorsque paraîtront les décrets d’applications du Plfss 2009. Du moins pour le répertoire générique. Pour Catherine Lemorton, députée de la Haute-Garonne, la cause est entendue : « Chez cette petite frange de la population réfractaire au générique, à partir du moment où le médecin écrit en DCI, le patient l’acceptera plus facilement, et cela nous facilitera la tâche, à nous pharmaciens ». En dernier ressort, ils inscrivent « ou générique », « à substituer »…
L’intérêt est que la délivrance se fasse en générique (ou avec le princeps si celui-ci devient moins cher que le générique). Le syndicat Gemme (Générique même médicament) est favorable à la prescription en DCI, « mais il n’y a pas de raison de la rendre obligatoire, précise Hubert Olivier, son vice-président. Inciter plus fortement les médecins à prescrire dans le répertoire, et piloter cet effort par la mise en place d’un indice de prescription dans le ré-pertoire, est certainement une très bonne idée. » Sous réserve de renforcer l’information des médecins.
« Le Fopim, prévu dans le Plfss 2001, devait fournir aux médecins une base électronique médicamenteuse indépendante, mais il n’a jamais vu le jour », regrette le Dr Patrick Dubreil, président du Syndicat de la médecine générale (SMG). Pour d’autres, avoir restreint la prescription en DCI aux spécialités du répertoire des groupes génériques est un coup d’épée dans l’eau. « Cette mesure, explique Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme, telle qu’elle est limitée, pourrait même être contre-productive. En revanche, les CAPI vont sensibiliser les médecins à la hiérarchisation des traitements et restreindre les transferts de prescription. » Mais les CAPI seront-ils suffisants ? Le modèle français, s’il permet le développement d'un marché dynamique, semble aujourd’hui plafonner. L’année 2008 obtient, en effet, le plus faible taux de croissance du marché des génériques depuis que la politique des génériques a été mise en place voici douze ans. Si la substitution s’essouffle, c’est notamment parce que ce phénomène de transfert, négligeable il y a quelques années, prend de l’ampleur : la levée des brevets est absorbée en partie par l'effet mécanique du transfert de prescriptions vers des molécules plus récentes et plus chères.
Nouvel élan
En volume, la part des spécialités génériquées est passée du néant, à la fin des années 1990 à plus de 20 %. Désormais, les génériques sont substitués aux remèdes de marque dans 82 % des cas, souligne le Leem, syndicat des entreprises du médicament. Entre 2003 et 2008, la part du générique dans le total des médicaments remboursables est passée d’une boîte sur vingt à une sur cinq. La politique du générique, axée sur les pharmaciens devrait maintenant être relayée par les corps médical, ce qui n’est pas une mince affaire. Or, depuis fin 2008, la tendance s’inverse avec une stagnation de la part des génériques à 20 % environ du marché des médicaments remboursables (en volume), aux alentours de 10 % en valeur, associée à une régression du répertoire, ce dernier étant défini comme le total générique cumulé au total des princeps généricables.
Fausses rumeurs
En parallèle, le Gemme, syndicat des génériqueurs, a interpellé Mme Roselyne Bachelot début janvier pour qu’elle prenne fermement position face à ce doute qui se répand au sein du corps médical et du grand public sur la sécurité et la qualité des génériques.
Cela a commencé avec les antiépileptiques génériqués accusés de provoquer des crises d’épilepsie – avec pour conséquences, la stagnation, voire le recul immédiat de la substitution, en dépit de la mise au point rassurante de l’Afssaps – puis récemment par des prises de parole médiatisées contre la substitution. Depuis la fin 2008, c’est au tour du champ cardiovasculaire infiltré par les doutes sur l’efficacité thérapeutique et les effets secondaires émis au XIXes Journées européennes de la Société française de cardiologie (Paris, 14-17 janvier 2009), activés par une publication du JAMA (2008 ; 300 (21) : 2514-26) dont les conclusions établissaient cependant que l’efficacité, la qualité, la sécurité des spécialités génériques, en cardiologie ne sont pas inférieures aux spécialités princeps, ainsi que par la pauvreté de la littérature internationale quant aux évaluations cliniques à long terme. A noter, parmi les produits sur lesquels on constate une érosion de la prescription figurent les statines, les IPP, IEC et sartans (source IMS Health06, calcul Cnamts).
Les économies générées par la politique « Génériques », sa raison d’être, sont bien là. Mais sont-elles à la hauteur ? Une goutte d’eau diront certains en off, « substantielles », « peut mieux faire », diront d’autres. En cause : le transfert de prescription. Plus exactement, c’est l’érosion du répertoire, soit la propension des médecins français à se détourner d’un médicament à partir du moment où il est génériqué. Par ailleurs, les ventes de génériques en France, en forte progression de 22 % en 2007 par rapport à 2006, ont ralenti sur 2008. L’année 2008 obtient le plus faible taux de croissance du marché de ces dernières années : une augmentation de 7,5 % en valeur et de 4,8 % en volume, au sein d’un marché du médicament qui a crû de 1,9 % en valeur et baissé 2,6 % en volume.
Depuis fin 2008, les prix « fabricant » des nouveaux génériques sont fixés, sauf rares exceptions, avec une décote de 55 % par rapport aux médicaments princeps de référence. « Mais en parallèle, relève Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS, Paris), nous baissons le prix du princeps de 15 %. Et comme les marges de distribution des génériques sont identiques à celles des princeps, en pharmacie, l’écart entre les prix "vignettés" plus faible, le plus souvent entre 30 et 40 % ». Cette action sur les prix, jointe à la substitution réalisée par les pharmaciens, entraîne des économies estimées par la Cnamts à environ 1,9 milliard d’euros en 2008 (le marché des génériques est passé de 500 millions d’euros en 2002 à 1,8 milliard d’euros en 2008).
Des économies à revoir ?
« Ces économies devraient cependant être beaucoup plus importantes si l’on ne constatait pas un report massif des prescriptions vers les spécialités non génériquées, poursuit Noël Renaudin, comme c’est le cas dans les catégories où coexistent durablement des médicaments voisins par le service médical qu’ils rendent, mais dont les uns sont génériqués alors que les autres sont encore protégés par des brevets ».
Par exemple, les inhibiteurs de la pompe à protons, les IEC, les antidépresseurs ou les statines. « Ces médicaments voisins sont certes différents, reconnaît-il, et on doit admettre que certains conviennent mieux que d’autres à tel ou tel patient, mais aucune considération scientifique ne peut justifier, statistiquement, que la prescription d’un médicament décroisse brutalement dès que son brevet tombe et que sa promotion par les délégués médicaux s’interrompt. D’où la légitimité des orientations proposées par l’Uncam et tendant à la prescription dans le répertoire des génériques. »
Les gains sur les coûts des médicaments anciens « permettent ainsi de dégager des financements pour l’innovation et de préserver notre politique volontariste de promotion de l’innovation », souligne Roselyne Bachelot.
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