PAR LE Dr MARIE-NOËLLE GEORGE-VICARIOT*
LA SURVENUE de la presbytie représente en premier lieu, pour celui qui y est confronté, l’évidence du passage à une tranche d’âge que nul ne rejoint avec plaisir. C’est également, pour tous ceux qui jusqu’alors étaient emmétropes, l’apparition d’une dépendance à une correction optique, contrainte, difficile à accepter pour qui a toujours bien vu. Pour les autres, déjà porteurs de lunettes ou de lentilles, il va être nécessaire d’adapter le mode de correction à ce nouveau défaut visuel. Or, malheureusement, il n’existe aucun système parfait de correction de la presbytie. Tous ont des avantages, des inconvénients et des limites. Le rôle de l’ophtalmologiste est d’en informer son patient et de l’aider à raisonner en termes de « vision globale », afin qu’il oriente son choix vers la solution la mieux adaptée à ses besoins. L’évolution des exigences et des modes de vie pousse un nombre croissant de presbytes à refuser les lunettes. A ce jour, la chirurgie réfractive de la presbytie ne bénéficie pas d’un recul ni de résultats suffisamment sûrs pour la proposer sans réserves, bien que le devoir légal d’information de l’ophtalmologiste soit de présenter à son patient les différentes possibilités de correction de la presbytie.
Les lentilles de contact sont donc une excellente alternative pour qui souhaite être libéré de la contrainte des lunettes, qu’elles soient progressives ou demi-lunes, et, en France, leur succès est tel que nous sommes le pays dans lequel les lentilles multifocales sont le plus diffusées.
Définir les besoins visuels du patient.
Toutes les amétropies associées à une presbytie peuvent être prises en charge par la contactologie.
L’interrogatoire est essentiel pour définir les besoins visuels incontournables du patient, ceux-ci n’étant pas les mêmes selon les différentes activités ou professions. L’information objective sur les limites des lentilles multifocales, comme celles des lunettes, est importante
La kératométrie, le diamètre cornéen et le diamètre pupillaire interviennent dans le choix des lentilles et de leur géométrie.
La réfraction est le temps capital de l’adaptation : elle doit être faite dans le dessein d’une adaptation de lentilles multifocales et se doit d’être réalisée avec une rigueur absolue par la méthode du brouillard. L’addition minimale doit être évaluée avec précision (3).
La détermination de l’oeil préféré de loin, voire de près, est indispensable. Une connaissance avancée des différentes lentilles disponibles sur le marché et de leurs caractéristiques optiques permet d’orienter efficacement, en fonction du recueil des données, le choix des lentilles de première intention.
Le respect formel des règles d’adaptation propres à chaque lentille est un des garants de la réussite de l’adaptation.
Sont à exclure de ce type d’adaptation les patients qui exigent tout à la fois et avec impatience :
– la vision centrale que leur donneraient des lunettes, de loin comme de près ;
– la vision périphérique que leur offrent les lentilles ;
– l’absence totale de la moindre aberration optique, particulièrement lors des premières semaines de port ;
– toute absence de contrainte liée aux manipulations et à l’entretien.
Savoir, enfin, que chez tout patient déjà porteur d’un équipement contactologique pour correction de la presbytie il est extrêmement fastidieux de changer de concept optique, donc de marque de lentilles. Cela est particulièrement vrai pour des patients passant de la monovision alternée à un équipement multifocal.
Les avantages des lentilles multifocales.
Le patient a la possibilité de faire des essais, sur plusieurs semaines, en situation de vie quotidienne. Il est possible de réajuster la puissance des lentilles au cours de la période d’adaptation, en fonction des modifications de la réserve accommodative du patient, modifications liées à la proximité de la correction du centre optique de l’oeil. On peut modifier la correction de vision de loin et l’addition en vision de près au fil des années, en fonction de l’évolution de l’amétropie initiale et de la presbytie.
Les aberrations périphériques observées avec les verres progressifs n’existent pas et le sujet bénéficie de la qualité du champ visuel d’un emmétrope, avec une vision identique dans toutes les directions du regard. La qualité de vie est améliorée, grâce à la suppression d’une dépendance aux lunettes. La réversibilité de l’équipement est totale en cas de déception ou d’échec.
Les résultats.
La connaissance et le respect des principes de base ( cf. encadré), ainsi que la multiplicité des lentilles aujourd’hui à notre disposition permettent de faire aboutir avec succès près de 90 % des adaptations de lentilles multifocales. On entend par succès une acuité visuelle objective équivalente à celle obtenue avec les verres correcteurs, et un port éventuel de correction additionnelle dans moins de 10 % des activités quotidiennes. Les échecs sont beaucoup plus souvent liés à des erreurs d’adaptation qu’à l’insuffisance des avancées technologiques des lentilles disponibles.
Si le souhait des ophtalmologistes, comme celui des patients, est de voir encore diminuer les effets optiques indésirables observés dans certaines circonstances, en particulier lors de dilatations pupillaires extrêmes (vision nocturne), en aucun cas ce ne peut être un argument pour récuser des demandes d’adaptation de patients motivés. Le recrutement se fait très majoritairement à partir de la satisfaction de patients déjà équipés, suscitant dans leur entourage une envie contagieuse de qualité de vie recouvrée.
* Présidente de la Société française des ophtalmologistes adaptateurs de lentilles de contact (Sfoalc).
(1) Source Ined (Institut national des études démographiques).
(2) Malet F. Congrès de l’Eclso 2006. (3) Peyre C et coll. Presbytie et lentilles de contact. Rapport de la Sfoalc 1999 et mise à jour 2002, Editions Lamy.
Les garants de la réussite
– L’excellence du bilan de préadaptation, interrogatoire et clinique.
– L’information du patient sur l’existence d’une courte période d’accoutumance liée à l’apprentissage cérébral de la perception visuelle avec ce type d’équipement.
– Le choix de premières lentilles permettant une vue suffisante en vision de loin (conduite) et en vision rapprochée (écran d’ordinateur, par exemple), afin que les lentilles puissent être portées régulièrement durant cette phase de début, le patient devant savoir que l’optimisation de l’acuité se fera lors du premier contrôle visuel.
– Le choix d’une addition aminima pour la vision rapprochée évite de perturber la vision de loin.
– Prévenir le patient que, à acuité objective identique aux lunettes, le confort subjectif en vision éloignée peut être légèrement altéré au début, et s’améliorera avec la régularité du port.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature