LUCIE DÉBARQUE dans le hall de la Pitié. Première fois à Paris, première fois à la fac. Elle semble un peu perdue, avec toutes ces pancartes autour d’elle et cette cohue qui la bouscule. Lucie est venue s’inscrire en Pcem1, dans la capitale. «Parce que les formations sont meilleures ici», affirme-t-elle. Du coup, l’étudiante de 18 ans a pris un studio pas très loin d’ici, rue de Tolbiac. Un investissement pour ses parents enseignants. Lucie ne sait pas encore si elle s’inscrira dans une prépa privée. «Tout le monde me disait déjà dans mon lycée, à Poitiers, qu’il fallait s’inscrire dans une prépa pour réussir. Moi, je n’en suis pas persuadée. Je pense m’en sortir seule, ou avec des cours de soutien à la fac. Je pense que c’est d’abord la motivation et la détermination qui priment. Je ferai tout pour avoir le concours la première fois, mais c’est vrai que j’hésite encore pour m’inscrire en prépa.»
Face à la concurrence, doit-on s’inscrire dans une prépa privée ? Pour répondre à cette question récurrente, nous avons interrogé écoles et élèves déjà passés par là.
Excosup
«Il est important de se mettre tout de suite dans une logique de concours lorsqu’on entame des études de médecine. Ici, nous faisons tout pour optimiser les chances de réussite des élèves. Nous n’avons que de petits groupes de 20 à 25élèves par classe, pour un total de 650inscrits. Il faut compter de 600 à 900euros pour un encadrement annuel. Nos locaux sont proches des facultés et nous apportons, en plus de 4heures de cours par semaine, la possibilité de s’évaluer par rapport au reste des élèves inscrits grâce à des concours blancs chaque semaine. Nous assurons ainsi de 50 à 60% de réussite aux concours. Ce qui marche très bien, ce sont les stages de prérentrée. Ce ne sont pas des remises à niveau, c’est une anticipation sur le programme. En un mois, nous voyons le programme du premier semestre dans les matières scientifiques. Ce qui fait la différence? Une bonne mémoire, l’organisation et la maturité. Savoir s’autoévaluer, c’est très important. Pour cela, nous avons mis en place un système de coaching cette année, assuré par des anciens élèves d’Excosup maintenant en 3eou 4eannée et qui transmettent un savoir-faire, des méthodes et des “trucs” propres à chaque prof et à chaque fac. C’est le petit plus qui pourrait faire la différence.»
Mediasup
«Nous n’acceptons dans nos cours que des élèves possédant un bacS. Il faut être réaliste et ne pas se faire d’illusions: les autres bacs ont des chances minimes de réussir le concours et nous ne les encourageons pas dans ce sens. De même, les doublants ayant une moyenne inférieure à 6/20 ne sont pas acceptés chez nous. Un système d’ailleurs de plus en plus développé par les facs elles-mêmes. Nous proposons de 4 à 6heures de cours par semaine avec un seul concours blanc par mois. La surcharge de travail est en effet inutile. Nous souhaitons préparer les étudiants efficacement sans les noyer dans le travail. Si les élèves inscrits chez nous ne sont pas satisfaits, ils peuvent toutefois partir en cours d’année et être remboursés. Une année de préparation revient chez nous à 3000euros et nous avons à peu près 600inscrits. Mais il ne faut pas se leurrer. Nous offrons tous presque les mêmes services. Et tout le monde connaît depuis deux ans une baisse des inscriptions, en partie due au succès rencontré par le tutorat à la fac.»
Cours Galien
«En fac de médecine, il y a peu d’encadrement personnalisé, en groupes de 20-25élèves comme dans nos structures. Pas d’entraînements aux QCM et au concours. Chaque semaine, nous préparons de façon régulière nos étudiants pour améliorer le niveau de connaissances par des examens blancs, parrainés par des étudiants de 3eet de 4eannée qui connaissent très bien les marottes des enseignants et le rythme des concours. C’est un plus qui correspond à la spécificité de chaque fac de médecine. Le parrainage, c’est l’un de nos points forts. En début d’année, le conférencier, étudiant ou prof, prend en charge un étudiant qu’il suit sur l’ensemble de l’année. On est obligés de passer par là pour réussir les concours de première année. Quatre-vingt pour cent des élèves de P1 sont inscrits dans des prépas privées ou des structures autres qui ont ce type d’enseignement. Nous ne prenons que des élèves de classeS. Il ne faut pas penser que des étudiants de bacES ou L peuvent réussir médecine. Pour les étudiants moyens de bacS, on leur propose de faire une année blanche. Ils suivent au sein de Galien un enseignement pendant un an comme à la faculté, sans y aller, avec des examens blancs toutes les semaines et un concours blanc de type partiel en février et en juin. Un élève de bacS sans mention inscrit en P1 a moins de 5% de chance de réussir le concours de première année. En redoublant, il a 40% de chance de réussite.
Toutes les matières sont importantes en P1 puisqu’il s’agit d’un concours. C’est plus un problème de méthodologie qui importe pour réussir le concours. La méthode de travail et l’efficacité sont importantes. Mais c’est souvent la physique qui est sélective dans plusieurs facultés. Pour réussir, il faut être très travailleur, équilibré, rapide et comprendre ce sur quoi on va être interrogé. Lorsque vous avez compris les clés d’évaluation du concours, vous avez compris comment apprendre votre cours et vous réussissez.»
Laurent, étudiant en D1 à Lyon
«Presque tous les étudiants en médecine sont inscrits dans un cours parallèle et ce n’est pas sans raison. Ces organismes proposent, tout au long de l’année, des interrogations (les colles) portant sur le programme de votre concours. Ces colles sont la meilleure façon de faire le point, de travailler sur des sujets qui pourraient tomber au concours et de voir ce que vous valez par rapport aux autres. Je conseille à tous, sans hésiter, l’inscription dans une prépa, poursuit Laurent. Bien sûr, il faut se renseigner et faire le bon choix car tous les instituts ne sont pas équivalents. N’hésitez pas à comparer les prix, mais surtout comparez les services proposés…»
Corinne, étudiante en P2 à Necker
«Il ne sert à rien de payer pour apprendre par coeur. J’ai eu le concours de première année sans passer par une prépa. Ma recette? Travailler intelligemment. Je n’ai pas utilisé autre chose que mes cours: je me suis bornée à les résumer en les mettant en fiches, et ensuite je les ai apprises par coeur. En éliminant les détails superflus, j’ai gagné un temps infini au moment des révisions finales. Dernier détail, je faisais équipe avec une copine: c’est indispensable! On peut se poser des questions, éclaircir certains points du cours. Mais, aussi, cela permet de se motiver et de travailler même quand on n’en a plus envie.»
Benjamin, étudiant en 4e année à la Pitié
«Je suis assez nuancé sur la question. Je suis passé par un organisme privé. Ça coûte très cher. Le seul avantage, c’est que cela permet de travailler régulièrement. On vous dit qu’on va aborder telle question tel jour, vous êtes donc obligé de revoir le point du cours qui sera traité. On est dans un rythme de travail et on a des repères qui nous permettent de rester dans le coup. Sinon, il y en a beaucoup qui décrochent et se laissent facilement déborder.»
La solution pas chère : le tutorat
Tous les élèves de médecine le disent : le tutorat, c’est génial. Mais malheureusement pas assez répandu encore dans les facultés de médecine. Depuis quelques années, l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France) se bat pour développer cette aide aux premières années dispensée par des élèves de médecine rémunérés, ayant réussi le concours. «Une façon de proposer la gratuité ou un moindre coût pour un soutien constant amenant à une équité quels que soient les moyens matériels des étudiants», explique l’association. A Besançon, le tutorat a débuté en 2000 et est totalement gratuit. Les tuteurs sont deux par groupes d’étudiants. Chaque semaine, un partiel est organisé sur une matière donnée. Et un concours blanc a lieu à la fin de janvier. A Bordeaux, il est payant (35 euros). Et il faut s’y prendre à l’avance pour les inscriptions pendant l’été. «Il est un peu tôt pour donner des résultats, mais, avec 85% des effectifs totaux des Pcem1 de Bordeaux, la plupart des reçus en Pcem2 arrivent du tutorat.» D’après une enquête réalisée en 2006 par l’Anemf, seulement quatre facultés ne disposent pas encore de tutorat. Mais les résultats sont concluants. «Il existe de nombreux tutorats aux formes très diverses et efficaces qui ne demandent qu’à s’améliorer encore. L’objectif est de proposer aux étudiants tout droit sortis de lycée un moyen de s’intégrer rapidement dans les études médicales, autant du point de vue de la capacité que du point de vue de la méthode de travail», conclut Thomas Mesnier, de l’Anemf à Poitiers.
Laissons la conclusion à un professeur parisien : «Je ne pense pas qu’il y ait de différence significative entre le taux de réussite des étudiants qui sont passés par une prépa et les autres. Par ailleurs, certains instituts recrutent sur dossier scolaire des candidats particulièrement motivés: comment alors comparer cette population triée sur le volet à l’ensemble des étudiants inscrits?»
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