De notre correspondante
à New York
Les hommes désespérés dans certains cas de famine ont parfois recouru, dans un but de survie, au cannibalisme. Cette stratégie n'avait pas été attribuée, jusqu'ici, à la bactérie.
A l'instar de son parent notoire, Bacillus anthracis (responsable de la maladie du charbon), Bacillus subtilis peut survivre des années sous forme de spores, dans un état végétatif. Ce processus de sporulation est déclenché lorsque la bactérie manque complètement de nutriments. Toutefois, dès lors que ce processus de transformation, après un laps de temps, devient irréversible, il pourrait être bénéfique de le retarder le plus possible, dans le cas où des nutriments deviendraient à nouveau disponible.
Une équipe de Harvard a découvert que lorsque B. subtilis entame son processus de sporulation, il le retarde en tuant ses cellules soeurs et en se nourrissant ensuite des nutriments libérés.
Gonzales-Pastor, Losick et coll. ont découvert que la bactérie engagée dans la voie de sporulation produit un peptide semblable à certains antibiotiques, ainsi qu'un transporteur qui exporte l'antibiotique, ce qui la rend résistante à l'antibiotique. La production de ces deux protéines est codée par un groupe de gènes appelés skf (sporulation killing factor).
Une seconde protéine sensibilisante
De plus, B. subtilis sporulant produit une nouvelle protéine de signal qui augmente sa production d'énergie et pourrait ainsi retarder sa sporulation. Mieux encore, l'exportation de cette protéine sensibilise les autres cellules au facteur antibiotique meurtrier.
« Nous suggérons que la sporulation est une voie de réponse au stress, de dernier ressort, et que B. subtilis retarde son engagement vers la formation de spore en "cannibalisant" ses cellules soeurs », concluent les chercheurs.
« La signification biologique de ce cannibalisme, croyons-nous, est que la formation de spore prend plus de temps et d'énergie. Aussi la bactérie ne prend-elle pas à la légère la décision de sporuler », explique au « Quotidien » le Dr Richard Losick, de l'université de Harvard, à Cambridge, qui a mené ces travaux.
Tuer sa propre fratrie
« La plupart des antibiotiques utilisés en médecine proviennent de bactéries et d'autres micro-organismes. On croit généralement que les bactéries produisent des antibiotiques dans la guerre chimique contre les autres espèces de bactéries en compétition. Dans le cas de notre bactérie cannibale, le but de l'antibiotique n'est pas de tuer d'autres espèces, mais plutôt sa propre fratrie », remarque-t-il.
« Notre priorité, maintenant, est de découvrir comment fonctionne la protéine de signal. Elle a de multiples effets sur les cellules soeurs, y compris celui de les rendre plus sensibles aux facteurs mortels. Comment cette protéine exerce-t-elle ses effets sur ces cellules ? »
« Nous sommes intrigués par l'existence d'une protéine de signal qui rend les bactéries extrêmement sensibles à la mort par un antibiotique. Pourrons-nous trouver quelque chose de similaire chez les bactéries pathogènes et développer un médicament qui aurait un effet similaire, à savoir augmenter la sensibilité aux antibiotiques ? », voilà la question que se pose le Dr Losick.
Sciencexpress, 19 juin 2003, http://www.sciencexpress.org.
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