Première année d'études commune aux professions de santé : les doutes des doyens de médecine

Publié le 20/11/2003
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Après les étudiants de médecine, c'est au tour des doyens de faculté d'exposer leur avis sur le rapport Debouzie (« le Quotidien » du 26 septembre), commandé par les ministères de la Santé et de l'Education, et concernant la mise en place d'une première année d'études commune pour quatorze professions de santé. A cet effet, la Conférence des doyens de faculté de médecine a rendu public un premier commentaire, qu'il vient de transmettre au gouvernement.

D'emblée, elle insiste sur un point : la formation des professions de santé par la voie universitaire est souhaitable et elle doit se faire dans les UFR de santé. Le système universitaire semble en effet idéal pour une formation commune, et les doyens dans leur commentaire ne manquent pas de chanter les mérites de la faculté : capable de garantir des contenus d'enseignement et des diplômes, d'un établissement à l'autre, l'université est apte à « assurer le maintien d'un certain niveau, explique Bernard Charpentier, président de la Conférence des doyens. C'est une garantie de qualité et d'homogénéisation nationale. Ainsi, on peut imaginer des licences professionnelles et des IUP (instituts universitaires pratiques) dans les facultés de médecine ».
Mais, pour autant, souligne la Conférence des doyens, cette formation commune à certaines professions de santé doit être distinguée de la réforme proprement dite de la première année de médecine que les doyens souhaitent fortement.
La fin du redoublement stérile du PCEM 1, assortie de possibilités de réorientation et de formation aux reçus-collés, est indispensable, mais elle relève d'un autre problème, estiment-ils.
En outre, les doyens ne souhaitent pas que le principe d'une première année commune aux professions de santé implique en même temps les quatorze métiers évoqués par le rapport Debouzie. « Le risque d'aboutir alors à une usine à gaz est grand et ce serait le meilleur moyen de torpiller le projet », explique Bernard Charpentier.
Dans un premier temps, le PCEM 1 pourrait s'ouvrir à un premier cercle de professions : médecine, pharmacie, odontologie, sage-femme, kinésithérapie, voire une ou deux professions supplémentaires. « Ça peut varier d'un site à l'autre, d'une faculté à l'autre, sous forme d'expérience et sans que la même règle soit imposée à tous », insiste Bernard Charpentier. Cette réforme «  doit aussi être l'occasion d'une évolution pédagogique, de la mise en œuvre de passerelles et de transferts de compétences entre les professionnels de santé », indiquent les doyens, ce qui exige une certaine liberté d'expérimentation et surtout du temps. On imagine aisément les obstacles que cette démarche rencontrera.
Outre le changement de mentalité que cela implique au sein même des universités, il faut savoir les intentions réelles du gouvernement : va-t-il prendre en compte les expériences déjà en cours un peu partout en France ? Va-t-il inscrire à terme la réforme dans le cadre de la nécessaire rénovation pédagogique des études de santé et de l'harmonisation européenne des cursus de santé avec le LMD (licence, mastère, doctorat) ? La Conférence craint que les ministres n'aient guère envie de se donner le temps de la réflexion, alors que, insiste Bernard Charpentier, « des universités mènent depuis quelque temps des expériences pédagogiques en ouvrant les amphis aux sages-femmes ou aux kinés. D'autres se sont lancées dans le LMD, dans la création de licences professionnelles paramédicales ou d'IUP ».
Enfin, dernière crainte : les moyens. Selon la Conférence des doyens, cette réforme nécessitera de nouveaux locaux, des moyens techniques et des ressources humaines en personnel enseignant et non enseignant. « Les ministères ont-ils pensé aux transferts des moyens impliqués par l'arrivée des professions de santé, à l'avenir des instituts et les écoles de formation ? s'interroge le président de la Conférence des doyens . Il faut une évaluation de faisabilité. » Et si Bercy ne débloque pas les ressources nécessaires, pas question de réformer.

Marion ESQUERRE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7430