LE 27 MARS, le centre hospitalier de Valenciennes (Nord) signale à l’InVS la survenue de cas groupés d’infection digestive à Clostridium difficile (ICD). Bacille à Gram positif anaérobie sporulée, C.difficile est responsable de 15 à 25 % des diarrhées postantibiotiques et de plus de 95 % des cas de colites pseudomembraneuses. C’est par ailleurs la première cause de diarrhées infectieuses nosocomiales chez les adultes. Depuis 2004, une souche épidémique particulière (toninotype III, PCR-ribotype 027) est responsable d’épidémies sévères au Canada, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Dès les premiers rapports européens et dans le cadre de sa veille prospective, l’InVS a alerté les Cclin (centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales) et les établissements de santé français.
Les premières investigations réalisées à Valenciennes sont décrites dans le bulletin d’« Eurosurveillance » (4 mai) et sur le site de l’InVS (www.invs.sante.fr). Elles ont déjà permis de caractériser cinq souches parmi celles transmises au laboratoire de microbiologie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris) pour typage moléculaire. Quatre d’entre elles sont similaires aux souches isolées lors des épisodes antérieurs en Amérique ou en Europe.
Des recommandations pour le signalement, l’investigation, la prévention et le contrôle des ICD sont en cours d’élaboration en France, sous l’égide du Raisin (Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales), et en Europe, sous celle du Centre européen de contrôle des maladies (Cecm). L’Institut de veille sanitaire rappelle, à cette occasion, que le «signalement par les établissements de santé au Cclin et à la Ddass de tout cas d’ICD sévère ou de toute épidémie d’ICD est nécessaire» afin de détecter et de contrôler précocement l’émergence de cette souche .
Au cours de l’épisode de Valenciennes, 33 patients (9 hommes et 24 femmes), âgés de 37 à 95 ans, ont développé une ICD entre le 22 janvier et le 9 avril, sous la forme, soit d’une diarrhée simple (29 patients), soit d’une colite pseudomembraneuse (4 patients). Aucun nouveau cas n’a été recensé depuis le 9 avril. Parmi les patients, 3 étaient déjà infectés à leur admission. Les autres l’ont été en cours d’hospitalisation, la plupart dans le service de gériatrie (16 des 33 cas). Les huit autres services concernés, notamment en chirurgie, en médecine, en réhabilitation fonctionnelle, ont accueilli 14 patients. Aucun patient n’a dû être transféré en réanimation ou en chirurgie pour traitement de l’ICD. Cependant 13 (39 %) patients sont décédés dans les 11 à 63 jours suivants l’apparition des symptômes sans que la cause de la mort ne soit directement imputable à l’infection.
Les mesures de contrôle habituelles en cas d’infections nosocomiales ont été mises en place par l’équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière (Eohh). Elles incluent le renforcement des précautions standards et du lavage des mains (à l’eau et au savon), l’utilisation de gants et de surblouses lors des soins, l’isolement ou le regroupement des patients infectés, le bionettoyage soigneux (à l’eau de Javel) de l’environnement des patients et l’utilisation de matériel dédié. Elles ont abouti à la fermeture du service de gériatrie pendant une semaine au début d’avril.
Les investigations se poursuivent, notamment le typage moléculaire de toutes les souches isolées (11 des 33 patients), un audit des pratiques d’hygiène et d’antibiothérapie et l’organisation d’une surveillance des diarrhées nosocomiales.
Des épidémies nosocomiales
Plus de 70 % des infections digestives à C. difficile diagnostiquées à l’hôpital sont d’origine nosocomiale et surviennent volontiers sous forme d’épidémies, notamment dans les services à risque (réanimation, maladies infectieuses, hématologie et gériatrie). Leur incidence varie de 1 à 10 pour 1 000 admissions. La mortalité directement imputable à l’ICD varie entre 0,6 et 1,5 %, mais peut atteindre 35 à 50 % en cas de complication de colite pseudomembraneuse. Leur survenue est favorisée par la prise d’antibiotiques (C. difficile est responsable de 15 à 25 % des diarrhées postantibiotiques) et par la présence d’une souche toxinogène. Dans les formes simples, la diarrhée est souvent modérée et les signes généraux sont souvent absents. La colite pseudomembraneuse, plus bruyante (diarrhée liquide abondante avec fièvre et douleurs abdominales), expose au risque de complications : choc septique et mégacôlon toxique (dilatation massive du côlon) qui peut entraîner une perforation colique.
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