C’est un euphémisme que d’affirmer que la commission médico-économique (CEESP) de la Haute Autorité de santé (HAS) est attendue au tournant par de nombreux acteurs, tutelle comprise. Bercy, entre autres, attend de la CEESP, créée en 2008, des avis à même de faire gagner de « l’efficience » au système de santé. « Attention : il ne faut pas confondre efficience et économie. Ceux qui font cette confusion risquent d’être déçus par les travaux de la CEESP », a prévenu l’économiste de la santé Gérard de Pouvourville, lors d’une table ronde consacrée à cette toute nouvelle commission, au cours des Journées de la HAS mi-décembre. L’occasion de tirer un bilan circonstancié de la première année d’activité de la commission. En circonscrivant, dans un premier temps, son champ d’application. « La CEESP n’intervient jamais lors de la primo-inscription d’un médicament ou d’un dispositif médical », prévient Catherine Rumeau-Pichon, de la direction de l’évaluation médicale, économique et de santé publique de la Haute Autorité de santé (HAS). La CEESP n’intervient que dans un deuxième temps, lors de la réévaluation de classes. « La dimension économique est alors très présente », ajoute Catherine Rumeau-Pichon. De fait, l’on distingue trois niveaux d’évaluation : lors de la primo-inscription où l’on contextualise les avis, lors de la réévaluation, enfin dans le cadre d’études exhaustives de type SERC qui englobent des critères économiques, éthiques, sociologiques… La méthode employée semble claire : « À efficacité et tolérance identique, on favorise le médicament ou le DM le moins coûteux. Lorsque les stratégies des médicaments ou DM que l’on compare ne sont pas identiques, nous sommes obligés d’approfondir les études médico-économiques, et d’y inclure des dimensions plus larges, comme le service rendu à la collectivité. » Force est de constater qu’en un an d’activité, la commission n’a pas chômé. Tant en stratégie de santé publique, qu’en dispositifs médicaux ou encore en médicaments et actes.
Peu d’effectifs
Une prouesse, lorsque l’on connaît les effectifs, peu nombreux, de la commission : à peine une quinzaine de personnes. Radiographies inutiles, assistance circulatoire, utilisation des dispositifs d’automesure de l’INR chez les patients traités par antivitamine K, dispositifs de stimulation phrénique, stimulateurs cardiaques, stents actifs, font partie des travaux achevés dans le domaine des dispositifs médicaux. Pour ce qui est des médicaments, la CEESP a parachevé les fiches de bon usage IEC/Sartans et de bon usage des inhibiteurs de la pompe à protons. Reste, toujours dans le domaine des médicaments, des travaux en cours de réalisation comme « la réévaluation des hormones de croissance, la stratégie de prise en charge médicamenteuse du diabète de type II, la stratégie de prise en charge médicamenteuse de l’hypertension artérielle, la réflexion sur le suivi économique en postinscription ». Mais aussi l’évaluation médico-économique des statines, qui a suscité un brin de polémique lors de la table ronde. « Concernant l’évaluation des statines, nous regrettons que les conclusions ne se fondent que sur le taux de LDL et non sur le facteur mortalité/morbidité », a notamment fait remarquer Jean-Michel Hotton, directeur du service Relations institutionnelles, chez Pfizer. Tout en manifestant sa satisfaction de constater que la CESSP n’intervient que lors de la réévaluation des classes, Jean-Michel Hotton a fait part de quelques suggestions : « Nous souhaiterions que les parties prenantes soient consultées. De même, un guide méthodologique nous servirait à comprendre les mécanismes de la CEESP. » Christine Meyer, de la Mutualité française, a elle aussi exprimé les attentes de la mutualité à l’endroit de la CEESP. D’autant plus que « la mutualité voudrait émettre ses propres recommandations sur les remboursements mais ne le peut pas », a-t-elle regretté. Et doit donc s’appuyer sur la HAS : « Nous regrettons que la HAS reste centrée sur les remboursements du régime obligatoire. Et nous souhaiterions plus de recommandations sur les coopérations professionnelles et l’organisation des soins », a-t-elle avoué. Encore faudra-t-il clarifier certains points. Comme, par exemple, la distribution des rôles entre la CESSP et le groupe de travail « Intérêt de santé publique et études post-inscription », qui travaillent sur des dossiers similaires. « L’articulation entre les deux commissions se cherche encore », témoigne Benoît Dervaux, économiste et intervenant à la HAS. De même, les périmètres exacts d’intervention de la CEESP restent à définir : a-t-elle vocation à intervenir sur l’ensemble des produits ? En revanche, il semble acquis que la CEESP ne marchera pas dans les pas du Nice, son équivalent britannique, qui plafonne les remboursements. « Nous sommes plutôt sceptiques quant à la notion de seuil d’acceptabilité », confirme Benoît Dervaux.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature