Prééclampsie : l'effet « tolérance » serait lié aux spermatozoïdes

Publié le 24/02/2002
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On ne connaît pas encore la cause de la prééclampsie. Elle est probablement d'origine multifactorielle mais des données épidémiologiques suggèrent une mauvaise adaptation immunitaire spécifique du partenaire sexuel.

L'adaptation (tolérance) semble être liée à l'exposition régulière des voies génitales féminines par le sperme de son partenaire. Une étude sur plus de 1 000 femmes enceintes indique que la durée dans le temps d'une relation sexuelle est inversement corrélée à la prééclampsie : si la relation dure depuis moins de quatre mois, le risque d'HTA de la grossesse est sept fois plus élevé que si cette relation dure depuis au moins douze mois. Plusieurs autres études ont de plus montré que le taux de prééclampsie augmente dans les grossesses obtenues après don de sperme.
Quel composant du sperme est impliqué dans la tolérance spécifique du partenaire : le liquide séminal ou les spermatozoïdes ? Les travaux de Koelman ont documenté la présence d'un HLA soluble dans le liquide séminal ; mais, selon Smith et coll., la protection serait le fait des spermatozoïdes. Comment faire la part des choses ?
Il est des couples dans lesquels l'homme a très peu ou pas du tout de spermatozoïdes dans son sperme. Pour ces couples, on propose une fécondation par ICSI non pas à partir du sperme de l'homme, ce qui ne servirait à rien, mais avec des spermatozoïdes obtenus chirurgicalement directement dans le testicule ou l'épididyme.

« Un modèle idéal »

Dans ces couples-là, les voies génitales de la femmes sont régulièrement au contact du liquide séminal mais pas des spermatozoïdes. Ils constituent donc un « modèle idéal » pour faire la part des choses entre le rôle du liquide séminal et celui des spermatozoïdes dans l'instauration de la tolérance.
Une équipe australienne a comparé l'évolution de grossesses obtenues après aide médicale à la procréation : 1 075 par FIV « simple », 464 par ICSI avec spermatozoïde d'un éjaculat et 82 par ICSI avec spermatozoïde obtenu chirurgicalement.

Triplement du risque de prééclampsie

Par rapport aux deux autres groupes, on a observé, dans les grossesses obtenues par ICSI avec spermatozoïde prélevé chirurgicalement, un doublement du risque d'HTA gravidique et un triplement du risque de prééclampsie.
La prise en compte de facteurs confondants comme l'âge et l'indice de masse corporelle ne modifie pas les résultats.
« Nos résultats indiquent que l'hypertension gravidique et la prééclampsie sont plus fréquentes chez les femmes recevant un ovocyte fertilisé avec un spermatozoïde obtenu chirurgicalement qu'avec un spermatozoïde provenant de l'éjaculat. Ces résultats suggèrent que l'effet protecteur de l'exposition au sperme sur l'apparition ultérieure d'une hypertension gravidique ou d'une prééclampsie est associé à l'exposition aux spermatozoïdes ou à un facteur étroitement lié aux spermatozoïdes, dans l'éjaculat », concluent les auteurs.

« Lancet » du 23 février 2002, pp. 673-674.

Dr Emmanuel de VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7073