Prééclampsie : l'effet protecteur d'une grossesse antérieure n'est que transitoire

Publié le 07/01/2002
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Bien que les causes de la prééclampsie restent incertaines, des arguments épidémiologiques ont conduit à spéculer sur une origine immunologique.

Le risque est au moins deux fois plus important au cours de la première grossesse que lors de la deuxième ou des suivantes. Mais des études récentes ont suggéré que le risque ne décroît à la deuxième grossesse que si le partenaire est le même. Ce qui a conduit à formuler une hypothèse : le risque de prééclampsie peut être réduit par l'exposition répétée maternelle - avec, donc, adaptation - aux antigènes de son partenaire. Selon cette hypothèse : nouveau partenaire, nouveaux antigènes et risque de prééclampsie similaire à celui d'une première grossesse. Mais a-t-on bien raison d'accuser les nouveaux antigènes du nouveau partenaire ? Après tout, le risque accru lié à l'arrivée d'un nouveau partenaire n'est-il pas tout simplement lié au fait qu'entre le premier père et le deuxième, il s'est tout naturellement écoulé du temps ? On sait en effet qu'un long délai entre deux grossesses efface l'effet protecteur de la grossesse précédente. Il fallait en savoir davantage, ce qui a conduit une équipe norvégienne (Roy Skjaerven et coll.) à analyser, grâce à un grand registre (naissances de 1967 à 1998), à évaluer l'influence, sur le risque de prééclampsie, de l'intervalle entre deux grossesses et du changement de partenaire.
Ainsi, les auteurs ont étudié 551 478 femmes ayant donné, deux fois ou plus, naissance à un singleton, et 209 423, ayant donné naissance à trois singletons ou plus.

Délai de dix ans : retour au risque initial

Quand les femmes avaient le même partenaire, une prééclampsie a été observée dans 3,9 % des premières grossesses, 1,7 % des deuxièmes et 1,8 % des troisièmes. Le risque pour la deuxième et la troisième grossesse était directement lié au délai écoulé depuis la grossesse précédente. Quand l'intervalle était de dix ans ou plus, le risque rejoignait celui d'une nullipare.
Après ajustement pour un changement éventuel de partenaire, l'âge maternel et l'année de naissance, l'odds ratio pour la prééclampsie était de 1,12 pour chaque année d'intervalle entre deux naissances.
En cas de changement de partenaire, avant ajustement, le risque apparaissait, certes, plus élevé. Mais après ajustement pour l'intervalle entre deux naissances, le risque était réduit : odds ratio à 0,73 en cas de changement de partenaire.
Les auteurs reconnaissent deux limites à leur travail.
Première limite : le tabagisme n'a pas été pris en compte. Beaucoup de Norvégiennes fument pendant leur grossesse et une femme dont la mariage se termine par un divorce peut fumer davantage. Or le tabagisme est associé à une réduction du risque de prééclampsie.
Deuxième limite : le manque de renseignements sur l'obésité, laquelle est associée à un risque accru de prééclampsie. Cela dit, le poids augmente en général avec l'âge et la parité, ce qui devrait se traduire par une augmentation du risque entre la deuxième et la troisième grossesse : or, cela n'a pas été le cas.

« New England Journal of Medicine » du 3 janvier 2002, pp. 33-38.

Dr E. de V.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7039