«LA DÉTECTION du scyllo - inositol est le signe qui précède l’apparition d’une encéphalopathie chez le sujet alcoolique. La détection au plus tôt de ce marqueur permettra de mieux suivre l’évolution de l’état cérébral du sujet alcoolodépendant et peut-être d’adapter les moyens thérapeutiques », explique le Pr Patrick Cozzone (centre de résonance magnétique biologique et médicale, UMR Cnrs 6612, Marseille). Ces propos concluent le travail de l’équipe marseillaise mené par spectrométrie de résonance magnétique auprès d’individus alcoolodépendants (ou récemment sevrés) comparés à des témoins. Il est publié dans le n° 17 des cahiers de l’Ireb (Institut de recherche scientifique sur les boissons).
Les chercheurs marseillais avaient montré auparavant une altération profonde du métabolisme cérébral du scyllo-inositol chez les alcooliques chroniques. Leur nouvelle étude a consisté en l’étude de son accumulation, qui jusqu’à présent n’avait jamais été constatée.
Alcoolisme de plus de cinq ans et 20 +- 10 verres par jour.
Vingt alcooliques (9 non sevrés et 11 récemment sevrés) ont été enrôlés. Leur moyenne d’âge était de 54 ± 10 ans, il s’agissait essentiellement d’hommes (n = 17). L’alcoolisme durait depuis plus de cinq ans et la consommation se situait à 20 ± 10 verres d’alcool par jour (vin rouge, le plus souvent). Ils ont été répartis en trois groupes. Le premier, composé de cinq individus, regroupait ceux atteints d’une encéphalopathie clinique aiguë. Leurs déficits neurologiques étaient importants : pertes de mémoire, désorientation spatio-temporelle, ralentissement des fonctions cognitives et des mouvements, ataxie. Le second était au stade de l’encéphalopathie chronique. Le dernier groupe était indemne de l’affection neurologique. Tous ont été comparés à 31 volontaires sains.
Une anomalie métabolique majeure a été observée chez 17 des 20 alcooliques. Il s’agissait d’une augmentation très significative de la résonance commune au scyllo-inositol et à la taurine. De plus, chez 4 sujets, une quantité importante de scyllo-inositol a été mise en évidence dans le liquide céphalorachidien et, dans une moindre mesure, dans le sérum. Les taux de taurine, en revanche, n’y étaient pas modifiés.
Les auteurs pensent n’avoir jamais constaté cette accumulation cérébrale, parce que la plupart des études publiées ont été réalisées auprès d’alcooliques sevrés. De fait, les taux les plus élevés du métabolite ont été constatés chez les sujets imprégnés ou récemment sevrés. Et, par ailleurs, le taux de scyllo-inositol, qui varie en fonction du temps, se normalise en quelques semaines après le sevrage alcoolique.
Une souffrance neuronale.
Si le lien entre les taux élevés de la molécule et l’encéphalopathie alcoolique chronique est montré par la résonance magnétique, il est renforcé par une autre argument. La diminution, toujours en imagerie, des taux de NAA (N-acétylaspartate) suggère une souffrance neuronale et l’augmentation de la créatine localement reflète une probable perturbation du métabolisme astrocytaire.
Des travaux antérieurs ont montré que le scyllo-inositol provient de la circulation sanguine, mais qu’il peut être synthétisé de novo à partir du glucose-6 phosphate. «Une origine sanguine du scyllo -inositol cérébral… semble exclue, étant donné que l’analyse du sérum sanguin n’a montré que des variations très faibles de ce métabolite. Nous supposons qu’il est synthétisé dans le cerveau et que sa concentration dans le liquide céphalorachidien reflète une diffusion passive ou un afflux via le transporteur du myo -inositol permettant l’élimination d’une partie du scyllo -inositol hors du cerveau. Cette hypothèse semble corroborée par des études, réalisées au moyen de la tomographie par émission de positons, qui ont mis en évidence une diminution de la consommation de glucose dans le cerveau des alcooliques », expliquent les Marseillais. Cette piste des anomalies de la glycolyse est suggérée par d’autres travaux : une inhibition du flux glycolytique a été observée dans un modèle animal d’alcoolisme ; dans un modèle de maladie de Huntington avec anomalies de la glycolyse, des taux cérébraux élevés de scyllo-inositol ont été relevés.
L’équipe de Patrick Cozzone conclut que «la découverte d’un taux élevé de scyllo -inositol cérébral chez un sujet adulte doit inciter à rechercher une encéphalopathie clinique ou infraclinique».
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