Théâtre
Un plateau de bois qui s'ouvrira pour découvrir les restes d'une barque. Un fond, gris, bleu, ciel ou mer. On est au bord de l'eau. Là où la demoiselle aux rats conduit les rongeurs qu'elle subjugue, là où le Petit Eyolf va se noyer sans que ses parents puissent le voir une dernière fois... Un décor très simple et harmonieux de Jacques Gabel, des costumes qui suggèrent bien les personnages dans l'élégance de Patrice Cauchetier. Du goût, quelque chose de doux et de triste. Lumières blêmes du nord de Joël Hourbeigt. Et puis ce texte, dans une traduction de Michel Vittoz. Une pièce que l'on découvre et qui méduse.
Un univers qui convient bien à l'écoute scrupuleuse d'Alain Françon, à son goût de la complexité : ici, la psychologie des profondeurs est sans cesse associée à un regard social assez sévère. Ici, rien qui ne soit gorgé de sens et de catastrophes à venir. Une manière de saisir les personnages et de laisser le spectateur deviner petit à petit. Une qualité de silence, le poids de ce qui ne s'exprime pas et pèse sur l'enfant qui décide d'un destin étrange. L'apparition de la Demoiselle aux rats, figure de sorcière ou de fée, prémonition du destin. Une composition de l'ordre du merveilleux et de l'angoisse mêlés par Jany Gastaldi. Et puis tous ces liens : Alfred, Jacques Bonnaffé et Asta, Valérie de Dietrich, frère et sur - mais est-ce aussi simple... ? -, attachés à leur passé commun, enfants sans parents, livrés à eux-même. Borgheim, le constructeur. Il y a toujours des constructeurs chez Ibsen. Il fraye les routes. A l'avant, mais moins sûr de lui lorsqu'il s'agit d'exprimer des sentiments. Antoine Mathieu est très bien. Et puis Rita, la mère. Ce cri lorsqu'elle comprend. Celle qui souffre parce qu'elle devine bien, confusément, qu'elle ne restera qu'une étrangère... Ambivalence magnifique de ce personnage que Dominique Valadié porte avec une puissance tragique et une vulnérabilité bouleversante. Les scènes avec Bonnaffé qui a ce qu'il faut de raide et de fragile, à la fois, sont superbes. Alfred est celui qui rêve, qui a entrepris un grand livre sur la responsabilité et qui n'a épousé Rita, peut-être, que pour l'argent... Qui sait ? Ici, le blanc et le noir, le conscient et l'inconscient sont en constant dialogue. Tout est à double face. Valérie de Dietrich, elle aussi, interprète avec intelligence, sensibilité, Asta, personnage sacrifié, lucide terriblement.
Une pièce passionnante, une mise en scène incisive, une interprétation magnifique. Un très grand travail.
Théâtre de la Colline, petite salle, jusqu'au 8 avril. A 21 h, en matinée le dimanche. Durée : 1 h 45 sans entracte. Le texte est publié par Actes Sud-Papiers.
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