C'est comme une chanson. C'est un thème de chanson réaliste. Il l'a quittée. Le lit est vide. Elle se lève. Seule. Il lui faudra des trésors d'énergie méticuleuse pour parvenir à se faire une tasse de café soluble. Amère boisson qu'elle jettera dans le lavabo de sa chambre de bonne. Soit : vingt-quatre mètres cubes. Sous la plume ferme de Geneviève Serreau, c'est un texte très bref, aussi concis que précis, une nouvelle. Un précipité dramatique.
Gilles Cohen, qui en signe la mise en scène dans ce lieu qui est une galerie (on y a vu des expositions) et accueille parfois des spectacles, une sorte de joli grenier du Rond-Point, appuie tout son travail sur la personnalité insaisissable, la beauté naturellement rétive et sensuelle d'Emmanuelle Devos.
Il l'installe sur un tabouret, un grand tabouret sur lequel elle est juchée, sans autre complément scénographique que des lumières bien contenues, un jeu d'ombre parfois (Stéphane Butkovic et Carlos Cruchinha). Dans sa petite robe très simple et très belle, juste garnie d'un jour en bas, une petite robe d'été de lin écru, cette femme abandonnée, nous touche. On écoute, on observe, on contemple Emmanuelle Devos distiller ce texte non écrit pour la scène et le dilater au plus grand tragique avec une sobriété magnifique.
Gilles Cohen aime les textes rares. Rimbaud, Labiche, Leroux, Porto-Riche, Calaferte, il est toujours allé du côté de l'insolite. Il écrit aussi et réalise des courts-métrages. C'est un metteur en scène très intéressant. Personnel. Hors des sentiers battus. Il le prouve une fois encore avec ce texte de la grande femme de théâtre que fut Geneviève Serreau, et l'écrivain à la Virginia Woolf qu'elle demeure pour jamais.
Emmanuelle Devos possède la grâce, une subtilité musicale, un frémissement sensuel contenu par une sobriété de l'âme, une voix harmonieuse, un regard renversant. Vingt-quatre mètres cubes de douleur, cinquante-cinq minutes de bonheur dramatique.
Théâtre du Rond-Point, galerie Audiberti, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h 30 dimanche (01.44.95.98.10). Durée : 55 minutes. Jusqu'au 24 novembre. Et toujours, dans la grande salle, « L'Ombre de Venceslao », Copi par Lavelli.
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