U NE sévérité inspirée par deux constats : dans un premier temps, le Pr Bertrand observe qu'il y a au moins 18 études ayant inclus plus de 20 000 patients qui ont comparé les anti-COX- 2, soit à un placebo soit à un AINS, sans propriété antiagrégante plaquettaire ; ces études ne montrent pas un accroissement des événements cardio-vasculaires sous anti-COX-2. En ce qui concerne les études comparatives avec les AINS classiques, on dénombre quatorze études et l'on ne sait pas pourquoi les auteurs décident a priori de ne retenir que celles où il y a des événements cardio-vasculaires : « Quatre sur quatorze, cela ne fait pas une métaanalyse », s'exclame-t-il.
Par ailleurs, le Pr Bertrand remarque que les auteurs reconnaissent une évidence qui est l'hétérogénéité des anti-AINS classiques au regard de leur effet antiagrégant plaquettaire ; d'ailleurs, le comparateur du rofécoxib dans l'étude VIGOR est le naproxène aux propriétés antiagrégantes marquées alors que dans CLASS, les comparateurs du célécoxib sont l'ibuprofène et le diclofénac qui sont moins antiagrégants plaquettaires. Or, c'est dans VIGOR que les auteurs mettent en évidence une différence significative. Autrement dit, on peut se demander si cette différence ne fait pas que traduire l'effet protecteur, sur le plan plaquettaire, du naproxène.
En tout état de cause, poursuit le Pr Michel Bertrand, l'interprétation des données de l'étude VIGOR mérite d'être beaucoup plus prudente que celle des auteurs, d'une part, parce que le nombre total d'événements est très faible et, d'autre part, parce que la majoration du risque concerne essentiellement les 4 % de la population de l'étude qui, du fait d'antécédents cardio-vasculaires, justifie une prévention par antiagrégants.
La « comparaison historique » rejetée par la communauté scientifique
Une autre critique concerne la comparaison des taux annuels d'infarctus du myocarde entre les populations des études VIGOR et CLASS, sous anti-COX-2 et celles extraites des bras placebos de quatre études réunies dans une métaanalyse ayant pour objectif d'analyser l'effet protecteur de faibles doses d'aspirine : une telle démarche appelée comparaison historique est rejetée par la communauté scientifique, d'autant que ces études sont très diverses de par la date de réalisation et aussi de par les populations étudiées (médecins américains et britanniques dans le cadre de la prévention primaire, prévention de la thrombose et étude HOT qui, comme on le sait, étudiait le traitement optimal de l'HTA).
Partant de là, le Pr Michel Bertrand tire plusieurs conclusions. La première concerne les scientifiques : il faut absolument mettre un frein à la multiplication des métaanalyses bidons favorisées par une consultation plus simple de Medline. Le fait qu'un scientifique aussi prestigieux qu'Eric Topol se laisse prendre à ces pièges est, à ce titre, un signal d'alarme.
Pour l'ensemble des patients et des médecins, le message de Michel Bertrand est clair : il faut être rassurant et n'avoir aucune arrière-pensée quand on prescrit un anti-COX-2 chez un patient n'ayant pas d'antécédent cardio-vasculaire. Chez des patients ayant un risque d'événement cardio-vasculaire, il faut simplement se rappeler que les anti-COX-2 ne sont pas un substitut de l'aspirine dans la prévention cardio-vasculaire.
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