LA NOTION de santé induit des questionnements de différents ordres avec des problèmes humains, de société, économiques et même philosophiques. Elle exige de combiner le point de vue de l’individu et celui de la société dans son ensemble ; c’est-à-dire de rendre compatible la vision de la santé publique et la demande individuelle. « Le cancer illustre parfaitement cette problématique », explique le Pr Maraninchi. C’est pourquoi la mise en œuvre d’un premier, puis d’un deuxième plan Cancer est un acte politique. « L’État s’expose en s’engageant dans un problème de santé particulièrement dur et pénible », estime le spécialiste. Le cancer est la première cause de mortalité dans notre pays, c’est aussi la principale crainte des Français en matière de santé. « Face à ce terrible problème qui touche chacun de nous, une approche globale - associant la prévention, le dépistage, le traitement et la recherche - est absolument nécessaire. C’est le fondement même du premier et du deuxième plans Cancer, l’engagement de l’État étant, en effet, pérenne. » L’approche globale induit de la verticalité, là où les professionnels de santé ont l’habitude de traiter les problèmes horizontalement. Le patient atteint de cancer est confronté non seulement à la question de sa guérison, mais aussi à celle de la reprise du travail, de l’accès à une assurance, de la prévention et du dépistage d’une autre maladie ou d’un autre cancer. « Le travail "du vertical" est de poser ces problèmes et de les rendre solubles », insiste le Pr Maraninchi.
Les résultats tangibles.
Les résultats du premier plan Cancer sont déjà tangibles. Cinq millions de Françaises ont reçu une lettre les invitant à faire une mammographie dans un cabinet de radiologie agréé, utilisant un matériel régulièrement vérifié, assurant une double lecture des clichés et cela gratuitement. En trois ans, la moitié a accepté de faire ce dépistage. Or, un million de mammographies permet de repérer 6 000 cancers, dont 5 000 sont curables sans séquelles. « Ceci apporte la démonstration qu’une politique publique peut modifier l’entrée dans la maladie et le devenir du patient », se félicite le Pr Maraninchi. Le dépistage du cancer colo-rectal par l’Hémoccult est en train d’être mis en place (« le Quotidien » du 13 janvier). Un million d’Hémoccult permet de repérer 10 000 lésions, dont 8 000 adénomes et 2 000 petits cancers parfaitement curables. « Agir sur le système de santé, c’est aussi modifier l’histoire naturelle de la maladie. »
Outre la mise en œuvre de larges actions de dépistage, le plan Cancer a travaillé à l’amélioration des soins. Celle-ci s’est axée principalement sur trois types de mesures : la coordination des différents professionnels de santé permettant l’examen du dossier individuel par une équipe pluridisciplinaire (disease management) ; l’établissement de référentiels qualité inscrits dans la réglementation ; et la mise en place de seuils minima d’activité autorisant un établissement de soins à dispenser tel ou tel traitement du cancer (chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie). « Ces seuils que j’ai moi-même fixés sont très bas, indique le Pr Maraninchi. Ces mesures sont aujourd’hui des acquis irréversibles du plan Cancer ; le deuxième volet va les consolider et poursuivre leur mise en œuvre sur le territoire. » Cela prendra du temps et nécessitera de nombreux ajustements. L’ensemble des facteurs locaux devront être pris en compte. Les efforts doivent également être poursuivis concernant la prise en charge globale du patient, y compris après son cancer. « Et nous devons progresser dans l’identification et la maîtrise des facteurs de risque des cancers, dit le président de l’InCA. Cela doit être fait en concertation, notamment avec le plan national Nutrition Santé et le plan national Environnement. Le rôle d’une agence telle que la nôtre est de donner de la cohérence à ces différentes mesures. De même, dans le domaine de la recherche, l’agence doit rassembler les acteurs intéressés, établir un continuum entre les différents projets et les coordonner. »
* Conférence organisée par la commission Santé de la Fondation Concorde.
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