Les patients semblent de moins en moins hésiter à poursuivre leur généraliste. Le dernier rapport du Sou Médical, présenté jeudi, le confirme. Le nombre de déclarations impliquant un médecin de famille est passé de 370 en 2010 à 387 l’année dernière (voir tableau). Si le taux de sinistralité en médecine générale demeure autour de 1 %, personne ne semble à l’abri d’être confronté un jour à une poursuite judiciaire. Et, en cas de prolongements judiciaires, le risque de condamnation au civil est de plus en plus fort (61 % en 2011 contre 59 % en 2010). Comment s’en prémunir ? Peut-être en analysant les principaux motifs invoqués.
Le diagnostic
Sur les 387 déclarations recensées par le Sou Médical en 2011, un tiers (115) mettait en cause le diagnostic du médecin. Ce qui en fait le premier motif d’incidents. « La plupart des déclarations sont issues de problèmes de retard ou d’erreur de diagnostic », constate Nicolas Loubry, juriste à la MACSF.
Parmi les erreurs observées, le dernier rapport du Sou Médical rapporte le plus souvent des détections trop tardives de cancers. Un médecin généraliste a ainsi été condamné pour avoir prescrit trop tardivement une échographie chez un homme de 60 ans, malgré des taux de PSA élevés constatés à deux reprises.
Et, lorsque l’affaire arrive en justice, le diagnostic se retrouve aussi au premier rang des motifs. La justice semble notamment particulièrement sourcilleuse lorsque des fautes sont commises sur des enfants, observent les experts. En 2011, sur les deux généralistes condamnés au pénal, les magistrats ont jugé coupable l’un d’eux pour avoir mal diagnostiqué et pas traité de façon adéquate un enfant décédé des suites d’une crise d’asthme. Le médecin n’avait pas tenu compte des antécédents du jeune patient et n’avait pas fait de lien avec l’asthme de son père. De plus, les magistrats faisaient grief au médecin de n’avoir pas rempli le dossier médical.
La prise en charge
Après le diagnostic, les médecins généralistes sont aussi inquiétés pour la prise en charge des patients. Presque un cinquième des mises en cause (82 sur 387) s’y rapporte. Si les plaintes pénales sont assez rares, elles sont souvent liées à des situations d’urgence mal évaluées ou de non-assistance à personne en danger.
L’année dernière, selon le rapport du Sou Médical, c’est principalement dans le cadre de leur activité de médecin de garde que sept médecins généralistes ont été mis en cause au pénal. « Les médecins ont aujourd’hui tendance à donner leur numéro de portable. C’est une pratique qui n’est pas dénuée de risque car votre responsabilité peut être recherchée à partir du moment où vous êtes susceptible d’être contacté et que vous ne l’êtes pas », avertit Nicolas Loubry, juriste à la MACSF.
Le geste technique
Manipulations, vaccinations, mésothérapie, infiltrations… Autant de gestes techniques qui peuvent engendrer des poursuites de la part de vos patients. 21 médecins généralistes ont ainsi été inquiétés en 2011 pour un geste technique.
Une patiente de 52 ans ayant subi de nombreuses interventions rachidiennes a, par exemple, porté plainte à la suite d’une manipulation qui a déclenché chez elle une névralgie cervico-brachiale. Un généraliste a également été mis en cause pour avoir injecté – sans que cela n’ait pourtant eu de conséquences – un vaccin périmé à une patiente.
Le défaut d’information
Le manque d’information ou d’explication fait aussi partie des motifs récurrents et croissants des plaintes émanant des patients. « On a de plus en plus de médecins qui sont poursuivis parce qu’ils ne donnent pas suffisamment d’explications sur les risques d’un traitement par exemple », explique Nicolas
Loubry. L’année dernière, un généraliste a été mis en cause pour défaut d’information sur les modalités d’absorption d’un médicament qui avait entraîné une dysphagie importante chez une patiente âgée de 64 ans. Dans le récent livre « Audit de sécurité des soins en médecine de ville » (Le Généraliste du 28 septembre 2012), les juristes du Sou relatent qu’un généraliste a été condamné à indemniser une famille après le décès d’un patient pour ne pas lui avoir donné une information suffisamment « claire et loyale » sur le risque de récidive de son cancer. Une autre famille a poursuivi en 2011 un généraliste pour à peu près les mêmes raisons. Cette dernière a reproché au médecin la prise en charge et le manque d’information sur la gravité de l’état de la patiente décédée d’un sarcome utérin.
Le comportement
Les plaintes liées au comportement et à l’attitude du médecin sont le plus souvent portées devant le conseil de l’Ordre mais se terminent parfois devant les juges. Un généraliste a été mis en cause pour refus de continuer la prise en charge d’une patiente de 89 ans, du fait des problèmes relationnels avec un membre de sa famille. Un autre l’a été pour avoir dénoncé son contrat de médecin traitant du fait de l’indocilité de son patient et de ses refus successifs de traitements.
Selon le livre « Audit de sécurité des soins en médecine de ville » de René Amalberti et Jean Brami, la mise en cause d’un certificat concerne assez souvent une violation du secret médical, mais peut aussi concerner une trop forte implication du généraliste dans une affaire de famille. « C’est le cas, par exemple, du généraliste qui va rédiger un certificat à la demande d’une femme en instance de divorce pour montrer que son fils attrape à chaque retour de week-end passé chez son père une grippe ou un rhume?», explique Nicolas Gombault, directeur du Sou Médical.
Enfin, il faut savoir que le médecin est aussi responsable de l’organisation de son cabinet. À ce titre, il peut donc être poursuivi pour des chutes de patients ou pour des raisons d’hygiène.
Craignez-vous une mise en cause de votre responsabilité professionnelle ? Ecrivez-nous, rubrique AVLP, sur redaction@legeneraliste.fr
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature