Alors qu’à Paris, les négociations sur les nouvelles rémunérations de la coopération interprofessionnelle se poursuivent (voir encadré), à la Grande-Motte (Hérault), les jeunes médecins ont donné de la voix sur les avantages et les risques du regroupement libéral, lors du congrès annuel sur la santé durable organisé samedi par les médecins libéraux de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) du Languedoc- Roussillon.
Étudiants en médecine et internes partagent le même constat : s’ils n’ont aucune difficulté à imaginer exercer en collaboration avec d’autres professionnels, le statut libéral freine pourtant leur prétention à l’installation, que ce soit en cabinet de groupe ou en maison de santé pluridisciplinaire. La peur de l’inconnu les rend frileux. « Seuls 60 % des internes en médecine générale effectuent un stage en ambulatoire alors que c’est obligatoire depuis près de 20 ans », déplore Nicolas Romain-Scelle, vice-président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF).
Pour les autres spécialités, c’est pire, déplorent les futurs médecins. « Nous nous sommes battus pour que les internes en pédiatrie aient accès à un stage, ce n’était même pas prévu dans leur maquette pédagogique », renchérit Mélanie Marquet, du syndicat des internes du Languedoc-Roussillon (SILR).
Instabilité financière
En comparaison avec le monde hospitalier, l’instabilité financière et les multiples difficultés de l’exercice libéral inquiètent également. « 90 % des internes en médecine générale n’imaginent pas bosser en ville sans secrétaire, indique Lionel Barrand, vice-président de l’Intersyndicat national des internes (ISNI). La gestion d’un cabinet n’est au cœur ni de notre formation, ni de notre métier ». La liberté d’installation fréquemment menacée par des mesures de coercition, perturbée par les réseaux de soins mutualistes, la guerre de cent ans entre la ville et l’hôpital… En ces temps de rigueur économique, la médecine libérale n’apparaît pas sous son plus beau profil, analyse l’interne en biologie médicale.
Enfin, la féminisation de la profession (80 % des étudiants de deuxième année sont des femmes) participe à ce « changement générationnel », qui s’accompagne de nouvelles aspirations, insiste Mélanie Marquet : horaires aménagés et allégement du millefeuille administratif pour dégager du temps extraprofessionnel, protection sociale renforcée, etc.
Producteurs de soins
Dans la salle, les espérances de la jeune génération provoquent des réactions contrastées. Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicaux médicaux français (CSMF) et ancien patron des médecins libéraux de l’URPS du Languedoc-Roussillon dit « comprendre » les craintes des jeunes médecins. « Exercer la médecine de ville est plus compliqué qu’avant, explique le néphrologue. Les contraintes réglementaires sont de plus en plus lourdes et la formation médicale perd de son humanisme. On forme désormais les jeunes médecins à devenir des techniciens producteurs de soins. Et ce n’est en rien leur faute ».
L’opinion du Dr Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML) est plus tranchée : « Pour des horaires allégés, mieux vaut changer de métier. »
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