L'Assemblée adopte aujourd'hui le texte sur le voile

Pourquoi la loi est devenue nécessaire

Publié le 08/02/2004
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LE PS souhaitait principalement que le qualificatif d'« ostensible » fût remplacé par celui de « visible ». Ils n'ont pas obtenu gain de cause parce que le gouvernement ne souhaite pas s'attaquer aux affirmations discrètes d'une appartenance confessionnelle.
Cependant, le comportement des socialistes aura été décisif. Une loi qui n'aurait été votée que par la majorité aurait suggéré aux intégristes qu'ils avaient un recours dans l'alternance. Ils savent désormais qu'ils se heurtent au consensus national sur la laïcité.

Epargner les enseignants.

Le PS a absolument raison quand il dit qu'il ne faut plus laisser les enseignants arbitrer un texte imprécis. L'UMP a donc consenti à ce qu'un bilan de la loi soit dressé un an après son application et que son contenu soit éventuellement révisé.
Bien que la procédure parlementaire ait été conduite avec maestria par le président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré, bien que l'opposition et la majorité se soient retrouvées sur un thème cher à tous les républicains, les commentaires les plus acerbes, et parfois fortement argumentés, pleuvent sur le projet de loi.
Il a fallu, effectivement, beaucoup de temps pour que la nécessité de la loi se fasse sentir. On a souvent répété que les cas de filles voilées à l'école étaient rares proportionnellement à la population musulmane, que le dialogue et la persuasion suffisaient à régler le problème, et qu'en définitive la réaffirmation de la laïcité se réduisait à la suppression d'une liberté.
Tout cela est vrai. Mais, d'une part, on a constaté un retour marqué vers la religion d'un grand nombre de Français musulmans ; puis, des ports de voile de type provocateur ou voués au prosélytisme, dans un contexte particulièrement tendu par les agressions contre des Français juifs et par une sorte de libération du discours raciste, y compris celui que tiennent ces victimes du racisme que sont souvent les musulmans. Le « droit au voile », qui a été si souvent revendiqué par des jeunes filles ou jeunes femmes de manière extrêmement articulée, donc convaincante, donc dangereuse, risquait de se traduire par la contre-offensive des autres croyants, les juifs, minoritaires parmi les minorités, et les chrétiens qui ne sauraient oublier qu'ils forment la majorité.
Le gouvernement est donc intervenu pour mettre le holà à toute dérive.

OUI A L'INTÉGRATION ET OUI AUSSI À L'ASSIMILATION

Le fond du problème.

On ne répétera jamais assez que la laïcité donne des chances égales à tout le monde et que s'enfermer, au nom de la religion, dans son propre groupe, c'est perdre des chances. Mais le fond du problème est ailleurs : l'intégrisme est bel et bien caché sous ce voile défendu par des jeunes filles intelligentes et rompues au discours cartésien. Son intention est d'établir avec l'Etat un rapport de forces capable, un jour, de placer la religion au-dessus de la République.
Aussi, quand les mêmes jeunes filles nous expliquent combien elles sont heureuses d'être soumises aux hommes, de rejeter les droits qui leur sont automatiquement accordés par la France, et de s'enfoncer dans l'obscurantisme, elles ne disent jamais l'essentiel : à savoir qu'elles représentent le fer de lance d'un système de valeurs totalement étranger à la nation qui a accueilli leurs parents. Il ne s'agit plus du tout d'un vêtement comparable au T-shirt ou aux jeans, il s'agit de créer un Etat religieux dans l'Etat.
En outre, les intégristes ne représentent qu'eux-mêmes et même s'ils gagnent du terrain à la faveur des tensions sociales, ils effraient les Français musulmans les plus nombreux, c'est-à-dire les laïcs, qui préfèrent, et de loin, l'intégration à l'intégrisme.
Le débat confessionnel a conduit beaucoup de personnalités à nuancer leurs commentaires : par exemple, on a entendu un porte-parole politique dire que l'intégration n'était pas l'assimilation. Mais réfléchissons un peu : laquelle des vagues successives d'immigrants n'a pas trouvé son salut dans l'assimilation ? Reconnaît-on les Espagnols, les Italiens, les Polonais, les Juifs autrement que par leur nom ? Peut-on dire quelle est la religion de chacun des enfants de ces immigrés ? Et si la plupart de ces personnes ne font aucun mystère d'une origine dont ils n'ont aucune raison de rougir, la portent-ils en bandoulière ? Rien de tel en vérité qu'un Cohen et un Ben Mansour qui parlent le français sans le moindre accent et exercent la même profession, médecin par exemple. L'assimilation en fait des amis et rien ne les empêche d'observer leur religion.

La médaille et le stigmate.

Ce qui incroyable, c'est l'ignorance des faits historiques relativement récents et du revers de la médaille qu'on veut porter à toute force : aux yeux des nazis et des pétainistes, l'étoile jaune était un moyen commode de reconnaître les juifs dans la rue dès le premier coup d'œil, pour qu'ils respectent les interdits auxquels ils étaient soumis et, un peu plus tard, pour qu'on puisse les rafler et les déporter.
Le voile, c'est comme si les musulmanes voulaient délibérément porter leur stigmate, leur étoile jaune. Et du coup, au lendemain des agressions antisémites, les Français juifs n'ont plus d'autre recours que de manifester en épinglant l'étoile à leur revers.
Pour terminer, on a beaucoup dit aussi que cette loi sur le voile renforçait le Front national, notamment parce qu'elle interdit aux catholiques de porter une grosse croix. Mais les électeurs de Jean-Marie Le Pen souhaitent encore moins que les autres que les musulmanes affichent leur différence. On ne voit pas pourquoi ils n'approuveraient pas la fermeté du gouvernement.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7473