Courrier des lecteurs

Pourquoi faire simple ?

Publié le 01/12/2014
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Samedi matin, on apporte un patient à mon associé. Un paraplégique en fauteuil – à notre cabinet qui n’est même pas strictement aux normes handicapés –, pour un problème de cervicalgie aiguë.

En guise de cervicalgie, le patient présente une céphalée postérieure, une légère obnubilation et… une pression artérielle à 250/100.

Mon confrère est un médecin généraliste expérimenté – avec des vrais morceaux de docteur à l’intérieur –, et il diagnostique en 20 secondes une hémorragie méningée.

Il allonge le patient et lui administre du Loxen par voie intraveineuse en attendant qu’une ambulance vienne le chercher.

Dix minutes plus tard à peine, les ambulanciers sont au cabinet médical – qui n’est même pas une MSP à la mode, n’a reçu aucun subside de l’État, de la région ou de la commune pour exister. Ne reçoit, pour travailler aucun ordre de l’ARS et n’a pas besoin de la tutelle régulatrice du centre 15 pour que les malades sachent le trouver quand ça tourne mal.

Le malade est transporté aux urgences où le courrier du médecin généraliste est lu attentivement comme toujours… et le malade reçoit prestement les soins adaptés à son état.

Sans vouloir polémiquer stérilement avec notre ministre et les « machins » compliqués qu’on nous propose, je souhaite simplement aligner quelques mots clés facilement accessibles à l’élu moyen : « Médecin libéral de proximité ; efficacité ; rapidité ; efficience ; compétence (mais oui…) ; usage adapté des services d’urgences ; coût modéré (très) ; lieu identifié. »

Mon histoire est simple et banale. C’est le quotidien des médecins libéraux français.

Et si, au lieu de réinventer la poudre et le fil à couper le beurre, on donnait quelques moyens à cette médecine-là pour la rendre attractive et encore plus efficiente ?

Vendu ?

Sublimation du système de santé ?

On nous a servi « la médecine innovante », puis « l’excellence du système de santé », reste à réaliser « la sublimation du système de santé », ainsi notre ministre de la Santé pourra se féliciter.

Supprimons le médecin généraliste et valorisons le pouvoir de :

- L’I-phone, le smartphone pour surveiller notre cœur, notre tension, notre poids, pour nous dicter le régime alimentaire adéquat, le sport à effectuer, etc.

- L’Internet qui propose : Doctissimo, Wikipedia, docteurclic, Santé magazine avec son auto-diagnostic, etc.

- Vidal qui par eurekasanté permet à tout un chacun d’établir son diagnostic et son traitement.

- L’analyse des larmes par les lentilles oculaires pour la surveillance du diabète et autres maladies.

- etc. …

Nous nous acheminons vers l’apogée de l’informatique et de la robotique. Que faire du médecin généraliste dans cette nouvelle société, cet être libertaire qui refuse les consignes de la Sécurité sociale et des politiques pour le bien des patients ? Ne doit-il pas disparaître ? L’avenir n’est-il pas le formatage des êtres humains !

Je propose donc que la Sécurité sociale et/ou les politiques désignent des personnes, qu’ils jugent correspondre à leur attente, pour les regrouper dans des centres (de santé ?) qui formeraient une toile d’araignée sur la France. Les techniciens de ces centres, selon les symptômes décrits et/ou le traitement proposé par les patients, rédigeraient l’ordonnance adéquate en fonction du budget de la Sécurité sociale.

Et pourquoi ne pas remplacer le personnel de ces centres par des logiciels programmés par les économistes de la Sécurité sociale associés aux politiques ?

À ce stade nous serons parvenus à la sublimation du système de santé. L’informatique aura triomphé. Mais qu’adviendra-t-il de cette humanité robotisée ? La mortalité ne reprendra-t-elle pas sa revanche ?

Quant aux syndicats médicaux, ils auront disparu non pour avoir défendu une éthique, une déontologie, une médecine libre mais par leur propre autodestruction.

Les hommes au pouvoir ne sont-ils pas devenus de grands enfants pour qui les humains sont des jouets. Ont-ils perdu le sens des valeurs, n’ont-ils plus de garde-fou, ou les refusent-ils consciemment ?

L’amour fou en 2 vignettes cliniques

Communément don de soi à autrui, l’amour n’est jamais raisonnable même s’il s’inscrit, en tant que tel, dans les limites du social. Il désigne un sentiment fort et positif s’exprimant sous différentes formes et intensités allant de la simple tendresse (envers un enfant, par exemple) jusqu’à l’amour dit « fusionnel » produit par identification massive et réciproque en passant par le penchant le plus ardent (dans le cas de la passion amoureuse).

L’amour fou est une manifestation émotionnelle extrême occasionnant une violation des normes sociales. Il correspond à un élan affectif destructeur sous-tenu par des états mentaux et des comportements anormaux. Il inclut la possibilité d’être un danger pour soi et/ou pour autrui.

La littérature abonde d’exemples d’amour fou. Dans la Génèse, le péché originel, métaphore d’un inceste fille/père, inaugure paradoxalement l’entrée de l’humanité dans une réalité sociale, dans la civilisation. Les mythes grecs d’Orphée et Eurydice ainsi que celui d’Œdipe mettent en scène des amours tragiques. De son côté, la vieille légende celte de Tristan et Yseut relate un amour triomphant, purifié par la souffrance et consacré par la mort. Quant au couple emblématique Roméo et Juliette de W. Shakespeare, ils sont deux jeunes amants dont la mort va réconcilier leurs familles ennemies.

La littérature policière et le film noir se sont beaucoup inspirés du crime passionnel. Dans la réalité, ce type de passage à l’acte est, en France, une des formes d’homicide les moins sévèrement punie dès lors que la passion amoureuse est considérée susceptible de faire perdre le contrôle de soi. Cette mansuétude peut être située dans la loi (loi d’exception) ou dans les faits (circonstances jugées atténuantes).

La pathologie mentale recèle de l’amour fou au travers de deux grandes catégories : les psychoses passionnelles et les perversions. Les premières sont essentiellement le délire de jalousie (conviction erronée et irréductible d’être trompé) et l’érotomanie (ou illusion délirante d’être aimé). Les secondes recouvrent, entre autres, les pédophilies et le cas particulier de l’inceste ; sans méconnaître : l’emprise amoureuse. La loi considère l’« abus sexuel sur mineur » comme un grave délit ou crime dès lors qu’il s’agit d’une transgression majeure des droits fondamentaux de l’enfant. L’inceste, pour sa part, est un tabou qui réglemente non seulement la sexualité mais également les mécanismes de filiation et de mariage. Absent du Code pénal, il n’en demeure pas moins un crime passible de la Cour d’Assises. Le plus souvent le fait d’un individu pervers narcissique, l’emprise amoureuse procède d’une manipulation. Son auteur sent ce que l’autre attend. Un piège est tendu à ce dernier (ou cette dernière), sa proie, dont la joie de vivre va s’éteindre peu à peu. Dès lors, à la phase de séduction (qui peut durer des années) adviendra l’emprise (véritable prise de pouvoir sur l’esprit de l’autre) puis, finalement, l’assujettissement. La relation « désaffectivisée » repose sur le besoin. De plus en plus utilitaire, elle aboutit à une prison. De fait, cette emprise amoureuse ne pourra être rompue que si la victime reconnaît et admet la possibilité d’une vie sans l’autre, son prédateur.

Deux vignettes cliniques pour illustrer mon propos :

1) Une jeune femme, initialement gênée, paraissant là et pas là, un peu hagard, fuyant le regard, manifeste un mal-être diffus, ne sachant pas trop par quoi commencer. Puis, plus confiante, elle paraît accessible. Elle révèle alors avoir été sexuellement abusée par son père durant plusieurs années. Elle aura porté plainte et son père condamné pénalement fera quatre ans de prison ferme. Aujourd’hui, ses parents ont divorcé et, par convenance, elle revoit épisodiquement son père sans plus trop savoir ce qu’il représente pour elle. Elle exprime un vécu de perte d’identité. Elle se sent comme divisée. En outre, elle dit ne plus pouvoir constituer de souvenir et avoir l’impression de ne plus avoir d’histoire.

2) Un homme jeune consulte pour une phobie des transports en commun. Or, celle-ci a débuté il y a huit mois date coïncidant avec la fin d’une relation sentimentale. Il avait rencontré cette femme un an auparavant alors qu’il était en couple. Il parle d’« une véritable descente aux enfers ». Elle s’était employée avec insistance à faire sa connaissance. Elle aura usé de tout son charme pour le séduire et le conquérir. Sans amour, il éprouvera comme une attraction irrépressible et une relation intime clandestine se sera instaurée durant plusieurs mois. Il se verra peu à peu entraîné dans la consommation accrue d’alcool et de stupéfiants. Elle le poussera également à dépenser toutes ses économies. Il finira par perdre sa compagne ainsi que son emploi. Aussi, sous l’influence de cette femme accaparante et toxique, il devra recourir à l’intimidation par un tiers pour obtenir qu’elle renonce enfin à lui. Depuis, il est rongé par la culpabilité. Elle hante ses jours avec l’illusion de la reconnaître dans des lieux publics. Elle habite également ses nuits sous formes de cauchemars répétitifs.

Ainsi, l’amour donne sens à l’existence. Il favorise les liens entre les êtres. En revanche, au service de la folie, il génère des victimes et peut faire des ravages.

Dr Stéphane Pertuet Barentin (76) Dr Jean Hvostoff Les Molières (91) Au Moyen Âge, l’histoire vraie d’Abélard et Héloïse raconte un amour « passionné », bilatéral et indestructible entre un éminent prêtre, théologien et enseignant, et son élève. Leur unio

Source : Le Quotidien du Médecin: 9370