Depuis leur apparition, il y a une dizaine d'années dans l'arsenal thérapeutique des rhumatologues, les anti-TNF alpha n'ont cessé de confirmer leur efficacité biologique et clinique. Leurs bénéfices indiscutables ne doivent pas pour autant occulter certains risques qui justifient un respect strict des recommandations de prescription ainsi qu'une étroite surveillance des patients.
L'EFFICACITE CLINIQUE des anti -TNF alpha dans la polyarthrite rhumatoïde est aujourd'hui indiscutablement reconnue, et s'exprime aussi bien par la réduction des douleurs que par l'amélioration de l'état général. Ces médicaments ont aussi démontré leur capacité à freiner l'évolution des modifications structurales liées à la maladie, évaluées radiologiquement ou par des méthodes plus récentes comme l'échographie et l'IRM.
Les anti-TNF ont donc considérablement modifié l'approche du rhumatologue vis-à-vis des rhumatismes inflammatoires chroniques - polyarthrtite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique et spondylarthrite ankylosante - et l'ont parallèlement incité à une certaine vigilance. En effet, la prescription des anti-TNF alpha relève d'indications très précises émanant de recommandations nationales et internationales, elles-mêmes fondées sur les données de la littérature et l'avis d'experts.
L'incidence des cas de tuberculose en baisse.
Tandis que le nombre de patients bénéficiant d'un traitement par anti-TNF alpha était en constante augmentation - aujourd'hui plus de 500 000 patients dans le monde - des effets secondaires ont en effet été dévoilés, certains prévisibles d'autres non.
Compte tenu du rôle important du TNF alpha dans la défense anti-infectieuse, en particulier contre les germes intracellulaires, l'émergence d'un nombre anormalement élevé de cas de tuberculose chez des sujets sous anti-TNF alpha, notamment dans certains pays endémiques d'Amérique du Sud, a conduit les spécialistes à délivrer des instructions très précises aux cliniciens pour dépister les sujets à risque à l'aide de deux tests simples que sont la radiologie pulmonaire et l'IDR à la tuberculine. En cas de positivité de l'un ou l'autre de ces examens, les patients doivent alors recevoir un traitement préventif antituberculeux. Ces mesures ont rapidement permis de diminuer l'incidence des cas de tuberculose induite qui est alors revenue à un niveau sinon normal du moins acceptable. En France, un groupe de travail multidisciplinaire (le Ratio* dont il faut saluer la qualité du travail sous l'impulsion de Xavier Mariette), mis en place en 2001 sous l'égide des sociétés savantes de rhumatologie, de gastro-entérologie, de pathologie infectieuse et de médecine interne, a édicté des recommandations sur la prophylaxie antituberculeuse, reprises par l'Afssaps en 2002 et actualisées en juin 2006. Les sujets âgés ne semblent pas plus exposés au risque infectieux et aucun effet-dose n'a été rapporté.
Après ce premier signal d'alarme à destination des cliniciens, sont apparus au fil du temps d'autres effets secondaires, rares mais néanmoins préoccupants pour les patients : des symptômes neurologiques dont les mécanismes physiopathogéniques restent encore obscurs. Il peut s'agir de polyradiculopathies ou de signes évocateurs de sclérose en plaques. S'il n'y a pas eu de cas déclaré de sclérose en plaques, l'existence de ces symptômes, qui peuvent se manifester précocemment ou plus tardivement, incite néanmoins les cliniciens à une vigilance continue.
Les anti-TNF alpha ont également révolutionné la prise en charge thérapeutique des arthrites juvéniles, mais certains effets sur la croissance des patients les plus jeunes commencent à être rapportés. Cependant, le recul est aujourd'hui insuffisant et des études scientifiques rigoureuses seront nécessaires pour démontrer l'existence d'un lien réel entre la prise d'anti-TNF alpha et la survenue de troubles de la croissance chez l'enfant.
D'autres interrogations concernent les pathologies malignes. Les données actuellement disponibles sur l'infliximab et l'étanercept ne semblent pas pour le moment mettre en évidence une augmentation de l'incidence de tumeurs solides chez les patients traités, excepté certains cancers cutanés. En revanche, en raison du mécanisme d'action des anti-TNF alpha mettant en jeu le système lymphocytaire B, le risque de lymphome malin était pressenti avant leur mise à disposition. Actuellement, on peut craindre un excès de lymphomes malins, non pas chez tous les patients, mais plus particulièrement chez ceux souffrant d'une polyarthrite rhumatoïde sévère, ancienne, ayant déjà reçu de multiples traitements de fond.
Promouvoir une utilisation raisonnée.
Aujourd'hui, à la lumière de l'ensemble de ces données, il faut donc se méfier d'une banalisation sans limites de cette nouvelle classe de médicaments que nous n'avons pas fini de découvrir. Il faut en revanche promouvoir son utilisation raisonnée dans le respect de ses indications et selon les recommandations des sociétés savantes. Il faut engager les cliniciens à surveiller étroitement et régulièrement leurs patients sur le plan clinique et biologique afin de juger de l'efficacité des traitements et à dépister d'éventuels effets secondaires qui seront déclarés à des centres de pharmacovigilance afin d'en évaluer l'incidence et d'en déterminer les facteurs de risque.
Avec le temps, nous disposerons ainsi d'informations fiables et suffisantes qui permettront, nous l'espérons, d'élargir les indications des anti-TNF alpha.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Marie Le Parc, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne- Billancourt.
*RATIO : Recherche sur les Anti-TNF alpha et Infections Opportunistes
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature