Les Européens, s'ils ne veulent pas avoir honte de leur impuissance, les Américains, s'ils ne souhaitent pas qu'un jour le monde arabe se ligue contre eux, les Nations unies, si elles espèrent racheter les conséquences douloureuses de leur passivité au Rwanda et en Yougoslavie, doivent s'associer pour définir les conditions d'un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens et en rendre obligatoires les dispositions.
Ce n'est pas une tâche facile, mais elle n'est pas désespérée. Le désespoir, en effet, est tout entier contenu dans la tragédie qui se déroule sous nos yeux et se traduit chaque jour par la mort de civils innocents. La question n'est pas de savoir si Yasser Arafat, comme l'Union européenne et Shimon Peres s'évertuent à le répéter, est le seul représentant légitime des Palestiniens : M. Arafat n'est pas menacé que par Ariel Sharon. Et on peut se demander si M. Sharon lui-même, et même s'il est soutenu par une majorité en Israël, n'a pas touché les limites de sa politique de répression et s'il ne doit pas méditer sur sa présence au pouvoir. Car il sait que cette répression sera suivie par de nouveaux attentats et que sa fermeté, ce sont des civils israéliens qui la paient.
L'échec des partisans de la paix
Pour commencer, Shimon Peres et les travaillistes membres du gouvernement, qui ont cru qu'ils pouvaient infléchir les positions de M. Sharon, doivent bien admettre aujourd'hui qu'ils ont échoué. Si la gauche israélienne veut continuer à représenter une alternative à M. Sharon, elle doit quitter son gouvernement.
Certes, le Premier ministre israélien peut former une autre coalition, en rassemblant quelques factions extrémistes. Mais au moins y aura-t-il en Israël une autre voix minoritaire, mais forte, pour réclamer une solution négociée tout en dénonçant la violence.
Du côté palestinien, il n'existe pas de camp de la paix, si minuscule soit-il. Si M. Arafat n'est pas responsable de certains attentats, il est complètement impuissant à les prévenir. Comme les pays arabes, dont deux sont liés par un traité de paix avec Israël, n'ont aucune envie - et pas davantage les moyens - de faire la guerre à Israël, leurs regards sont braqués sur l'ONU.
Laquelle peut au moins dire ce qu'elle en pense : rien ne lui interdit de reprendre à son compte les propositions faites par Ehud Barak à Taba et que M. Arafat a rejetées, avec l'intention de déclencher ensuite une Intifada qui a déjà fait plus de mille morts : un Etat palestinien à Gaza et en Cisjordanie, avec Jérusalem-Est pour capitale, l'évacuation complète de Gaza par les Israéliens et l'évacuation étalée dans le temps des implantations juives en Cisjordanie. Ce plan peut être approuvé sans difficultés par les Etats-Unis, la Russie, l'Europe. Mais sur ce plan, dont la légitimité internationale sera très forte, les acteurs de la tragédie devront se prononcer.
Les pays arabes risquent de soutenir l'Autorité palestinienne sur le droit au retour. M. Arafat risque d'être confronté à des fanatiques qui se montreront d'autant plus violents qu'ils craindront d'être contournés ; M. Sharon, chef de gouvernement d'un Etat indépendant et souverain depuis cinquante-quatre ans, refusera sans doute qu'on lui dicte la solution de l'extérieur. Ce n'est pas un mystère : il n'envisage ni d'accorder aux Palestiniens un morceau de Jérusalem ni de fermer les implantations. Et, de toute façon, les ultras israéliens s'y opposeront.
Mettre les acteurs au pied du mur
Mais un plan international met chacun devant ses responsabilités. En Israël, une majorité préférera l'espoir de vivre à une valse des portefeuilles ministériels et elle peut changer de Premier ministre ; en Palestine, soit M. Arafat dit aux Palestiniens : voilà ce que le monde veut et je n'obtiendrai pas plus, soit il disparaît et quels que soient ses successeurs, ils devraient être pressés par le monde arabe de saisir la dernière chance.
On ne saurait exclure des règlements de comptes dans les deux camps : résistance armée dans les implantations, guerre civile entre Palestiniens. Et c'est pourquoi l'ONU doit faire au Proche-Orient l'effort qu'elle a fait en Yougoslavie. Les Américains disposent d'énormes moyens de pression sur Israël et s'ils décident de soutenir la création d'une force internationale d'interposition, M. Sharon lui-même ne pourra pas s'y opposer, sauf à subir un embargo sur les livraisons militaires américaines. Quant aux dirigeants palestiniens, qu'il s'agisse ou non de M. Arafat, ils ne peuvent pas tous rejoindre indéfiniment la politique suicidaire de l'Intifada. Leurs compatriotes souffrent, endurent, meurent aujourd'hui parce qu'ils s'identifient à une cause sacrée, celle de la liberté et de l'indépendance. Ils ne consentiront pas à souffrir et à mourir après les avoir conquises.
Il faut que les deux Etats soient séparés avec une frontière infranchissable garantie par les forces de l'ONU. Dans cent ans, toute la région formera un bloc économique et les échanges de populations et de biens seront la norme. En attendant, ne rêvons pas : la solution passe par une séparation des deux peuples qui peut durer plusieurs décennies, pour que les esprits s'apaisent et que les prochaines générations ne connaissent que la paix.
Il faut que les Palestiniens admettent enfin que l'Intifada ne les conduit qu'à plus de souffrances. Il faut que les Israéliens comprennent que l'enfer des territoires finira par ensevelir un jour leur propre Etat. M. Sharon et M. Arafat ne sont que des hommes assez âgés tous les deux pour ne pas avoir d'avenir. Il ne leur appartient donc pas de définir celui des générations plus jeunes. On peut faire la paix sans l'un ni l'autre.
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