PORTÉE PAR LA LOI du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la Conférence nationale du handicap (CNH) se tiendra demain dans la capitale. Prévue pour se dérouler tous les trois ans, elle fera le point sur la mise en oeuvre de la législation en vue de lui donner un nouvel élan (voir encadré ci-contre). Dans plusieurs secteurs, les objectifs du législateur ne sont pas satisfaits, déplore le monde associatif.
Même s'il existe des avancées, la vie au jour le jour des handicapés et des familles est rendue plus difficile par le déni de citoyenneté, dénonce l'Union nationale des parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI). L'association attend avec impatience la parution du décret sur la parentalité, qui doit permettre de soulager le quotidien des mères et des pères d'enfants inadaptés.
Dans le champ scolaire, la formation et l'évaluation des enseignants constituent des préalables qui ne sont toujours pas remplis. La moitié des professeurs en classes d'intégration appartiennent à la filiation générale, et les effectifs des « référents », dont certains suivent jusqu'à 450 élèves, sont insuffisants. La professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire (AVS), lesquels font cruellement défaut dans certains secteurs, se fait attendre. Les modalités de coopération entre l'éducation ordinaire et l'éducation adapté sont floues, faute de décret. Les instituts médico-sociaux connaissent une pénurie chronique de pédagogues. HSERA (handicap-soins-école-réponses adaptées) stigmatise en conséquence «l'illusion et des effets néfastes éventuels qu'entraînent l'inscription obligatoire et la scolarisation massive, sans des mesures d'accompagnement ad hoc : soins, rééducations, “remédiations” et suivis».
Du côté des maisons départementales du handicap, guichets uniques pour toutes les demandes des accidentés de la vie, il conviendrait de «stabiliser les personnels» et de gommer les «inégalités territoriales» de prise en charge.
Avec la faiblesse des tarifs dans le dédommagement des aidants familiaux, de surcroît fiscalisé, et l'exclusion des intervenants ménagers, la prestation de compensation du handicap (PCH, voir encadré ci-dessous), quant à elle, nécessite, pour le moins, des correctifs.
Relancer la politique gouvernementale.
L'UNAPEI, comme l'ensemble des organisations nationales impliquées dans la CNH du 10 juin, attend une nouvelle relance de la politique gouvernementale. Quel que soit son âge, un citoyen en situation de handicap doit pouvoir bénéficier d'une assistance adaptée. Cela implique, de la part de l'État et des départements, un «plan ambitieux de création d'établissements». À titre d'exemple, pour le seul réseau UNAPEI, il manque 20 000 places en centres d'aide par le travail, 10 000 en foyers pour adultes gravement handicapés et 5 000 au profit d'enfants quasiment non scolarisables.
Au chapitre de l'emploi, la porte du milieu ordinaire n'apparaît qu'entrouverte. Vingt-trois mille entreprises de 20 salariés et plus ne recrutent pas de travailleurs handicapés, 250 000 se retrouvent ainsi sur le carreau. Les acteurs de l'insertion (ANPE, Cap Emploi, AGEFIPH, FIFPH*) et les structures chargées d'accompagner durablement les handicapés dans la vie professionnelle tardent à se montrer efficaces. Les ressources suscitent de mêmes inquiétudes. Les associations réclament une allocation adulte handicapé (AAH) à 1 000 euros net d'impôts, pour la sortir du seuil de pauvreté où elle se situe : 628,10 euros** par mois pour un taux d'incapacité de 80 % et plus. Elles demandent également que son attribution, pour les personnes présentant un taux d'incapacité de 50 à 79 %, ne soit plus assujettie à un délai d'un an sans travail, «ce qui n'est pas sans produire d'effet pervers» (non-recherche d'emploi). Seul un demandeur de l'AAH sur dix travaille en milieu ordinaire, généralement comme ouvrier ou employé. Enfin, il importe de lever «la barrière de l'âge», disent-elles. «Bien souvent», au-delà de 60 ans, l'allocation de solidarité aux personnes âgées remplace l'AAH et les hébergements spécialisés verrouillent leurs portes (décret en attente pour que cela change). «Or le handicap ne prend pas de retraite, et l'avancée en âge multiplie les besoins.» La création, annoncée par le chef de l'État, d'un cinquième risque de protection sociale pourrait apporter une réponse au particularisme de la dépendance liée au handicap chez les sujets vieillissants.
Quoi qu'il en soit, plus de trois ans après la loi du 11 février 2005, «cette différence que constitue le handicap fait toujours détourner le regard de la société», alors que le législateur a énoncé le principe de la parité «citoyen valide/citoyen handicapé».
Au lendemain de la CNH, il appartiendra au gouvernement, sous la houlette du ministre et de la secrétaire d'État à la Solidarité, d'élaborer un rapport. Il sera soumis au Conseil national consultatif des personnes handicapées le 16 septembre, puis déposé sur le bureau des deux assemblées parlementaires en vue d'être répercuté dans les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2009. Au préalable, le 10 juin, Nicolas Sarkozy aura fait des annonces sur l'accessibilité, l'emploi et la scolarisation. «Permettre l'insertion dans toutes les activités de la vie quotidienne, dans la rue, dans les écoles, dans les entreprises, dans la fonction publique, comme dans les établissements adaptés, tel doit être notre objectif commun», affirment d'ores et déjà Xavier Bertrand et Valérie Létard.
* Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés et Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
** Majorée de 1,1 % en janvier, l'AAH sera revalorisée de 3,9 % en septembre, selon l'engagement de Nicolas Sarkozy de l'augmenter de 5 % par an au cours de son mandat.
Sept thèmes
La Conférence nationale du handicap, dont l'objectif est de faire un bilan de la loi et de «mettre les choses en perspective», a demandé trois mois de préparation, sous la houlette de Patrick Gohet, délégué interministériel aux Personnes handicapées. Les représentants d'experts, de l'administration, des associations et des départements ont travaillé sur les sept thèmes suivants : accessibilité et nouvelles technologies, compensation personnalisée du handicap, maisons départementales du handicap, scolarisation, emploi et ressources, établissements et services, polyhandicap et handicap rares.
En chiffres
PCH (prestation de compensation) :près de 30 000 bénéficiaires. D'un montant moyen mensuel de 1300 euros, elle finance les aides techniques, humaines ou animalières, les aménagements de logement ou de véhicule, voire les dépenses spécifiques et exceptionnelles. Depuis le 11 mai 2008 (décret), elle est étendue aux familles répondant aux conditions d'attribution de l'allocation d'éducation enfant handicapé et à l'un de ses compléments.
Structures pour adultes: au 31 décembre 2006, les 1 600 établissements et services d'aide par le travail comptaient 110 000 places, les 3 700 hébergements, 120 000, les maisons d'accueil spécialisé, 13 400, et les foyers d'accueil spécialisé, 19 600.
Scolarisation: 160 000 enfants handicapés vont dans l'école de leur quartier, dont 32 000 accompagnés par un AVS.
AAH: 270 000 allocataires.
Dépenses liées au handicap: 34,2 milliards d'euros en 2006, soit 6,5 % des dépenses de protection sociale et 1,9 % du PIB.
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