CE SONT des travailleurs humanitaires de Médecins du monde qui ont fait l'objet de cette étude, réalisée par le Dr Thierry Brigaud (CH de Valenciennes) et publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 10 juin. Au total soixante-dix-huit « personnes ayant avec MDM soit un statut de volontaire, soit un contrat de salarié de type CDD ou CDI, dont l'affectation principale n'est pas au siège à Paris, mais sur un lieu de projet à l'étranger, à la date du 15-1-2007». Hommes et femmes, personnel soignant, mais aussi personnel en charge de la logistique et de l'administration, ils ont été 64 % à répondre par courriel à l'autoquestionnaire qui leur a été adressé sur la période étudiée, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006. Un taux d'incidence a ainsi été calculé pour les principales pathologies infectieuses, rapporté à une année passée sur le terrain. L'ensemble des données confirme que ces expatriés de MDM sont bien exposés aux risques infectieux. Plus particulièrement, ce sont les pathologies liées au péril fécal qui les menacent, avec une incidence de 183/1 000/an pour les épisodes diarrhéiques. Viennent ensuite la typhoïde (30/1 000), l'hépatite A (12/1 000). L'incidence du paludisme est importante (116/1 000). La gale (36/1 000) vient rappeler que ces expatriés sont au contact de populations marginalisées et pauvres. En outre, deux personnes ont déclaré une tuberculose durant leur expatriation, soit une incidence de 12/1 000.
Remise à jour des vaccinations recommandées.
Au chapitre de la couverture vaccinale, 100 % des 78 expatriés ont déclaré être à jour de leur vaccination antitétanique, 98 % de leur vaccination contre la diphtérie et la poliomyélite, 78 % de leur vaccination antihépatite A, 81 % de leur vaccination contre la fièvre jaune et 67 % de leur vaccination contre le méningocoque. Pour la vaccination antihépatite B, 91 % des expatriés déclarent être à jour, contre 9 % qui avouent ne pas l'être. Et parmi les 20 professionnels susceptibles de réaliser des gestes invasifs, un seul n'était pas vacciné contre l'hépatite B (5 %). Enfin, 86 % de ces expatriés ont déclaré être à jour de la vaccination contre la typhoïde.
Ces données recoupent celles de deux études britanniques réalisées auprès de volontaires humanitaires. Elles conduisent les auteurs à proposer plusieurs recommandations, au premier rang desquelles la remise à jour des vaccinations recommandées avant chaque départ et, en fonction des sites à risque, des vaccinations spécifiques, surtout en période épidémique (choléra, méningite…).
Il conviendrait encore de revoir la liste des professions pour lesquelles certaines vaccinations sont réglementairement recommandées. En effet, les métiers de l'humanitaire n'y figurent pas spécifiquement et mériteraient d'être traités au même titre que les professionnels de santé. Cette question devrait être soumise au Haut Conseil de la santé publique.
Une nouvelle étude mériterait enfin d'être lancée, avec une cohorte de plus grande envergure, pour confirmer ces résultats en prenant en compte les différents lieux d'expatriation, la durée des séjours, ainsi que la catégorie professionnelle. D'ores et déjà, les auteurs concluent à l'intérêt de créer une médecine du travail des expatriés humanitaires. Elle répondrait à la professionnalisation des professionnels expatriés. L'évolution du bénévolat vers le salariat oblige désormais les associations humanitaires à repenser les questions de la santé au travail de leurs collaborateurs. Une meilleure surveillance sanitaire, effectuée dans le cadre de la médecine du travail, relèverait de leur responsabilité juridique d'employeur.
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