La santé en librairie
Le succès du principe de précaution, aussi bien dans les textes juridiques que dans la vie publique, donne quelque souci à Philippe Kourilsky. D'abord parce que ce principe est utilisé à sens et à contresens par les uns ou les autres, ce qui gêne le scientifique, et peut-être plus encore parce que beaucoup en font un principe d'abstention, ce qui ne saurait satisfaire le chercheur.
Il va donc, en toute rationalité, se demander comment et pourquoi le principe de précaution a fait une irruption aussi spectaculaire dans notre univers. Inquiète des défaillances de la prévention, la société fait de moins en moins confiance aux « principaux acteurs sociaux (politiques, scientifiques, médiatiques et juridiques) », entend avoir son mot à dire sur les risques pris ou à prendre, cherche des coupables dans un univers de dilution des responsabilités, perçoit d'une façon aiguë et volontiers irréaliste les risques, tout particulièrement alimentaires. C'est sur le terreau de telles revendications, « multiples, polymorphes, culturellement typées et variable selon les champs d'application possibles », que le terme principe de précaution a « fait florès, sans qu'on sache bien ce qu'il recouvre », constate Philippe Kourilsky à la fin de son premier chapitre. Il convient alors de « progresser dans la définition », ce qui mène l'auteur à se pencher sur la notion de risque, potentiel ou avéré, de distinguer prévention et précaution, et finalement de revenir à la prudence, mère de la prévention et de la précaution.
Dix commandements
Ayant ainsi déblayé un terrain quelque peu encombré, l'auteur peut concentrer son énergie sur la mise en place des bases d'une « conception positive, utile et utilisable » du principe de précaution. Il va s'agir, « dans le doute, (...) de mettre tout en uvre pour agir au mieux », ce qui est d'abord pour l'auteur affaire de procédures à établir et suivre en toute rigueur, tant en matière d'analyse des risques que de prise de décision, d'évaluation et d'information du public. Les dix commandements de « pur bon sens » qui en découlent, imposent cependant à chacun de nouveaux devoirs : l'institution scientifique, les entreprises, les administrations, l'institution judiciaire, les médias, le public, les politiques, et moins encore les experts, personne ne peut espérer s'exclure de la nécessaire « évolution sociale » et du renouvellement des responsabilités envisagés par l'auteur.
Deux exemples, celui du sang contaminé et celui des OGM, viennent en fin d'ouvrage appuyer la démonstration de l'auteur en indiquant de façon plus précise l'orientation que pourrait prendre l'action issue d'un principe de précaution revu dans le sens positif indiqué. Le débat reste ouvert, la méthode et la rigueur ne suffisant pas toujours à trouver un accord simple autour de « critères philosophiques, éthiques, idéologiques ou religieux » qui ne peuvent être éludés.
« Du bon usage du principe de précaution », Philippe Kourilsky, éditions Odile Jacob, 174 pages, 15 euros.
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