L’ACOUSTIQUE, la psychoacoustique, la physique, la physiologie et la biologie moléculaire ont fait ces dernières années des pas de géant. Au bénéfice des 1 000 enfants qui naissent chaque année en France avec une surdité. La Canam (Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs indépendants) a chargé l’Inserm de réunir un groupe d’experts pour faire le bilan des avancées scientifiques récentes susceptibles de retombées au niveau du dépistage, du diagnostic et de la prise en charge des troubles de l’audition chez l’enfant.
L’exposition au bruit reste une cause majeure de troubles de l’audition, du moins dans nos sociétés. Les protections physiques (atténuation des sources, port de bouchons d’oreilles ou de casques protecteurs) progressent peu, alors que l’attention se porte vers certains environnements pouvant potentialiser le traumatisme sonore (hypoxie, produits chimiques, dont certains solvants). «En contrepartie, on a observé que des expositions sonores pouvaient engendrer une résistance acquise au traumatisme sonore», notent les experts. Parmi les processus physiologiques associés à ce phénomène, les innervations efférentes et sympathiques de la cochlée, qui sont actuellement l’objet de recherches.
Plusieurs médicaments protecteurs contre le traumatisme sonore ont été identifiés, en particulier des anti-inflammatoires, des antioxydants ainsi que des anti-apoptotiques, des facteurs neutrophiques et des neuromodulateurs. En outre, certains gènes semblent influer sur la sensibilité au traumatisme sonore, comme ceux de vieillissement précoce, des gènes impliqués dans le stress oxydatif et des gènes qui participent au processus d’adhérence cellulaire.
Autre facteur de risque, les médicaments, comme certains antibiotiques (en particulier les aminoglycosides) ou le cisplatine, qui peuvent avoir un effet ototoxique. Les recherches sur des molécules antidote, réalisées sur l’animal, ouvrent des perspectives prometteuses.
Des recherches encourageantes portent sur la prévention de la dégénérescence des neurones cochléaires (facteurs de croissance et molécules impliquées dans l’adhérence cellulaire) et sur la régénération cellulaire (cellules souches, transfert de gène).
De nouvelles méthodes de dépistage.
En ce qui concerne le dépistage, les progrès sont spectaculaires. «L’apparition de techniques automatisées fiables applicables dès les premiers jours de vie a donné un intérêt nouveau à l’exploration de la fonction auditive en période néonatale (0-2 mois) et rend désormais possible le dépistage d’un déficit sensoriel sur le lieu de naissance permettant éventuellement d’envisager un dépistage néonatal universel», souligne le Dr René Dauman (unité d’audiologie, service d’ORL, groupe hospitalier Pellegrin, Bordeaux).
«Les conditions techniques de l’obtention des otoémissions acoustiques (OEA) et leur signification physiopathologique en font un très bon outil de dépistage néonatal.» Toutefois, la technique des Peaa (potentiels évoqués auditifs automatisés) a été préférée aux OEA dans un programme expérimental en cours (mené par la Cnamts et l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant), pour des raisons scientifiques : un moindre taux de faux positifs et une valeur prédictive positive plus élevée.
C’est l’une des principales recommandations du groupe d’experts : il faut favoriser le dépistage précoce et systématique des surdités. En effet, la majorité des surdités sont encore diagnostiquées après l’âge de 12 mois. Or la prise en charge précoce a montré son intérêt pour le développement des capacités auditives et du langage oral.
Les experts préconisent aussi la création d’un registre national des cas de surdité de l’enfant et que soit rappelé aux professionnels de santé le risque lié à certains traitements. Et puis, ils rappellent un petit conseil tout simple : éviter les niveaux sonores dangereux, notamment en écoutant de la musique amplifiée.
L’expertise a été réalisée par Paul Avan (biophysique sensorielle, Clermont-Ferrand), Yves Cazals (physiologie neurovégétative, Marseille), René Dauman (audiologie, Bordeaux), François Denoyelle (ORL pédiatrique, Paris), Jean-Pierre Hardelin (génétique des déficits sensoriels, Paris). Elle est publiée sous le titre « Déficits auditifs, recherches émergentes et applications chez l’enfant », éditions Inserm, 141 pages, 20 euros.
Les signes à surveiller chez le petit enfant
En raison de l’existence de surdités d’apparition secondaire, les médecins et les parents doivent être attentifs à certains signes qui peuvent révéler un problème chez le petit enfant.
Son audition doit être testée si : à 9 mois, il ne redouble pas les syllabes ; à 14 mois, il ne dit pas papa ou maman et ne répond pas à son prénom ; à 2 ans, il n’associe pas deux mots, ne montre pas des parties du corps lorsqu’on lui demande ; à 3 ans, il n’est pas compréhensible (ou est compris seulement par ses parents).
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