A LA DEMANDE de la Société française de dermatologie, un groupe de travail s'est intéressé, en collaboration avec la Haute Autorité de santé, aux recommandations à formuler pour le diagnostic précoce du mélanome, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Ce groupe de travail était représenté par des dermatologues (dont le Pr Brigitte Dreno), des chirurgiens, des généralistes, des spécialistes en anatomie pathologique et des économistes de la santé.
Démarche volontaire du patient : en première ligne.
Le groupe de travail a reconnu l'intérêt de la formation du patient. Encore faut-il convenablement le former à la reconnaissance d'un grain de beauté à risque. En effet, il ressort des données de la littérature que l'efficacité de cet examen est augmentée si le patient a été convenablement éduqué. Les médecins généralistes et spécialistes - y compris par le biais de leur salle d'attente -, ainsi que les médias grand public, peuvent (doivent) jouer ce rôle.
Le passage par le médecin généraliste est incontournable, car les dermatologues ne voient pas tous les patients. Son rôle est notamment de reconnaître les sujets à risque parce qu'ils ont des antécédents personnels ou familiaux de mélanome, de nombreux naevi (plus de cinquante), une notion de coups de soleil sévères dans l'enfance ou de séjour prolongé dans une région tropicale, un naevus congénital de grande taille ou un phototype clair. Le généraliste est également en première ligne pour dépister une lésion suspecte au cours d'un examen clinique, y compris pour un autre motif.
Les campagnes d'incitation au diagnostic précoce doivent être plus explicites : trois études économiques ont clairement montré que c'était la sensibilisation des populations à risque qui s'accompagnait du meilleur rapport efficacité/coût...
Ce qu'il reste à faire.
L'évaluation du coût de prise en charge du mélanome par stades de gravité est indispensable pour mesurer l'intérêt réel du dépistage. En effet, le nombre de nouveaux diagnostics de mélanome actuellement posé est de l'ordre de 8 600 par an. C'est trop peu pour justifier un dépistage global de toute la population. Mais comme le mélanome touche essentiellement des adultes jeunes - entre 30 et 60 ans - et qu'il est encore très meurtrier (15 % de survie à cinq ans seulement en cas de métastase), cela justifie l'intérêt d'un dépistage ciblé. Encore faut-il bien définir les cibles.
La mise en place d'études prospectives sur la population française a justement pour dessein de bien valider le profil des populations à risque. « Dans le cadre du réseau Mélanome Ouest, nous avons commencé une étude avec le soutien de la Ligue contre le cancer et de l'Inca. Nous avons élaboré une grille laissée en place dans la salle d'attente des généralistes et des spécialistes de la région ayant accepté de participer à l'opération. Il était, entre autres, demandé aux patients de noter s'ils avaient des taches de rousseur, plus ou moins de cinquante grains de beauté sur l'ensemble du corps, s'ils avaient déjà pris des coups de soleil sévères au cours de leur enfance - coups de soleil rouges, très douloureux, avec cloques et brûlures solaires - et s'ils avaient déjà eu un mélanome également appelé "grain de beauté cancéreux", etc. Ceux qui cochaient "oui" au moins une fois devaient se reconnaître comme étant des sujets à risque et en parler à leur médecin », précise le Pr Dreno. Ces derniers étaient ensuite invités à nous renvoyer les grilles, qui sont pour l'instant en cours d'analyse. Les résultats devraient donc être connus dans quelques semaines.
Une meilleure sensibilisation des généralistes et des médecins du travail (qui sont parfois les seuls médecins vus par des adultes jeunes en bonne santé apparente) par les dermatologues à l'identification des sujets à risque est également nécessaire. C'est le rôle des EPU, de la FMC, avec la règle ABCDE appliquée à l'observation des naevi : A = Asymétrique, B = Bordures irrégulières, C = Couleur irrégulière, D = Diamètre supérieur à 5 mm et E = Extension ou progression récente. La présence du seul critère E justifie de retirer la lésion. Sinon, deux critères sont nécessaires.
Le dermatologue doit jouer un rôle d'expert référent : en cas de lésion suspecte dépistée, le groupe de travail a conclu à l'intérêt d'adresser le patient au dermatologue et non directement au chirurgien, car il est important qu'il ait vu cette lésion avant exérèse, même si celle-ci est justifiée.
* CHU de Nantes, chef de l'unité de thérapie cellulaire et génique, et comité d'organisation des recommandations de la HAS pour le diagnostic précoce du mélanome.
Combien de mélanomes dépistés ?
Une autre étude doit être lancée par le réseau Mélanome Ouest d'ici à la fin de l'année. Elle va consister à demander aux généralistes, dont les patients ont coché au moins un des items sur la grille définissant les patients à risque, d'examiner leur patient. Puis de remplir un document dans lequel ils peuvent notifier la présence d'une lésion suspecte. Le patient est alors renvoyé au dermatologue, lequel doit à son tour remplir un document confirmant s'il s'agit d'une lésion bénigne ou non, et, en cas d'exérèse, y joindre le compte rendu d'anatomie pathologique. Cette étude, programmée entre fin 2007 et 2008, devrait permettre de connaître le nombre de mélanomes ainsi dépistés par le biais de la sensibilisation des patients à risque.
* Informations : www.reseau-melanome-ouest.com.
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