Le ministre de la Santé a continué à recevoir les grandes centrales syndicales pour évoquer avec elles la future réforme de la Sécurité sociale.
A Force Ouvrière, à la CFE-CGC, au Medef, Jean-François Mattei a, une nouvelle fois, expliqué la ligne que le gouvernement allait suivre : clarifier les circuits de financement et adopter des mesures de stabilisation des déficits en 2004 ; attendre 2005 pour faire plus après avoir mené jusqu'en mars une très large concertation. De ce fait, le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (le PLFSS 2004) sera, comme le précédent, un texte « de transition », a expliqué le ministre à Jean-Luc Cazette, le président de la CFE-CGC, qui se dit « satisfait de la méthode proposée ».
Le Medef ne veut pas d'un déficit « vertigineux »
Après sa rencontre avec Jean-François Mattei, Marc Blondel, secrétaire général de FO, se trouve lui aussi - c'est une première - sur la même longueur d'ondes que les pouvoirs publics : « Pour l'instant, explique le leader de Force Ouvrière dans « France-Soir », voulant éviter une rentrée dure, Mattei dit la même chose que moi, il laisse entendre qu'il abandonne la maîtrise comptable qui était le principe de la réforme Juppé en 1995 [...] Il affirme que la santé peut coûter plus cher que la croissance. D'une certaine façon, il justifie le déficit ». Considérant que ce point de vue est « à l'inverse même d'une politique libérale et d'une couverture individuelle », le secrétaire général conclut : « J'ai intérêt à soutenir cela », sans écarter, toutefois, l'hypothèse d'un revirement du gouvernement sous la pression de Bruxelles.
Au Medef, on veut croire aussi que la réforme part sur de bonnes bases. Ernest-Antoine Seillière, président de l'organisation patronale, est sorti de son entretien au ministère de la Santé « avec le sentiment que la réforme de l'assurance-maladie était lancée ». Preuve de sa volonté de voir aboutir ce chantier : le Medef, qui avait refusé de siéger au « Conseil d'orientation des retraites » lors des discussions préalables à la réforme des retraites, a accepté de faire partie du « haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie ». Il considère en effet que cette instance est faite « pour accélérer une réforme jugée indispensable ».
Soufflant le chaud et le froid, Ernest-Antoine Seillière met en garde le gouvernement : la réforme, explique-t-il, « passe par un préalable de crédibilité qui est la prise dans les prochaines semaines de mesures destinées à stabiliser un déficit déjà énorme pour qu'il ne devienne pas vertigineux ». Ces mesures, le Premier ministre l'a fait savoir à plusieurs reprises (voir « le Quotidien » d'hier), ne comprendront pas, en tout cas, une hausse de la CSG (contribution sociale généralisée). Sur TF1, Jean-Pierre Raffarin a insisté : augmenter la CSG n'est pas d'actualité puisque le gouvernement « ne veut pas augmenter les prélèvements sur les Français ». Il compte donc sur d'autres recettes. « Par exemple, cite le chef du gouvernement, nous avons décidé d'affecter toutes les recettes de la fiscalité du tabac à la santé ».
Pour l'ancien ministre socialiste des Finances Dominique Strauss-Kahn, le Premier ministre se trompe d'analyse : le déficit de l'assurance-maladie doit mener « inéluctablement à une hausse de la CSG ». Dans un entretien publié par « le Monde », DSK fait valoir que pour réduire le déficit il n'y a « que deux pistes ». D'abord « la maîtrise des dépenses de santé ». Or, selon l'ancien ministre, le gouvernement « fait l'inverse depuis quinze mois » et c'est « en partie ce laxisme qui mène à l'impasse financière ». Ensuite, « trouver des recettes », et « quand les bases s'essoufflent à cause de la faiblesse de la croissance, il n'y a pas d'autre solution que d'augmenter les taux ».
Un colloque européen pour le renforcement des systèmes de protection sociale
Les participants à une conférence organisée à Paris par le Conseil de l'Europe ont plaidé pour le renforcement des systèmes de protection sociale qui sont, à leurs yeux, un facteur déterminant de « cohésion sociale » et de « démocratie ».
L'ancien ministre socialiste de la Santé, Claude Evin, a estimé que, face « à la question du maintien de ces systèmes de protection sociale qui coûtent de plus en plus cher », il faut s'en tenir à un certain nombre de principes « d'équité et de solidarité » et vérifier si les réformes mises en uvre les respectent ou non.
Pour Gabriela Battainni-Dragoni (directrice de la cohésion sociale au Conseil de l'Europe), « la mission première de ces systèmes est d'assurer la sécurité aux personnes » face à la vieillesse, la maladie, le chômage, l'invalidité, l'accident du travail et la maternité. Andréas Gross, membre du Conseil de l'Europe, a préconisé « la création d'une instance pour protéger les droits sociaux fondamentaux », dans le cadre européen, voire dans celui des Nations unies car « l'Etat nation dont le pouvoir s'est érodé ne peut plus garantir » ces droits et le fossé entre la logique des marchés et la démocratie se creuse, sans que les syndicats puissent jouer un rôle d'équilibre.
Bruno Palier, chercheur au CNRS, a estimé que, pour faire face au papy boom, il fallait « faire le contraire de ce qu'on fait aujourd'hui ». Il s'agit de « favoriser l'entrée des femmes sur le marché du travail » plutôt que de les inciter à rester chez elles et de faire en sorte « que les plus de 55 ans travaillent plutôt que de les mettre en préretraite ».
Pour l'association des institutions de sécurité sociale, Yannick d'Haene a expliqué que, face aux « tenants de l'ultralibéralisme » pour qui le « welfare state est devenu un dirty word » (un gros mot), il fallait éviter que ce débat sur la protection sociale soit « confisqué par l'économie ».
Quant à Joseph Niemiec, de la Confédération européenne des syndicats, il a appelé à des politiques actives de l'emploi et à un élargissement de l'assiette des cotisations sociales à d'autres revenus que ceux du travail pour assurer la pérennité des systèmes.
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